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tout à l'entrée, c'est de nous qu'elle vient, et non pas de la vertu; car ce n'est pas l'effet de la piété qui commence d'être en nous, mais de l'impiété qui y est encore. Otons l'impiété, et la joie sera sans mélange. Ne nous en prenons donc pas à la dévotion, mais à nous-mêmes, et n'y cherchons du soulagement que par notre correction.

XXIX.

Le passé ne doit point nous embarrasser, puisque nous n'avons qu'à avoir regret de nos fautes; mais l'avenir doit encore moins nous toucher, puisqu'il n'est point du tout à notre égard et que nous n'y arriverons peut-être jamais. Le présent est le seul temps qui est véritablement à nous, et dont nous devons user selon Dieu. C'est là où nos pensées doivent être principalement rapportées. Cependant le monde est si inquiet qu'on ne pense presque jamais à la vie présente et à l'instant où l'on vit, mais à celui où l'on vivra. De sorte qu'on est toujours en état de vivre à l'avenir, et jamais de vivre maintenant. Notre Seigneur n'a pas voulu que notre prévoyance s'étendit plus loin que le jour où nous sommes. Ce sont les bornes qu'il nous fait garder, et pour notre salut, et pour notre propre repos.

XXX.

On se corrige quelquefois mieux par la vue du mal que par l'exemple du bien; et il est bon de s'accoutumer à profiter du mal, puisqu'il est si ordinaire, au lieu que le bien est si rare.

XXXI.

Dans le treizième chapitre de saint Marc, Jésus-Christ fait un grand discours à ses apôtres sur son dernier avénement; et comme tout ce qui arrive à l'Église arrive aussi à chaque chrétien en particulier, il est certain que tout ce chapitre prédit aussi bien l'état de chaque personne qui, en se convertissant, détruit le vieil homme en elle, que l'état de l'univers entier qui sera détruit faire place à de nouveaux pour cieux et à une nouvelle terre, comme dit l'Écriture (II PIER., III, 13). La prédiction qui est contenue de la ruine du temple réprouvé, qui figure la ruine de l'homme réprouvé qui est en chacun de nous, et dont il est dit qu'il ne sera laissé pierre sur pierre, marque qu'il ne doit être laissé aucune passion du vieil homme,

et ces effroyables guerres civiles et domestiques représentent si bien le trouble intérieur que sentent ceux qui se donnent à Dieu qu'il n'y a rien de mieux peint, etc.

XXXII.

Le Saint-Esprit repose invisiblement dans les reliques de ceux qui sont morts dans la grâce de Dieu, jusqu'à ce qu'il y paraisse visiblement dans la résurrection; et c'est ce qui rend les reliques des saints si dignes de vénération. Car Dieu n'abandonne jamais les siens, non pas même dans le sépulcre où leurs corps, quoique morts aux yeux des hommes, sont plus vivants devant Dieu, à cause que le péché n'y est plus ; au lieu qu'il y réside toujours durant cette vie, au moins quant à sa racine; car les fruits du péché n'y sont pas toujours, et cette malheureuse racine qui en est inséparable pendant la vie fait qu'il n'est pas permis de les honorer alors puisqu'ils sont plutôt dignes d'être haïs. C'est pour cela que la mort est nécessaire pour mortifier entièrement cette malheureuse racine, et c'est ce qui la rend souhaitable.

XXXIII.

Les élus ignoreront leurs vertus et les réprouvés leurs crimes. « Seigneur, diront les uns et les autres, quand vous avons-nous vu avoir faim? etc. (MATTH., XXV, 37, 44). "

Jésus-Christ n'a point voulu du témoignage des démons ni de ceux qui n'avoient pas vocation, mais de Dieu et de Jean-Baptiste.

XXXIV.

