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A demain pour monter la garde,
J'vais t'blanchir et t'nétoillier,
Pour qu'on admire à la parade
L'beau fourniment du guernardier.

Viens, toi, ma charmante giberne:
C'est par toi que j' vas commencer,
Toi, que l'on n'a jamais vu' terne
Au jour qu'y avait du danger!
Ma p'tit' combien tu dois êtr' fière
Tout à la fois de renfermer
Les cheveux de la particulière
Et les cartouch's du guernadier.

Sabre d'amour, sabre de guerre,
Tu s'ras toujours le défenseur
De la cell' qui a su me plaire,
Et qu'elle a su toucher mon cœur.
Malheur à c'tilà qui t'offense,
De toi il doit se méfillier;

Car tu coup's les ennemis d'la France,
Comm' les rivaux du guernadier.

O toi, soutien de ma vaillance,
O mon fuzi, si clair, si beau!
Toi, qui, pour le salut d'la France,
Serait dans l' cas de partir dans l'eau :
Au tripoli, fils de la gloire,

Tu dois l'éclat de ton acier,

Comme je te dois la victoire,
Vieux compagnon du guernadier.

Havresac, ô mon tendre frère !
Que sur mon dos, j'ai tant porté,
Dans la Russie-z-et la Bavillière,
Avec moi t'as fièrement trotté !
Tu renferm's les bas, la chemise,
L'fin pantalon d' drap d'officilier,
Et les mouchoirs que la payse
Fit présent à son guernadier.

L'ENFANT DU SOLDAT

Je n'ai plus d'appui sur la terre
Je suis errant, abandonné :
Mon seul espoir était mon père,
Et les combats l'ont moissonné!
Mais avec orgueil je m'écrie:
Il tomba fidèle et vaillant!
Ah! secourez le pauvre enfant
Du soldat mort pour sa patrie!

Au malheur son destin me livre,
Et j'implore en vain la pitié.
Quand le brave a cessé de vivre,
Serait-il sitôt oublié ?

Songez, vous que ma voix supplie,
Qu'il mourut en nous défendant!
Ah! secourez le pauvre enfant
Du soldat mort pour la patrie.

Voilà cette étoile éclatante
Que je vis briller sur son sein:
Faudra-t-il d'une main tremblante
La vendre pour avoir du pain?
Garde qu'elle ne soit flétrie ! »
Me disait-il en expirant...
Ah! secourez le pauvre enfant
Du soldat mort pour la patrie!

Déjà mon jeune cœur tressaille
Quand je vois flotter nos drapeaux :
Au seul récit d'une bataille,
Je me sens le fils d'un héros :
Je l'espère, ô France chérie !
Un jour je t'offrirai mon sang...
Ah! secourez le pauvre enfant
Du soldat mort pour la patrie!

RÊVES DE BONHEUR

Un jeune amant des vierges d'Aonic
Rêve aux lauriers attendus par son front;

Sans redouter ses rivaux, ni l'envie,
Impatient, il court au double mont.
Pauvre imprudent! lancé dans la carrière,
Il ne voit pas un barbare censeur,
Cerbère affreux lui fermant la barrière :
Il est si doux de rêver le bonheur!

En s'embarquant, le commerçant avide,
Sans consulter tous les siens éperdus,
Ose braver un élément perfide

Pour chercher l'or en des climats perdus.
Le vent en poupe, il quitte ses rivages
Pour centupler un métal corrupteur;
Il vogue en paix sans craindre les naufrages.
Il est si doux de rêver le bonheur!

Aux champs de Mars déjà le clairon sonne,
Las de repos, l'impatient soldat,

Armé de fer, sur les pas de Bellone,
Brûle bientôt d'assister au combat.
La mort l'attend, mais la gloire le presse;
Il brave tout pour le prix de l'honneur :
Un beau laurier sied bien à la jeunesse !
Il est si doux de rêver le bonheur!

Rêve d'amour est si douce chimère,
Que je me plais à m'en bercer toujours;
En poursuivaut un plaisir éphémère,

Je sais, parfois, trouver quelques beaux jours.

Sans redouter les dédains d'une belle,
Ou son caprice, ou son amour trompeur,
Mon cœur la croit tendre autant que fidèle
Il est si doux de rêver le bonheur!

Il est au ciel un Dieu de tolérance
Veillant sans fin sur les pauvres mortels,
Qui sans s'armer d'un foudre de vengeance,
Reçoit l'encens des différents autels.
Père indulgent, à ses fils il pardonne;
Il sait juger le crime ou bien l'erreur :
Tout confiant, en lui je m'abandonne,
Il est si doux de river le bonheur!

ADIEU, MES AMOURS!

Lise, j'ai passé la trentaine,
Des plaisirs j'ai rempli le bail.
L'ambition vient et m'entraîne :
De l'amour c'est l'épouvantail!
Il faut rompre, belle maîtresse,
L'état réclame mon secours,
Le budget aura ma tendresse...
Quittons-nous!... adieu, mes amours!

Quittons-nous!... quoi ! ce mot t'accable!

Tes beaux yeux se mouillent de pleurs.

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