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de ses lois, immuables sans doute, mais toujours imparfaitement connues.

La vapeur, par exemple, naguère inappréciée à sa juste importance, rend facile aujourd'hui ce qui sans elle était irréalisable, elle aide, transforme toutes les branches de l'industrie moderne et leur ouvre le plus vaste horizon.

Sur mer, elle semble se rire et des vents et des flots, procurant à la navigation la plus lointaine une précision presque complète sous le rapport de la direction et de la durée.

Sur terre, elle soulève et transporte les objets les plus lourds. Sur deux rails de fer, d'immenses convois d'hommes et de marchandises glissent à son appel et parcourent, en quelques heures, d'incommensurables distances.

C'est là beaucoup sans doute. Et pourtant, combien plus brillant sera son avenir, si des expériences ultérieures viennent confirmer au point de vue de la pratique courante, les avantages que semble promettre l'ingénieux emploi de l'huile de pétrole pour le chauffage des machines (1) !

Une autre force encore plus incommensurable se développe et grandit depuis un demi-siècle. Messagère rapide elle transmet instantanément nos pensées d'un hémisphère à l'autre. Pour elle plus de distances, plus d'obstacles.

Qui sait même si bientôt, détrônant la vapeur, elle n'appliquera pas sa propriété attractive et répulsive à la locomotion (2)?

(1) Reproduit récemment en France sous les yeux de l'Empereur par M. H. S. C. Deville sur un bateau de la Seine et sur une locomotive du chemin de Châlons, en Angleterre par MM. Dorsett et Blythe, à bord du navire à hélice de 500 tonneaux et de 90 chevaux-vapeur le Retirever, puis par MM. Barff et Simn, l'emploi de cette huile minérale procure : 1o un bénéfice de 50%; 2o une diminution considérable de l'usure des tuyaux et des chaudières; 3° permet des voyages plus directs et plus rapides. (Moniteur universel du 1er novembre 1868.)

(2) Sans doute, des difficultés pécuniaires et scientifiques

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C'est ainsi que l'homme domine et asservit la nature par son intelligence, don et image de Dieu, montrant par là, souvent sans le vouloir, combien il se distingue des animaux, toujours privés, quelle que soit leur perfection relative, d'aptitudes progressives et morales.

Après ces considérations générales et rapides sur les modernes découvertes, nous abordons sans autre préambule le véritable but du présent exposé, l'application de la force centrifuge à la fabrication du vin et du cidre.

I.

Depuis longtemps déjà l'industrie utilisait cette force pour dessécher ses différents produits, sucres, fécules, tissus, fils, etc.

L'un de nos grands industriels nantais, ancien élève de l'école centrale, appliquait cette force à dessécher les laines qu'il file et tisse dans son bel établissement de la rue Dos-d'Ane.

Cherchant comme autrefois NEWTON les conséquences du phénomène qu'il observe chaque jour, il se demande pourquoi la force centrifuge qui dessèche si complètement ses fils et ses tricots, n'extrairait pas également le jus de son raisin.

Tout rempli de cette idée qu'il nourrit et caresse avec une paternelle sollicitude, il profite des vendanges de l'automne 1862 pour l'étudier et l'apprécier d'une manière pratique.

A cet effet, quelques hectolitres de raisin sont apportés

blent ajourner indéfiniment la réalisation de cette espérance. Mais le moteur électrique qui, depuis plus de vingt ans, met en action les ateliers de l'habile ingénieur Froment, le moteur de M. Molin, à l'aide duquel un bateau, chargé de plusieurs milliers de kilogrammes, a pu parcourir en tous sens le lac du Chalet, au bois de Boulogne, et d'autres encore, permettent d'espérer le succès.

dans ses ateliers, écrasés puis jetés peu à peu dans le bassin criblé d'une essoreuse.

Un complet succès confirme ses prévisions.

Soutenu dans ses recherches par les encouragements éclairés de M. le sénateur DUMAS, qui en a reçu la confidence, il les poursuit avec ténacité.

En 1867, il les reproduit sur une plus vaste échelle et obtient les mêmes résultats (1).

M. LEDUC veut alors appliquer son procédé à la fabrication du cidre; il se procure quelques hectolitres de pommes, les réduit en bouillie, puis les soumet à l'action d'une essoreuse, mue par la vapeur.

Au premier moment, l'échec paraît complet. Le diamètre trop considérable des trous du bassin laisse passer dans le tambour et le jus et le marc.