Les défauts de Montaigne sont grands. Il est plein de mots sales et déshonnêtes; cela ne vaut rien. Ses sentiments sur l'homicide volontaire et sur la mort sont horribles. Il inspire une nonchalance du salut, sans crainte et sans repentir. Son livre n'étant point fait pour porter à la piété, il n'y étoit pas obligé, mais on est toujours obligé de ne pas en détourner. Quoi qu'on puisse dire pour excuser ses sentiments trop libres sur plusieurs choses, on ne sauroit excuser en aucune sorte ses sentiments tout païens sur la mort; car il faut renoncer à toute piété, si on ne veut au il ne pense moins mourir chrétiennement: or, qu'à mourir lâchement et mollement par tout son livre.

XXXV.

Ce qui nous trompe, en comparant ce qui s'est

passé autrefois dans l'Église à ce qui s'y voit la joie future, et le Nouveau contient les moyens

maintenant, c'est qu'ordinairement on regarde saint Athanase, sainte Thérèse et les autres saints comme couronnés de gloire. Présentement que le temps a éclairci les choses, cela paroît véritablement ainsi. Mais au temps que l'on persécutoit ce grand saint, c'étoit un homme qui s'appeloit Athanase; et sainte Thérèse, dans le sien, étoit une religieuse comme les autres. « Élie étoit un homme comme nous et sujet aux mêmes passions que nous, dit l'apôtre saint Jacques (JACQ., v, 17), pour désabuser les chrétiens de cette fausse idée qui nous fait rejeter l'exemple des saints, comme dispropor

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d'y arriver. Les figures étoient de joie, les moyens sont de pénitence; et néanmoins l'agneau pascal étoit mange avec des laitues sauvages, cum amaritudinibus ( Exod., XII, 8, ex Hebr.), pour marquer toujours qu'on ne pouvoit trouver la joie que par l'amertume.

XXXIX.

Le mot de Galilée, prononcé comme par hasard la foule des Juifs, en accusant Jésuspar Christ devant Pilate (LUC, XXIII, 5), donna sujet à Pilate d'envoyer Jésus-Christ à Hérode; en quoi fut accompli le mystère qu'il devoit être

tionné à notre état; c'étoient des saints, disons-jugé par les Juifs et les Gentils. Le hasard en nous, ce n'est pas comme nous. apparence fut la cause de l'accomplissement du mystère.

XXXVI.

A ceux qui ont de la répugnance pour la religion, il faut commencer par leur montrer qu'elle n'est point contraire à la raison; ensuite qu'elle est vénérable, et en donner du respect; après, la rendre aimable, et faire souhaiter qu'elle fût vraie; et puis, montrer par des preuves incontestables qu'elle est vraie; faire voir son antiquité et sa sainteté par sa grandeur et par son élévation; et enfin qu'elle est aimable, parce qu'elle promet le vrai bien.

Un mot de David ou de Moïse, comme celuici: «Dieu circoncira les cœurs (Deut., xxx, 6)," fait juger de leur esprit. Que tous les autres discours soient équivoques, et qu'il soit incertain s'ils sont de philosophes ou de chrétiens, un mot de cette nature détermine tout le reste. Jusque-là l'ambiguité dure, mais non pas après.

De se tromper en croyant vraie la religion chrétienne, il n'y a pas grand'chose à perdre; mais quel malheur de se tromper en la croyant fausse!

XXXVII.

Les conditions les plus aisées à vivre selon le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu; et au contraire rien n'est si difficile selon le monde que la vie religieuse; rien n'est plus facile que de la passer selon Dieu; rien n'est plus aisé que d'être dans une grande charge et dans de grands biens selon le monde; rien n'est plus difficile que d'y vivre selon Dieu, et sans y prendre de part et de goût.

XXXVIII.

L'Ancien Testament contenoit les figures de

XL.

Un homme me disoit un jour qu'il avoit grande joie et confiance en sortant de confession; un autre me disoit qu'il étoit en crainte. Je pensai sur cela que de ces deux on en feroit un bon, et que chacun manquoit en ce qu'il n'avoit pas le sentiment de l'autre,

XLI.

Il y a plaisir d'être dans un vaisseau battu de l'orage, lorsqu'on est assuré qu'il ne périra point. Les persécutions qui travaillent l'Eglise

sont de cette nature.

L'histoire de l'Eglise doit être proprement appelée l'histoire de la vérité.

