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LA GUERRE

De la crête des monts au fond des vallées, des ravines, en horrible mélange s'entassent les cadavres; les corbeaux n'ont plus soif, les loups n'ont plus faim. -O femmes, faites des enfants!

Le canon rauque gronde: de la terre incendiée monte au front du soleil un nuage de fumée, tout fuit... Le vivant heurte un mort en passant. O femmes, faites des enfants!

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La maison est effondrée; le chien cherche et hurle; le berceau est vide. Là-haut, pendu par la gorge, le cadavre du père est raide et bleui... O femmes, faites des enfants!

La face contre terre, les bras en croix, devant la porte, une jeune fille, pilié! échevelée, est morte. Belle comme les anges, elle avait quinze ans peut-être. O femmes, failes des enfants!

Le village est en ruines; au loin, sur la côte, du château, de l'église, il ne reste plus que la tour; le sonneur y va sonner le tocsin. femmes, faites des enfants!

Mais, sous les boulets, le vieux clocher s'effondre! et le hardi sonneur tombe avec la cloche, la dernière virevolte du bronze l'écrasant. O femmes, faites des enfants!

Cris des bêtes et des hommes, sifflements aigus des femmes, råle des blessés qu'une bombe balaie, tambours, clairons, entendez la sauvage symphonie! - O femmes, faites des enfants!

Se déchirant le sein avec les ongles, les femmes, les mères, parlent à Dieu : « Venge nos larmes! De nos fils vois ce que font les Rois!... A quoi bon faire des enfants?..... »

Théodore AUBANEL.

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LA GUERRE

On vient de déclarer la guerre :

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Allons-y! disent les vautours;

« Mais cela ne nous change guère,
« N'est-ce pas la guerre tous les jours

Du moins elle jelle son masque,
En riant d'un rire insensé,
Le squelette a coiffé son casque,
Son cheval-squelette est lancé.

Elle couvait aussi perverse,
De classe à classe, à tous degrés :
Ici, guel-apens du commerce;
Là, famille à couteaux tirés.

Privé d'essor, le brigandage
Chutait au bagne à tout propos;
On ne tolérait le pillage
Qu'à titre de banque et d'impôts.

On sevrait la soif sanguinaire;
On réprimait le fauve instinct;
On inquiétait Lacenaire,
On chagrinait ce bon Castaing.

Ah! nous blamions l'infanticide!
Nos fils ont vingt ans... el ce soir
Le conseil des bouchers décide
Lesquels sont bons pour l'abattoir.

Emplumés, tatoués, nous sommes
Des Peaux-Rouges, des clans rivaux.
Jetons au sol un fumier d'hommes,
«La terre en produit de nouveaux! »

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Vous êtes des pantins que des fils font agir;
On vous met dans la main une lame pointue,
Vous ne connaissez pas celui que vous tuerez.
Est-ce vous qui tuerez? est-ce vous qui mourrez ?
Vous l'ignorez. Demain la mort ouvrant son aile,
Vous entrerez dans l'ombre en foule, pêle-mêle,
Sans que vous puissiez dire au sépulcre pourquoi.
Qui, du moment que c'est décrélé par un roi,
Par un ezar, un porteur quelconque de couronne,
Sans rien comprendre au bruit menteur qui l'environne,

A tâtons, sans savoir si l'on est un bandit,

On n'écoute plus rien; battez tambours, c'est dil;
Vile, il faut qu'on se heurle, il faut qu'on se rencontre,
Qu'un aveugle soit pour parce qu'un sourd est contre!

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