Heureusement le remède était facile, et l'addition d'un peu de paille entre la pulpe de pommes et les parois criblées de l'appareil, suffit pour retenir le marc et ne laisser passer que le jus.

Le procédé se trouvait donc heureusement applicable dès la première tentative pour le cidre comme pour le vin. C'était là, sans doute, un succès doublement remarquable au point de vue scientifique; mais était-ce sûrement un succès industriel?

La campagne 1868 est venue résoudre le problème, comme nous allons le voir, à la satisfaction de l'inventeur. 1re expérience. Le 10 septembre 1868, dix-huit hectolitres environ de vendange, préalablement écrasée, passent successivement à la turbine et fournissent 1,385 kilog. de moût. Certain désormais de l'excellence du procédé au point

(1) Témoin de ces essais, comme simple curieux d'abord, puis comme collaborateur, j'ai pu suivre toutes les phases de la découverte et toutes les modifications que la pratique nous a suggérées.

de vue mécanique, M. LEDUC veut se rendre compte des différences favorables ou défavorables que ce procédé peut avoir, sous le rapport économique, avec le mode actuel de vinification.

2o expérience.

Dans ce but, il prépare un appareil provisoire et portatif, fixé sur un cadre horizontal et solide. Cet appareil se compose (voir le dessin):

1o D'un écraseur avec sa trémie pour recevoir le raisin et en déchirer l'enveloppe ;

2o D'une caisse, placée sous l'écraseur et munie d'un faux fond, incliné et troué, pour recevoir les produits de l'écrasement et en séparer le liquide;

3o D'un hydro-extracteur (essoreuse ou turbine), dans lequel le raisin ainsi écrasé doit être soumis à l'action de la force centrifuge;

4o D'un réservoir ou récipient dans lequel le liquide de la caisse et de l'essoreuse se rend par la seule différence de niveau ;

5o D'une pompe aspirante et foulante puisant le liquide du réservoir, à l'aide d'un tube métallique, puis le conduisant dans les tonneaux, à l'aide d'un tube en caoutchouc de longueur et de diamètre appropriés ;

6o Enfin, d'un moteur.

L'appareil ainsi établi se trouve prêt à entrer en action. Le jeudi 17 septembre, nous l'installons à la campagne du Buret, près Bouguenais, à quelques mètres du pressoir.

Le fourneau d'une locomobile est allumé, la vapeur se développe et bientôt communique un mouvement simultané à l'écraseur, à l'essoreuse et à la pompe.

Le raisin, pesé à mesure qu'il est apporté de la vigne, est déposé dans une cuve d'attente. Un journalier l'y prend pour le soumettre à l'action de l'écraseur, d'où il retombe déchiré dans la caisse à double fond.

En quatre minutes, six hectolitres s'y trouvent ainsi accumulés.

De temps en temps, le journalier lève une trappe, ménagée sur la paroi de la caisse au niveau du fond troué, puis fait glisser dans le bassin de l'essoreuse, le long d'une gouttière large et profonde, la quantité nécessaire de raisin, referme la trappe, dispose régulièrement la charge et met en mouvement.

La force centrifuge, portée graduellement jusqu'à 1,200 tours par minute, refoule le marc contre les parois trouées du bassin, l'y presse fortement, en exprime le jus et le projette dans le tambour, d'où il retombe dans le récipient.

Après une rotation de sept minutes, l'appareil est arrêté, le marc retourné et soumis une deuxième, puis une troisième fois, à l'action de la force centrifuge.

Une nouvelle quantité de raisin remplace le marc épuisé de son jus, et l'opération se poursuit de la sorte, tant qu'il reste de la vendange.

On comprend ce que devient le liquide ainsi obtenu. De l'essoreuse, il va dans le récipient où arrive également le moût de la caisse. La pompe l'y aspire à mesure et le projette dans les tonneaux préalablement préparés.

3e expérience. - Le 24 septembre, nous procédons à une 3o expérience, cette fois, dans les ateliers de M. LEDUC, en présence de MM. V. GACHE et RENAUD.

Le raisin, préalablement pesé et taré comme ci-dessus, est soumis, devant ces ingénieurs distingués, à l'action de l'hydro-extracteur.

Tout marche simultanément avec la plus grande régularité et sans le moindre imprévu.

L'écraseur déchire les grains, l'essoreuse les dessèche, la pompe aspire le moût et le verse incessamment dans les tonneaux.

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