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» de fois toutes les forces de l'Asie, et » qui, après avoir défait de nombreuses » armées, déconcerté les plus fiers et les » plus habiles généraux des rois de Syrie, venait tous les ans, comme le moindre des Israélites, réparer avec ses mains » triomphantes les ruines du sanctuaire, et ne voulait d'autre récompense des services qu'il rendait à sa patrie, que l'honneur de l'avoir servie ce vaillant › homme, poussant enfin avec un courage invincible les ennemis qu'il avait › réduits à une fuite honteuse, reçut le › coup mortel, et demeura comme en› seveli dans son triomphe. Au premier

bruit de ce funeste accident, toutes les › villes de Judée furent émues. Des ruisseaux de larmes coulèrent des yeux de tous leurs habitans : ils furent quelque temps saisis, muets, immobiles. Un effort de douleur rompant, enfin ce long et morne silence, d'une voix entrecoupée que formaient dans leurs O cœurs la tristesse, la piété, la crainte,

ils s'écrièrent: Comment est mort cet ▪ homme puissant qui sauvait le peuple o d'Israël! A ces cris, Jérusalem redoubla ses pleurs, les voûtes du temple s'ébranlèrent; le Jourdain se troubla, et tous ses rivages retentirent du son de ces lugubres paroles: Comment est mort cet homme puissant qui sauvait le peuple d'Israël » !

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Il est des conjonctures où l'orateur peut éclater avec force dans son début : c'est lorsqu'il est agité d'une passion extrêmement vive, et dont le sujet ne peut être que louable. Voyez sur quel ton Cicéron commence ses Oraisons contre Catilina. Ce fier Romain conspirait contre sa patrie. Le sénat, instruit de ses complots, était assemblé. Cicéron allait parler. Catilina entre. L'orateur frémit d'indignation il part comme la foudre, et s'écrie:

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Jusques à quand enfin, Catilina, >> abuseras-tu de notre patience? Seronsnous encore long-temps le jouet de ta » füreur? Quelles seront les bornes de ta >> hardiesse effrénée ? Quoi! ni la garde qui veille à la sûreté publique, ni la » crainte du peuple, ni ton arrêt déjà » prononcé dans le cœur de tous les gens » de bien, ni le respect dû à ce lieu sa» cré, ni l'aspect de ces augustes séna»teurs, n'ont pu ébranler ton insolente >> audace! Ne vois-tu pas que tes complots perfides sont dévoilés, que la conjuration est découverte, qu'aucun » de nous n'ignore ce que tu as fait cette » nuit et la nuit précédente, à quelle coupable assemblée tu as présidé, quelles résolutions plus coupables encore y ont été prises? O temps! ô mœurs! Le sénat le sait, le consul le » voit, et ce traître respire! Que dis-je,

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D

>> il respire ! il met dans le sénatun pied » téméraire, il prend part aux délibérations de ce corps vénérable, il jette sur > chacun de nous des regards sangui» naires, il marque de l'œil la place où » il vent enfoncer le poignard

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Un orateur sacré, qui expose une grande vérité déjà connue, peut aussi commencer son exorde d'une manière frappante, et qui produise une forte impression sur l'esprit de ses auditeurs. C'est ce que fait Massillon dans son sermon sur l'impénitence finale.

« Si vous n'avez pas frémi en m'en› tendant prononcer ces paroles, les plus » terribles sans doute qu'on lise dans nos » divines écritures: Je m'en vais; vous » me chercherez, et vous mourrez dans » votre péché; je ne vois plus de vérités » dans la religion, capables de vous tou

» cher >> .

A la fin de l'exorde, l'orateur distribue son sujet en ses parties, c'està-dire, qu'il en tire plusieurs propositions, qui, disposées avec ordre, indiquent la marche qu'il va suivre pour le traiter c'est ce qu'on appelle division. Ces différentes propositions doivent renfermer le sujet du discours dans toute son étendue, et tendre au même but, sans rentrer l'une dans l'autre, parce qu'alors il s'en trouverait une qui serait inutile. Quand on divise,

dit

Fénélon (*), il faut diviser simplement, naturellement; il faut que ce soit une division qui se trouve toute faite dans le sujet même, une division qui éclaircisse, qui range les matières, qui se retienne aisément, et qui aide à retenir tout le reste; enfin, une division qui fasse voir la grandeur du sujet et de ses parties. Bourdaloue, traitant le mystère de la passion sur ce texte : Les Juifs demandent des prodiges! etc., veut faire voir qu'on y en découvre un des plus éclatans. Voici comment il divise son sujet :

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« Vous n'avez peut-être considéré jusqu'à présent la mort du Sauveur que comme le mystère de son humilité et » de sa faiblesse; et moi, je vais vous >> montrer que c'est dans ce mystère qu'il a fait paraître toute l'étendue de sa grandeur et de sa puissance : ce sera » la première partie. Le monde, jusqu'à présent, n'a regardé ce mystère que comme une folie; et moi, je vais vous >> faire voir que c'est dans ce mystère » que Dieu a fait éclater plus haute» ment sa sagesse : ce sera la seconde > partie ».

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(*) Dialogue sur l'Éloquence.

II. De la Narration.

Après l'exorde vient la narration, qui consiste à iustruire l'auditeur du fond du sujet. S'il s'agit d'un fait, l'orateur le raconte avec toutes ses circonstances, en faisant ressortir les plus favorables et les plus frappantes. S'il faut établir un vérité, combattre une erreur, examiner une question, l'orateur l'expose dans une juste étendue, en faisant entrevoir le germe des preuves qu'il a dessein d'employer. La narration oratoire, considérée comme le récit d'un fait, ou comme l'exposition d'un sujet quelconque, doit être courte et simple. La briéveté exclut les choses reprises de plus haut qu'il n'est nécessaire, les circonstances triviales, les détails superflus, les longues réflexions, les raisonnemens étendus. La simplicité n'admet que les ornemens naturels, et rejette les figures hardies, les périodes travaillées avec beaucoup de soin, en un mot, le style pompeux et magnifique. Un beau modèle de narration oratoire est le morceau suivant, de l'Oraison funèbre du président de Lamoignon, par Fléchier.

«Je ne veux que vous faire souvenir » de la cause célèbre de ces étrangers, » que l'espérance du gain avait attirés

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