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toujours sur soi, au commencement de la belle saison, quelque feuille verte. Je vous prends sans vert, disait-on en abordant une personne au moment où elle ne s'y attendait pas, et, si elle ne pouvait pas répondre en montrant une feuille verte, elle avait à payer une amende ou à subir une autre punition.

Quart d'heure de Rabelais.

On appelle ainsi le moment toujours désagréable et quelquefois embarrassant où il faut payer. Cette expression a pour origine l'anecdote suivante, que tout le monde répète sans la garantir:

Rabelais était en route de Rome pour Paris, chargé d'une mission auprès du roi. Arrivé à Lyon il fut forcé de s'arrêter faute d'argent pour continuer sa route. Il s'avisa alors de faire avertir les principaux médecins de la ville qu'un docteur de distinction, au retour de longs voyages, souhaitait leur faire part de ses observations. La curiosité lui amena un nombreux auditoire. Après un discours très savant il dit tout-à-coup aux assistants qu'il va leur révéler un secret: "Voici, dit-il, un poison subtil. Je l'ai apporté d'Italie pour vous délivrer du roi et de ses enfants. Oui, je le destine à ce tyran qui boit le sang du peuple et qui dévore la France.' A ces mots on se regarde en silence, on se lève et l'on se retire. Peu d'instants après, Rabelais est arrêté, enfermé dans une litière et emmené à Paris sous bonne escorte. C'était ce qu'il voulait.

François I est prévenu de l'arrestation d'un grand criminel; il veut le voir; on lui amène Rabelais qui n'eut pas de peine à mettre les rieurs de son côté. Le roi congédia les Lyonnais confondus, en les remerciant de leur sollicitude pour ses jours, et retint à souper Rabelais qui but largement à la santé du roi et à la bonne ville de Lyon,

Querelle d'Allemand.

C'est une querelle pour peu de chose, qui est faite sans sujet.

On a expliqué cette locution de différentes manières. Une des plus plausibles est celle qui l'attribue à la manie des étudiants allemands de se battre en duel sous le plus léger prétexte, et, quand ce prétexte n'existe pas, de le faire naître.

Peut-être n'est-ce qu'une corruption de querelle d'amants.

Revenir à ses moutons.

Prier quelqu'un de revenir à ses moutons c'est lui demander de revenir à la chose en question, à l'objet dont il s'agit. Ce proverbe, si utile à rappeler parfois aux orateurs, aux professeurs, à tous ceux qui font des discours, est pris de la farce de l'Avocat Pathelin.

Le drapier Guillaume a été volé par l'avocat de six aunes de drap, et par Agnelet, son berger, de six-vingts moutons. Guillaume veut faire pendre son berger, mais au moment où il l'accuse devant le juge il reconnaît Pathelin, son voleur de drap, dans l'avocat d'Agnelet. Préoccupé alors de son drap en même temps que de ses moutons, il les mêle dans ses réponses de la façon la plus plaisante, et le juge est constamment obligé de lui dire de laisser là son drap et de revenir à ses moutons.

Roger Bontemps.

Cette expression s'applique à un homme toujours de belle humeur qui prend la vie gaiement et ne se fait pas de soucis.

On s'est demandé quel est le Roger, ami de la gaieté et de la bonne chère, qui a eu l'honneur de laisser son nom à ce type, et l'on en a proposé plusieurs. Comme il serait difficile de dire lequel est

le vrai, le plus simple et le plus sage est de se contenter de l'explication de Ménage, qui disait que cette expression vient d'un appelé Roger qui se donnait du bon temps.

Sainte-Nitouche.

C'est une femme dangereuse, affectant la simplicité et l'innocence, et qui a l'air de ne pas toucher à bien des choses qu'elle ne dédaigne pas en réalité. Nitouche est une variante de n'y touche. On en a fait un nom propre, un nom de Sainte, la patronne d'une classe assez considérable de décevantes personnes.

Ne vous fiez pas à ses airs de Ste. Nitouche.

Sans-culottes.

Ce mot désigne les partisans les plus fougueux et les plus cyniques de la révolution française à la fin du 18e siècle.

Il dut sa popularité dans ce sens à une saillie de l'abbé Maury. En 1790 il prononçait à l'assemblée nationale un discours qui, comme de coutume, déplaisait au peuple. Interrompu par les cris d'une bande de déguenillés qui occupaient les tribunes, il pria le président de faire taire les sans-culottes. Le mot resta. Les démagogues eux-mêmes l'adoptèrent, et le sans-culottisme représenta un parti, une puissance dans la révolution.

Travailler pour le Roi de Prusse.

Cette locution veut dire travailler sans rémunération, du moins sans rémunération convenable. L'origine n'en est pas bien connue. On l'a attribuée à Voltaire. Il est possible qu'elle soit de lui ; on ne peut pas l'affirmer avec certitude. Ce que nous savons c'est qu'après avoir été grands amis Voltaire et Frédéric II, le grand Frédéric, se

brouillèrent, et que le roi fit toutes sortes de misères à l'écrivain. Il se peut bien qu'après cela Voltaire ait dit qu'il avait perdu son temps et sa peine en travaillant pour le roi de Prusse.

Peut-être faut-il placer l'origine de ce proverbe dans un fait moins personnel. Les rois de Prusse avaient dès le commencement la réputation d'être très économes, et même avares. Ils payaient mal, ils rognaient volontiers le salaire des gens à leur service. Ainsi Frédéric avait trouvé moyen de faire une économie générale sur son armée en décidant que la solde ne serait pas payée le 31 du mois. Cela faisait sept jours de l'année pendant lesquels les soldats servaient pour rien: ils travaillaient pour le roi de Frusse.

Vous êtes orfèvre, M. Josse !

Cette phrase, devenue proverbiale, s'applique à ces personnes, à ces donneurs de conseils qui, au lieu d'envisager une situation donnée, né considèrent que leur intérêt personnel. Elle est empruntée à l'Amour Médecin de Molière.

La fille de Sganarelle est plongée dans une tristesse profonde dont rien ne peut la délivrer. Le pauvre père, à bout de moyens, consulte sa nièce, sa voisine et ses amis sur ce qu'il doit faire. Chacun donne un conseil dicté par son propre intérêt. L'orfèvre M. Josse entre autres pense qu'une belle garniture en diamants serait la chose la plus capable de réjouir Lucinde.

Malgré son chagrin Sganarelle n'a pas perdu le sens, et il voit bien quelles sont les intentions de ses conseillers: "Tous ces conseils sont admirables assurément, mais je les tiens un peu intéressés, et trouve que vous conseillez fort bien pour vous. Vous êtes orfèvre, M. Josse, et votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise."

QUATRIEME SERIE.

PRONONCIATION.

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