XLII.

Comme les deux sources de nos péchés sont l'orgueil et la paresse, Dieu nous a découvert en lui deux qualités pour les guérir: sa miséricorde et sa justice. Le propre de la justice est d'abattre l'orgueil, et le propre de la miséricorde est de combattre la paresse en invitant aux bonnes œuvres, selon ce passage: «La miséricorde de Dieu invite à la pénitence (Rom., II, 4); " et cet autre des Ninivites : « Faisons pénitence, pour voir s'il n'auroit point pitié de nous (JONIII, 9). "Ainsi, tant s'en faut que la miséricorde de Dieu autorise le relâchement, qu'il n'y a rien, au contraire, qui le combatte davantage; et qu'au lieu de dire : S'il n'y avoit point en Dieu de miséricorde, il faudroit faire toutes sortes d'efforts pour accomplir ses préceptes; il faut dire, au contraire, que c'est parce qu'il y a en

Dieu de la miséricorde qu'il faut faire tout ce n'on peut pour les accomplir.

XL...I.

Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie (I. JOAN., II, 16), libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi. Malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt qu'ils n'arrosent! Heureux ceux qui, étant sur ces fleuves, non pas plongés, non pas entraînés, mais immobilement affermis; non pas debout, mais assis dans une assiette basse et sûre, dont ils ne se relèvent jamais avant la lumière, mais après s'y être reposés en paix, tendent la main à celui qui doit les relever, pour les faire tenir debout et fermes dans les porches de la sainte Jérusalem, où ils n'auront plus à craindre les attaques de l'orgueil, et qui pleurent cependant, non pas de voir écouler toutes les choses périssables, mais dans le souvenir de leur chère patrie, de la Jérusalem céleste, après laquelle ils soupirent sans cesse dans la longueur de leur exil!

XLIV.

Un miracle, dit-on, affermiroit ma croyance. On parle ainsi quand on ne le voit pas. Les raisons qui, étant vues de loin, semblent borner notre vue, ne la bornent plus quand on y est arrivé. On commence à voir au-delà. Rien n'arrête la volubilité de notre esprit. Il n'y a point, dit-on, de règle qui n'ait quelque exception, ni de vérité si générale qui n'ait quelque face par où elle manque. Il suffit qu'elle ne soit pas absolument universelle pour nous donner prétexte d'appliquer l'exception au sujet présent, et de dire: Cela n'est pas toujours vrai; donc il y a des cas où cela n'est pas. Il ne reste plus qu'à montrer que celui-ci en est; et il faut être bien maladroit si on n'y trouve quelque jour.

XLV

La charité n'est pas un précepte figuratif. Dire que Jésus-Christ, qui est venu ôter les figures pour mettre la vérité, ne soit venu que pour mettre la figure de la charité, et pour en ôter la réalité qui étoit auparavant: cela est horrible.

XLVI.

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Quelle différence entre un soldat et un chartreux, quant à l'obéissance? Car ils sont également obéissants et dépendants, et dans des exercices également pénibles. Mais le soldat espère toujours devenir maître et ne le devient jamais, car les capitaines et les princes mêmes sont toujours esclaves et dépendants; mais il espère toujours l'indépendance, et travaille toujours à y venir, au lieu que le chartreux fait vœu de ne jamais être indépendant. Ils ne diffèrent pas dans la servitude perpétuelle que tous deux ont toujours, mais dans l'espérance que l'un a toujours et que l'autre n'a pas.

XLIX.

La propre volonté ne se satisferoit jamais, quand elle auroit tout ce qu'elle souhaite; mais on est satisfait dès l'instant qu'on y renonce. Avec elle, on ne peut être malcontent; sans que elle on ne peut être que content.

La vraie et unique vertu est de se haïr, car on est haïssable par sa concupiscence, et de chercher un être véritablement aimable pour l'aimer. Mais comme nous ne pouvons aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en nous, et qui ne soit pas nous. Or il n'y a que l'Être universel qui soit tel. Le royaume de Dieu est en nous (Luc, xvii, 21); le bien universel est en nous, et n'est pas nous.

