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Mon siège est fait.

Cette locution se dit d'un renseignement qui vient un peu tard et dont on ne veut plus profiter. C'est une allusion à un mot de l'Abbé Vertot. Il avait entrepris de raconter le siège de Malte sans trop se préoccuper des détails historiques. On lui proposa des documents authentiques, mais, quand il les reçut, le livre était fini. Comme il n'avait pas envie de recommencer il dit: Mon siège est fait.

Mont de piété.

On appelle ainsi un établissement où l'on prête de l'argent contre des objets déposés en garantie. Le mot et la chose viennent d'Italie. Un frère mineur de Padoue y créa, sous le nom de Monte di pieta, une association charitable dans le but de prêter de l'argent aux pauvres, en ne leur demandant qu'un très faible intérêt pour couvrir les frais. C'était vraiment une œuvre de piété. Le mot Monte se dit en italien pour amas, accumulation, masse, aussi bien que pour montagne, et répond ici à l'idée de collecte, de cotisation. Monte di pieta signifiait donc bien justement alors cotisation pour une œuvre de piété.

Les établissements connus aujourd'hui sous ce nom s'écartent considérablement du type primitif, tel que le conçut le charitable frère.

Monter sur ses grands chevaux.

C'est prendre un parti vigoureux, se mettre en colère, montrer de la hauteur, de la sévérité dans ses paroles.

Au temps de la chevalerie on distinguait deux espèces de chevaux : le palefroi et le destrier.

Le palefroi (de "par le frein," parce que dans les cérémonies il était conduit par des écuyers) était le cheval de service ordinaire et de parade, léger, gracieux et d'une allure aisée.

Le destrier (de "dextre" parce que les écuyers le conduisaient avec la main droite) était le cheval de bataille, grand et fort. En temps de guerre on quittait le palefroi pour le destrier, on montait sur ses grands chevaux.

'C'est de là aussi qu'est venue l'expression cheval de bataille, pour désigner la chose sur laquelle on s'appuie le plus fortement.

Moutons de Panurge.

On appelle ainsi les gens qui font ce qu'ils voient faire, qui agissent sans motif et uniquement par esprit d'imitation.

Cette locution est une allusion au tour que Panurge joue à Dindenault dans le fameux roman de Rabelais.*

Panurge avait eu une querelle avec un marchand de moutons nommé Dindenault, et voulut se venger. A cet effet il proposa au marchand de lui vendre un mouton, et, le marché conclu, choisit le plus beau et l'emporta criant et bêlant, pendant que tous les autres, bêlant aussi, regardaient de quel côté on emmenait leur compagnon.

Soudain Panurge le jette à la mer. Ce que voyant les autres bêtes se mettent à sauter en mer à la file, car il est dans le naturel du mouton de toujours suivre le premier quelque part qu'il aille.

Ours mal léché.

Un ours mal léché est un homme désagréable, grossier, étranger aux usages du monde, un homme sans manières, mal élevé.

* Rabelais. -Pantagruel. Livre IV, chap. 8.

C'était autrefois une croyance populaire que l'ours, en naissant, n'était qu'ébauché et ne prenait sa forme definitive qu'après avoir été longtemps léché par sa mère. L'allusion est transparente. L'ours que sa mère n'a pas complètement façonné et l'homme qui n'a pas été bien élevé se ressemblent tous les deux sont mal léchés.

Parler français comme une vache espagnole.

Le mot vache dans cette expression est une corruption du mot vasco, qui, dans la langue basque, signifie montagnard. Les Français qui ne savaient pas cette langue, ont dit vacco, et puis vacce.

Ainsi Parler comme un vacce espagnol signifiait primitivement parler comme un habitant des provinces basques de l'Espagne, où l'on avait de la difficulté à s'exprimer en français. Mais dans quelques provinces les paysans disent vacce du latin vacca, pour vache. De là la confusion.

Loin des Pyrénées ce mot vacce dans le sens de basque n'était pas entendu de tout le monde, et fut généralement pris dans celui de vache, et l'on a été amené insensiblement à consacrer ce nonsens devenu proverbe: Parler français comme vache espagnole.

Pays de Cocagne.

une

C'est le pays où l'on vit sans travail et sans souci, dans l'abondance et la joie. Il se dit aussi des lieux qui réunissent tous les agréments de la vie. C'est dans ce sens qu'il faut entendre le vers de Boileau :

Paris est pour le riche un pays de Cocagne. On a proposé plusieurs explications plus ou moins probables. La plus plausible, quand ce mot

éveille l'idée d'abondance, de temps de réjouissance où l'on boit et mange largement, est qu'il vient du latin coquere, cuire, et signifie cuisine.

Point d'argent, point de Suisse.

Le sens de cette locution est: On n'a rien sans argent.

Pendant longtemps la Suisse, qui n'entretenait pas de troupes soldées, permettait à ses jeunes gens de se mettre au service des puissances étrangères.

C'étaient ce qu'on appelle des troupes mercenaires, et la France en employa à plus d'une occasion, surtout au 15o et au 16° siècle. Il est probable que le proverbe date des guerres du Milanais. Dix mille Suisses étaient au service de la France et ne recevant pas leur paie ils quittèrent la partie, retournèrent chez eux au moment critique, et le duché de Milan fut perdu pour la France.

Poisson d'avril.

C'est le mot qu'on dit le premier jour d'avril aux personnes, qui donnent dans quelque piège innocent qui leur a été tendu, et voici l'explication la plus plausible:

Quand Charles IX voulut en 1564 faire commencer l'année au 1er Janvier, le changement fut d'abord assez mal accueilli. Cependant l'habitude s'établit peu à peu de donner les étrennes au 1er janvier,

et alors on ne fit plus au 1er avril que des félicitations de plaisanterie et des cadeaux simulés, et, comme au mois d'avril le soleil vient de quitter le signe zodiacal des poissons, on appela ces plaisanteries, ces simulacres, poissons d'avril.

Pont aux ânes.

On appelle ainsi une chose facile à faire, qu'il n'est pas permis d'ignorer et dans laquelle tout le monde peut réussir.

L'origine de cette locution se trouve dans une farce du 15e siècle.

Un homme dont la femme est d'un caractère désagréable va consulter un grave docteur. Celui-ci lui répond par ce vers:

Vade, tenez le pont aux asnes.

Le mari ne comprend pas quel bien cela peut lui faire, mais il va se poster sur le pont où passent les ânes du village. Là, il voit un bûcheron qui frappe à tour de bras sur son âne pour le faire avancer. Rentré chez lui, il saisit un bâton à la première contradiction de sa femme et lui parle haut le langage du bûcheron. Le moyen était bon; rien n'était plus simple, c'était le pont aux ânes.

Prendre la mouche.

Prendre la mouche c'est se fâcher; le mot mouche rappelle l'idée de piquer. Ceux qui prennent la mouche se piquent, c'est-à-dire se fâchent aisément. Pour expliquer le mot prendre M. Genin fait remarquer que ce verbe est souvent employé dans le sens d'être pris. Il cite pour exemples les locutions: Il a pris un rhume, il a pris froid, il a pris la fièvre. De même, dit-il, celui qui prend la mouche, la reçoit, est pris, piqué par elle.

Prendre sans vert.

Prendre quelqu'un sans vert c'est le prendre au dépourvu. Cette expression est fort ancienne; Rabelais la connaissait déjà. On l'explique comme venant d'un jeu de société qui consistait à porter

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