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la Noue n'eft pas fait pour arofmane. Vous aimiez Zaïre avant d'aimer la Noue. C'eft les 1743. trahir tous deux que de donner Orofmane à la Noue. Je vous conjure de lui faire entendre raifon. N'appelez point acharnement ma juste fermeté. La Noue devrait me remercier, je lui rends service en le fuppliant inftamment de ne point paraître fous une forme qui le dégrade. Joignez-vous à moi, faites-lui connaître fes véritables intérêts; dites-lui qu'ils me font chers. Il ne faut pas que je lui déplaise en lui rendant service.

J'ai reçu hier une lettre de l'archevêque de Narbonne par laquelle il me fait entendre qu'on l'a preffé de fuccéder à M. le cardinal de Fleuri, et qu'il accepte la place.

Perfécuté de tous côtés, que j'aye au moins le public pour moi. Il eft de mon intérêt et de mon honneur de me présenter fous des faces différentes, et d'élever en ma fayeur la voix publique qui, jointe à la vôtre, me confole de tout. Mille tendres refpects à mes deux anges que j'adore.

Correfp. générale. Tome III. T

1743.

LETTRE XCV./

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

A Versailles, vendredi.

VOICI, mon très-cher ange, un fait comi

que. Je fais à M. le duc de Richelieu mes très-
humbles plaintes de ce qu'il m'a forcé à laisser
jouer Rouffelois dans mes pièces, et de ce que
tout Versailles dit que c'eft moi qui l'ai fait
venir,
, que c'eft moi qui lui ai écrit de la part
de monfieur le premier gentilhomme de la
chambre. Je m'épuise en doux reproches, je
me lamente. M. de Richelieu me répond en
pouffant de rire; eh bien, dit-il, après avoir
bien ricané, voulez-vous que je vous avoue
celui qui a écrit à Rouffelois, fans me conful-
ter? c'eft Roi. Quoi Roi ? Oui Roi, Roi le
chevalier de Saint-Michel, Roi le cheval, Roi
l'ennuyeux, Roi l'infupportable, Roi qui fait
affez bien des ballets. Il a gagné un homme à
moi qui m'a recommandé Rouffelois comme un
Baron. Je l'ai fait jouer dans vos tragédies,
croyant vous fervir. Je vous avoue ma faute,
et vous pouvez dire par-tout que c'eft moi
qui ai tort.

Mes chers anges, cela défarme; mais mademoiselle Duménil et ce pauvre Paulin sont au

désespoir, et M. le duc d'Aumont va me croire le plus inepte des mortels; mais enfin la vérité 1743. triomphe, et M. le duc de Richelieu confeffe fon erreur. Il ne refte que Roi à punir; mais il n'y a pas moyen de punir un fi fot homme. Juftifiez-moi bien, mes chers anges; permettez que je vous dife que je fuis enchanté des bontés de fa Majefté. Le ministère n'a pas mis à cela la dernière main; mais il le fera. Je vous confie ce petit fecret comme à mes chers protecteurs que j'adorerai toute ma vie.

LETTRE XC V I.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

QUAND

U AND les autres en ont gros comme un moucheron, j'en ai gros comme un chameau. Quoique j'aye commencé long-temps avant mes anges, je ne crois pas que j'aye la force de fortir aujourd'hui de mon lit. Si je fortais, ce ne ferait pas pour Mérope. Je fuis trop heureux que ces cahiers vous amufent. En voilà fix autres. J'aurai foin du quatrième acte d'Adélaïde, mais c'eft fur Zulime que je compte le plus. Si j'étais plus jeune et moins perfécuté, je travaillerais encore. Je fuis venu dans le temps de barbarie. Je ne fais rien de

cette académie ; tout ce que je fais, c'est qu'il 1743. eft bien cruel que deux hommes puiffans fe

foient réunis pour m'arracher un agrément frivole, la feule récompenfe que je demandais, après trente années de travail. Bonjour; vous êtes ma plus grande confolation; mais portezvous bien l'un et l'autre.

LETTRE XCVII.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

Mars.

Vous avez bien raison, ange tutélaire; je

vous ai cherché tous ces jours-ci pour vous demander vos confeils angéliques. Il est trèsvrai que je dois avoir peur que Satan déguisé en ange de lumière, escorté de Marie Alacoque, fe déchaîne contre moi.

Oui, l'auteur de Marie Alacoque perfécute, et doit perfécuter l'auteur de la Henriade; mais je ferai tout ce qu'il faudra pour apaifer, pour défarmer l'archevêque de Sens. Le roi m'a donné fon agrément; je tâcherai de le mériter. Je me conduirai par vos avis. La place, comme vous savez, eft peu ou rien, mais elle est beaucoup par les circonftances où je me trouve. La tranquillité de ma vie en

dépend; mais le vrai bonheur, qui confifte à fentir vivement, fe goûte chez vous.

Adieu, mes adorables anges gardiens; ma vie eft ambulante, mais mon cœur eft fixe. Je vous recommande madame du Châtelet et Céfar ce font deux grands-hommes.

LETTRE XCVIII.

A M. ***,

DE L'ACADEMIE FRANÇAISE.

1743.

J'AI Tho

Mars.

I l'honneur de vous envoyer les premières feuilles d'une feconde édition des Elémens de Newton, dans lefquelles j'ai donné un extrait de fa métaphyfique. Je vous adreffe cet hommage comme à un juge de la vérité. Vous verrez que Newton était de tous les philofophes le plus perfuadé de l'existence d'un Dieu; et que j'ai eu raifon de dire qu'un catéchifte annonce DIEU aux enfans, et qu'un Newton le démontre aux fages.

Je compte dans quelque temps avoir l'honneur de vous préfenter l'édition complète qu'on commence du peu d'ouvrages qui font

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