Page images
PDF
EPUB

comme nature, formant huit panneaux qui correspondent aux hauts dossiers des stalles intérieures à savoir, quatre à droite et quatre à gauche de la principale entrée du chœur.

Cette dernière est précédée d'une sorte de porche surmonté d'un buffet d'orgue, au-dessus duquel est suspendu à l'arc triomphal, par une chaîne dorée, un calvaire reproduisant le Christ en croix, la Sainte-Vierge et saint Jean.

Les figures peintes représentent dans leur ensemble les quatre grands Prophètes et les quatre Evangélistes. A gauche, côté de l'Evangile, allant de gauche à droite, sont : Isaïe, saint Mathieu, Daniel et saint Marc. A droite, côté de l'Epître, et allant toujours de gauche à droite, sont: Jérémie, saint Luc, Ezéchiel et saint Jean.

Pour l'exécution de ce travail, M. Dauvergne a employé un procédé du moyen-âge, sinon perdu, du moins négligé depuis longtemps. On doit lui savoir gré de l'avoir remis en lumière. Ce procédé consiste à peindre sur cuir préparé avec fond d'or gaufré au lieu de toile, de métal ou de bois.

Le programme que l'artiste avait à remplir lui présentait de sérieuses difficultés. Agencer, en effet, et composer huit figures rangées quatre par quatre, à côté l'une de l'autre, dans des poses presque semblables, tout en conservant une certaine variété d'attitude et d'expression; puis les revêtir de costumes uniformes, en évitant la monotonie, ce serait déjà un résultat assez satisfaisant. Mais de plus, donner aux vêtements des tons riches et variés, en conservant un coloris aussi brillant qu'harmonieux, c'est surmonter de très grands obstacles et réussir de la manière la plus heureuse.

Il faut encore noter et faire ressortir, avec ce résultat d'ensemble, les qualités de détails que renferme cette belle œuvre, tels que dessin correct et sévère de forme, de physionomie, de type et d'expressions variés, de poses simples et naturelles.

Ici, toutes les têtes sont nimbées, bien que l'ancienne prati

que en iconographie religieuse eût réservé le nimbe, plus généralement, aux personnages qui se sont sanctifiés depuis la rédemption du genre humain. Et pour ce qui regarde la cathédrale d'Auch, j'ai remarqué, aux verrières du xvre siècle, dont Arnaud de Moles a orné les chapelles du chevet, que le nimbe manque à tous les personnages de l'AncienTestament, même aux grands Prophètes. J'ai aussi fait une observation tout à fait semblable sur les sculptures de l'intérieur du choeur, qui sont de la même époque.

Dans l'œuvre de M. Dauvergne, les Evangélistes se distinguent spécialement par les attributs personnels qui leur sont consacrés. Comme eux, les Prophètes portent des phylactères, en souvenir des enseignements écrits qu'ils ont laissés, les uns à la Synagogue et les autres à l'Eglise.

Comme exécution, la peinture est d'une facture ample et ferme; la couleur en est puissante, sans dureté. Elle rappelle, sous plusieurs rapports, l'école vénitienne que l'auteur a dû étudier, et dont il s'est heureusement inspiré dans cette riche composition.

Le rapprochement de tels sujets, pris des deux Alliances, remet en mémoire une autre composition des plus hardies, où l'on voit les quatre grands Prophètes portant les quatre Evangélistes sur les épaules. C'est une façon assez étrange, en apparence, d'établir le parallélisme des deux Testaments, que M. Dauvergne a voulu reproduire à l'avant-chœur de la métropole d'Auch. C'est, au reste, ce caractère de singularité qui met ailleurs en relief et rend plus saisissable la véritable relation qu'il y a, au point de vue religieux, entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Elle fait sentir, comme on l'a dit depuis longtemps, aux esprits les plus lents et les plus vulgaires que si, dans les mystiques évolutions de la Cité de Dieu, la Prophétie est le support, le couronnement c'est l'Évangile. Cette façon de rendre encore plus évidente la perpétuité de notre foi est l'un des enseignements consacrés par les vitraux de la cathédrale

TOME X.

6

de Chartres. Plus près de nous, on retrouve le même sujet sur l'un des chapiteaux romans de l'ancienne et si intéressante église abbatiale de Saint-Sever, au département des Landes.

En résumé, l'ensemble et les détails de la décoration qui nous occupe sont très remarquables sous tous les rapports; car si la peinture ne laisse rien à désirer, les sculptures en bois doré qui forment cadre à chaque panneau sont en harmonje parfaite avec le style des stalles du choeur, et, sous ce rapport, l'architecte et le peintre se sont assez heureusement entendus pour s'aider mutuellement.

Je ne saurais terminer cette note sans exprimer le vœu que cette décoration, si bien combinée et qu'on peut considérer comme un essai, soit continuée au dos des stalles latérales du choeur. Ces austères revers ne peuvent rester plus longtemps dans le triste état de pauvreté où ils se trouvent. J'espère donc que, dans leur ensemble, les boiseries du choeur de Sainte-Marie d'Auch seront ainsi, et sans trop tarder, véritablement complètes.

He DURAND,

Architecte de l'Etat.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small]
« PreviousContinue »