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bêtes? Vous avez déjà, en animaux raisonnables, et pour vous distinguer de ceux qui ne se servent que de leurs dents et de leurs ongles, imaginé les lances, les piques, les dards, les sabres et les cimeterres et à mon gré fort judicieusement; car avec vos seules mains que pouviez-vous vous faire les uns aux autres, que vous arracher les cheveux, vous égratigner au visage, ou tout au plus vous arracher les yeux de la tête; au lieu que vous voilà munis d'instruments commodes, qui vous servent à vous faire réciproquement de larges plaies d'où peut couler votre sang jusqu'à la dernière goutte, sans que vous puissiez craindre d'en échapper: mais comme vous devenez d'année à autre plus raisonnables, vous avez bien enchéri sur cette vieille manière de vous exterminer: vous avez de petits globes qui vous tuent tout d'un coup, s'ils peuvent seulement vous atteindre à la tête ou à la poitrine; vous en avez d'autres plus pesants et plus massifs, qui

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Vous coupent en deux parts ou qui vous éventrent, sans compter ceux qui, tombant sur vos toits, enfoncent les planchers, vont du

grenier à la cave, enlèvent les voûtes, et font sauter en l'air, avec vos maisons, vos femmes qui sont en couches, l'enfant et la nourrice; et c'est là encore où git la gloire, elle aime le remue-ménage; et elle est personne d'un grand fracas. Vous avez d'ailleurs des armes défensives, et dans les bonnes règles vous devez en guerre être habillé de fer, ce qui est sans mentir une jolie parure, et qui me fait souvenir de ces quatre puces célèbres que montrait autrefois un charlatan, subtil ouvrier, dans une fiole où il avait trouvé le secret de les faire vivre; il leur avait mis à chacune une salade en tête, leur avait passé un corps de cuirasse, mis des brassards, des genouillères, la lance sur la cuisse, rien ne leur manquait, et en cet équipage elles allaient par sauts et par bonds dans leur bouteille : peignez un homme de la taille du mont Athos pourquoi non? une âme serait-elle embarrassée d'animer un tel corps? elle en serait plus au large; si cet homme avait la vue assez subtile pour vous découvrir quelque part sur la terre avec vos armes offensives et défensives, que croyez-vous qu'il penserait de petits marmousets ainsi équipés, et de ce que vous appelez guerre, cavalerie, infanterie, un mémorable siége, une fameuse journée ? N'entendrai-je donc plus bourdonner d'autre chose parmi vous ? le monde ne se divise-t-il plus qu'en régiments et en compagnies ? tout est-il devenu bataillon ou escadron? Il a pris une ville; il en a pris une seconde, puis une troisième : il a gagné une bataille, deux batailles; il chasse l'ennemi : il vainc sur mer, il vainc sur terre: est-ce de quelqu'un de vous autres, est-ce d'un géant, d'un Athos, que vous parlez? Vous avez surtout un homme pâle et livide, qui n'a pas sur soi dix onces de chair, et que l'on croirait jeter à terre du moindre souffle, il fait néanmoins plus de bruit que quatre autres, et met tout en combustion, il vient de pêcher en eau trouble une île tout entière; ailleurs, à la vérité, il est battu et poursuivi, mais il se sauve par les marais, et ne veut écouter ni paix ni trève. Il a montré de bonne heure ce qu'il savait faire, il a mordu le sein de sa nourrice, elle en est morte, la pauvre femme; je m'entends, il suffit: en un mot, il était né sujet, et il ne l'est plus au contraire, il est le maître, et ceux qu'il a domptés et mis sous le joug vont à la charrue et la

bourent de bon courage; ils semblent même appréhender, les bonnes

gens, de pouvoir se délier un jour et de devenir libres, car ils ont étendu la courroie et allongé le fouet de celui qui les fait marcher, ils n'oublient rien pour accroître leur servitude: ils lui font passer l'eau pour se faire d'autres vassaux et s'acquérir de nouveaux domaines ; il s'agit, il est vrai, de prendre son père et sa mère par les épaules, et de les jeter hors de leur maison; et ils l'aident dans une si honteuse entreprise les gens de delà l'eau et ceux d'en deçà se cotisent et mettent chacun du leur, pour se le rendre à eux tous de jour en jour plus redoutable, les Pictes et les Saxons imposent silence aux Bataves et ceux-ci au Pictes et aux Saxons; tous se peuvent vanter d'être ses humbles esclaves, et autant qu'ils le souhaitent. Mais qu'entendsje de certains personnages' qui ont des couronnes, je ne dis pas des comtes ou des marquis, dont la terre fourmille, mais des princes et des souverains; ils viennent trouver cet homme dès qu'il a sifflé, ils se découvrent dès son antichambre, et ils ne parlent que quand on les interroge sont-ce là ces mêmes princes si pontilleux, si formalistes sur leurs rangs et sur leurs préséances, et qui consument, pour les régler, les mois entiers dans une diète? que fera ce nouvel Archonte pour payer une si aveugle soumission, et pour répondre à une si haute idée qu'on a de lui ? S'il se livre une bataille, il doit la gagner, et en personne; si l'ennemi fait un siége, il doit le lui faire lever, et avec honte, à moins que tout l'Océan ne soit entre lui et l'ennemi; il ne saurait moins faire en faveur de ses courtisans: César lui-même ne doit-il pas venir en grossir le nombre, il en attend du moins d'importants services; car ou l'Archonte échouera avec ses alliés, ce qui est plus difficile qu'impossible à concevoir; ou, s'il réussit et que rien ne lui résiste, le voilà tout porté, avec ses alliés jaloux de la religion et de la puissance de César, pour fondre sur lui, pour lui enlever l'aigle et le réduire, lui et son héritier, à la fasce d'argent' et aux pays héréditaires. Enfin c'en est fait, ils se sont tous livrés à lui volon

A son premier retour de l'Angleterre, en 1690, le prince d'Orange vint à La Haye, où les princes ligués se rendirent, et où le duc de Bavière fut longtemps à attendre dans l'antichambre.

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tairement, à celui peut-être de qui ils devaient se défier davantage : Ésope ne leur dirait-il pas : « La gent volatile d'une certaine contrée >> prend l'alarme et s'effraie du voisinage du lion, dont le seul rugis>>sement lui fait peur; elle se réfugie auprès de la bête, qui lui fait >> parler d'accommodement et la prend sous sa protection, qui se >> termine enfin à les croquer tous l'un après l'autre. >>

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NE chose folle et qui découvre bien notre petitesse, c'est l'assujettissement aux modes quand on l'étend à ce qui concerne le goût, le vivre, la santé et la conscience. La viande noire est hors de mode, et par cette raison insipide: ce serai pécher contre la mode que de guérir de la fièvre

par la saignée de même l'on ne mourait plus depuis longtemps par Théotime; ses tendres exhortations ne sauvaient plus que le peuple, et Théotime a vu son successeur.

La curiosité n'est pas un goût pour ce qui est bon ou ce qui es

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