Il est injuste qu'on s'attache à nous, quoiqu'on le fasse avec plaisir et volontairement. Nous tromperons ceux à qui nous en ferons

naître le désir; car nous ne sommes la fin de personne, et nous n'avons pas de quoi les satisfaire. Ne sommes-nous pas prêts à mourir 1? Et ainsi l'objet de leur attachement mourroit. Comme nous serions coupables de faire croire une fausseté, quoique nous la persuadassions doucement et qu'on la crût avec plaisir, et qu'en cela on nous fit plaisir; de même nous sommes coupables si nous nous faisons aimer, et si nous attirons les gens à s'attacher à nous. Nous devons avertir ceux qui seroient prêts à consentir au mensonge qu'ils ne doivent pas le croire, quelque avantage qui nous en revînt. De même nous devons les avertir qu'ils ne doivent pas s'attacher à nous; car il faut qu'ils passent leur vie à plaire à Dieu, ou à le chercher.

L.

C'est être superstitieux de mettre son espérance dans les formalités et dans les cérémonies; mais c'est être superbe de ne pas vouloir s'y soumettre.

LI.

Toutes les religions et toutes les sectes du monde ont eu la raison naturelle pour guide. Les seuls chrétiens ont été astreints à prendre leurs règles hors d'eux-mêmes, et à s'informer de celles que Jésus-Christ a laissées aux anciens pour nous être transmises. Il y a des gens que cette contrainte lasse. Ils veulent avoir, comme les autres peuples, la liberté de suivre leurs imaginations. C'est en vain que nous leur crions, comme les prophètes faisoient autrefois aux Juifs : « Allez au milieu de l'Église; informezvous des lois que les anciens lui ont laissées, et suivez ses sentiers. » Ils répondent comme les Juifs : « Nous n'y marcherons pas; nous voulons suivre les pensées de notre cœur, et être comme les autres peuples.

LII.

Il y a trois moyens de croire la raison, la coutume et l'inspiration. La religion chrétienne, qui seule a la raison, n'admet pas pour ses vrais enfants ceux qui croient sans inspiration: ce n'est pas qu'elle exclue la raison et la coutume; au contraire, il faut ouvrir son esprit aux preuves par la raison et s'y conformer par la cou

(1) Il faudrait sans doute lire ici: Ne sommes-nous pas prés de mourir?

tume; mais elle veut qu'on s'offre par l'humiliation aux inspirations, qui seules peuvent faire le vrai et salutaire effet: Ut non evacuetur crux Christi (I. Cor., I, 17).

LIII.

Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaiment que quand on le fait par un faux principe de conscience.

LIV.

Les Juifs, qui ont été appelés à dompter les nations et les rois, ont été esclaves du péché; et les chrétiens, dont la vocation a été à servir et à être sujets, sont les enfants libres.

LV.

Est-ce courage à un homme mourant d'aller, dans la foiblesse et dans l'agonie, affronter un Dieu tout-puissant et éternel!

LVI.

Je crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger.

LVII.

La bonne crainte vient de la foi, la fausse crainte vient du doute. La bonne crainte porte à l'espérance, parce qu'elle naît de la foi, et qu'on espère au Dieu que l'on croit; la mauvaise porte au désespoir, parce qu'on craint le Dieu auquel on n'a point de foi. Les uns craignent de le perdre, et les autres de le

trouver.

LVIII.

Salomon et Job ont le mieux connu la misère de l'homme et en ont le mieux parlé, l'un le plus heureux des hommes, et l'autre le plus malheureux; l'un connoissant la vanité des plaisirs par l'expérience, l'autre la réalité des

maux.

LIX.

Les païens disoient du mal d'Israël et le prophète aussi; et tant s'en faut que les Israélites eussent droit de lui dire Vous parlez comme les païens; qu'il fait sa plus grande force sur ce que les païens parlent comme lui (ÉZÉCHIEL).

LX.

Dieu n'entend pas que nous soumettions no

tre croyance à lui sans raison, ni nous assujettir avec tyrannie. Mais il ne prétend pas aussi nous rendre raison de toutes choses; et pour accorder ces contrariétés, il entend nous faire voir clairement des marques divines en lui qui nous convainquent de ce qu'il est, et s'attirer autorité par des merveilles et des preuves que nous ne puissions refuser; et qu'ensuite nous croyions sans hésiter les choses qu'il nous enseigne quand nous n'y trouverons d'autre raison de les refuser sinon que nous ne pouvons par nous-mêmes connoitre si elles sont ou

non.

LXI.

Il n'y a que trois sortes de personnes : les uns qui servent Dieu l'ayant trouvé; les autres qui s'emploient à le chercher ne l'ayant pas encore trouvé, et d'autres enfin qui vivent sans le chercher ni l'avoir trouvé. Les premiers sont raisonnables et heureux; les derniers sont fous et malheureux; ceux du milieu sont malheureux et raisonnables.

LXII.

Les hommes prennent souvent leur imagination pour leur cœur, et ils croient être convertis dès qu'ils pensent à se convertir.

La raison agit avec lenteur et avec tant de vues et de principes différents qu'elle doit avoir toujours présents, qu'à toute heure elle s'assoupit ou elle s'égare, faute de les voir tous à la fois. Il n'en est pas ainsi du sentiment; il agit en un instant, et toujours est prêt à agir. Il faut donc, après avoir connu la vérité par la raison, tâcher de la sentir, et de mettre notre foi dans le sentiment du cœur; autrement elle sera toujours incertaine et chancelante.

Le cœur a ses raisons que la raison ne connoît point; on le sent en mille choses. C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi parfaite, Dieu sensible au

cœur.

LXIII.

Il est de l'essence de Dieu que sa justice soit infinie aussi bien que sa miséricorde ; cependant sa justice et sa sévérité envers les réprouvés est encore moins étonnante que sa miséricorde envers les élus.

LXIV.

L'homme est visiblement fait pour penser: MORAL.

c'est toute sa dignité et tout son mérite. Tout son devoir est de penser comme il faut ; et l'ordre de la pensée est de commencer par soi, par son auteur et sa fin. Cependant à quoi penset-on dans le monde? Jamais à cela; mais à se divertir, à devenir riche, à acquérir de la réputation, à se faire roi, sans penser à ce que c'est que d'être roi et d'être homme.

La pensée de l'homme est une chose admirable par sa nature. Il falloit qu'elle eût d'étranges défauts pour être méprisable; mais elle en a de tels que rien n'est plus ridicule. Qu'elle est grande par sa nature! qu'elle est basse par ses défauts!

LXV.

S'il y a un Dieu, il ne faut aimer que lui, et non les créatures. Le raisonnement des impies, dans le livre de la Sagesse, n'est fondé que sur ce qu'ils se persuadent qu'il n'y a point de Dieu. Cela posé, disent-ils, jouissons donc des créatures. Mais s'ils eussent su qu'il y avoit un Dieu, ils eussent conclu tout le contraire. Et c'est la conclusion des sages: Il y a un Dieu; ne jouissons donc pas des créatures. Donc tout ce qui nous incite à nous attacher à la créature est mauvais, puisque cela nous empêche, ou de servir Dieu si nous le connoissons, ou de le chercher si nous l'ignorons. Or nous sommes pleins de concupiscence; donc nous sommes pleins de mal; donc nous devons nous haïr nous-mêmes et tout ce qui nous attache à autre chose qu'à Dieu seul.

LXVI.

Quand nous voulons penser à Dieu, combien sentons-nous de choses qui nous en détournent et qui nous tentent de penser ailleurs! Tout cela est mauvais et même né avec nous.

LXVII.

Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous aiment, il est injuste que nous le voulions. Si nous naissions raisonnables, et avec quelque connoissance de nous-mêmes et des autres, nous n'aurions point cette inclination. Nous naissons pourtant avec elle; nous naissons donc injustes; car chacun tend à soi. Cela est contre tout ordre; il faut tendre au géné ral, et la pente vers soi est le commencement de tout désordre, en guerre, en police, en éco nomic, etc.

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