Page images
PDF
EPUB

L'INFANT E.

Ma plus douce efpérance est de perdre l'efpoir.

SCENE IV.

L'INFANTE,

LEONOR,

[ocr errors]

UN PAGE.

LE PAGE.

Ar vos commandements Chimene vous vient voir.
L'INFANTE à Léonor.

Allez l'entretenir en cette galerie..

LEONO R.

Voulez-vous demeurer dedans la rêverie?

L'INFANTE.

Non, je veux feulement, malgré mon déplaifir,
Remettre mon vifage un peu plus à loisir,
Je vous fui.

SCENE V.

L'INFANTE feule.
JUfte ciel, d'où j'attens mon reméde,

Mets enfin quelque borne au mal qui me poffède,
Affure mon repos, affure mon honneur,

Dans le bonheur d'autrui je cherche mon bonheur,
Cet hyménée à trois également importe;

Rens fon effet plus prompt, ou mon ame plus forte:
D'un lien conjugal joindre ces deux amans,
C'eft brifer tous mes fers, & finir mes tourmens.
Mais je tarde un peu trop, allons trouver Chiméne,
fon entretien foulager notre peine.

Et

par

SCENE

SCENE VI.

LE COMTE, D. DIEGUE.

LE COMTE.

Nfin vous l'emportez, & la faveur du roi

E Vous éleve en un rang qui n'étoit dû qu'à moi ;

Il vous fait gouverneur du prince de Caftille.
D. DIE GUE.

Cette marque d'honneur qu'il met dans ma famille
Montre à tous qu'il eft jufte; & fait connoître affez
Qu'il fait récompenfer les fervices paffés.

LE COMTE.

Pour grands que foient les rois, ils font ce que nous fommes,

Ils peuvent fe tromper comme les autres hommes;
Et ce choix fert de preuve à tous les courtisans,
Qu'ils favent mal payer les fervices préfens.

D. DIE GUE.

Ne parlons plus d'un choix dont votre efprit s'irrité,
La faveur l'a pû faire autant que le mérite;
Mais on doit ce respect au pouvoir absolu,
De n'examiner rien, quand un roi l'a voulu.
A l'honneur qu'il m'a fait, ajoûtez-en un autre,
Joignons d'un facré nœud ma maison à la vôtre :
Vous n'avez qu'une fille, & moi je n'ai qu'un fils,
Leur hymen nous peut rendre à jamais plus qu'amis,
Faites-nous cette grace, & l'acceptez pour gendre.
LE COMTE.

A des partis plus hauts ce beau fils doit prétendre;
Et le nouvel éclat de votre dignité

Lui doit enfler le cœur d'une autre vanité,
Exercez-la, Monfieur, & gouvernez le prince;
Montrez-lui comme il faut régir une province,
Faire trembler par tout les peuples fous fa loi,

Rem

Remplir les bons d'amour, & les méchans d'effroi.
Joignez à ces vertus celles d'un capitaine;
Montrez lui comme il faut s'endurcir à la peine,
Dans le métier de Mars fe rendre fans égal,
Paffer les jours entiers & les nuits à cheval,
Reposer tout armé, forcer une muraille,
Et ne devoir qu'à foi le gain d'une bataille.
Inftruifez-le d'exemple, & rendez-le parfait,
Expliquant à fes yeux vos leçons par l'effet.
D. DIE GUE.

Pour s'inftruire d'exemple, en dépit de l'envie,
Il lira feulement l'hiftoire de ma vie.
Là, dans un long tiffu de belles actions,
Il verra comme il faut domter des nations,
Attaquer une place, ordonner une armée
Et fur de grands exploits bâtir fa renommeé.
LE COM TE.

Les exemples vivans font d'un autre pouvoir,
Un prince dans un livre apprend mal fon devoir.
Et qu'a fait après tout ce grand nombre d'années,
Que ne puiffe égaler une mes journées ?

Si vous fûtes vaillant, je le fuis aujourd'hui,
Et ce bras du royaume eft le plus ferme appui.
Grenade, & l'Arragon tremblent quand ce fer brille,
Mon nom fert de rempart à toute la Castille;
Sans moi vous pafferiez bien-tôt fous d'autres loix,
Et vous auriez bien-tôt vos ennemis pour rois.
Chaque jour, chaque inftant, pour rehauffer ma gloire,
Met lauriers fur lauriers, victoire fur victoire.
Le prince à mes côtés feroit dans les combats
L'effai de fon courage à l'ombre de mon bras,
Il apprendroit à vaincre en me regardant faire;
Et pour répondre en hate à son grand caractere,
Il verroit.

....

D. DIE GUE

Je le fai, vous fervez bien le roi,
Je vous ai vû combattre, & commander fous moi.
Qnand l'âge dans mes nerfs a fait couler fa glace,
Votre rare valeur a bien rempli ma place;

En

Enfin, pour épargner des difcours fuperflus,
Vous êtes aujourd'hui ce qu'autrefois je fus.
Vous voyez, toutefois, qu'en cette concurrence
Un monarque entre nous met quelque différence.
LE COMTE.

Ce que je méritois vous l'avez emporté.

D. DIE GUE.

Qui l'a gagné fur vous l'avoit mieux mérité.
LE COM TE.

Qui peut mieux l'exercer en eft bien le plus digne.
D. DIE GUE.
En être refufé n'en eft pas un bon figne.
LE COMTE.

Vous l'avez eu par brigue étant vieux courtisan.
D. DIE GUE.

L'éclat de mes hauts faits fut mon feul partisan
LE COMTE.

[ocr errors]

Parlons-en mieux, le roi fait honneur à votre âge,
D. DIE GUE.

Le roi, quand il en fait, le mefure au courage.
LE COMTE.

Et par-là cet honneur n'étoit dû qu'à mon bras.
D. DIE GUE.
Qui n'a pû l'obtenir ne le méritoit pas.
LE COMTE.

Ne le méritoit pas ! Moi?

D. DIE GUE.

Vous.

LE COM TE.

Ton impudence,

Téméraire vieillard, aura fa récompenfe.

Il lui donne un fouflet.] D. DIEGUE mettant l'épée à la main. Acheve, & prens ma vie après un tel affront, Le premier dont ma race ait vû rougir fon front. LE COMTE.

Et que penfes-tu faire avec tant de foiblesse?

D. DIEGUE après que fon épée est tombée. O Dieu! Ma force usée en ce befoin me laiffe!

LE

LE COM TE.

Ton épée eft à moi, mais tu ferois trop vain,
Si ce honteux trophée avoit chargé ma main.
Adieu. Fais lire au prince, en dépit de l'envie,
Pour fon inftruction l'hiftoire de ta vie;
D'un infolent difcours ce jufte châtiment
Ne lui fervira pas d'un petit ornement.

[blocks in formation]

D. DIE GUE feul.

Rage! O défefpoir! O vieilleffe ennemie !

pour moi?

N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne fuis-je blanchi dans les travaux guerriers, Que pour voir en un jour flétṛir tant de lauriers? Mon bras qu'avec refpect toute l'Espagne admire, Mon bras qui tant de fois a fauvé cet empire, Tant de fois affermi le trône de fon roi, Trahit donc ma querelle, & ne fait rien O cruel fouvenir de ma gloire paffée! Oeuvre de tant de jours en un jour effacée ! Nouvelle dignité fatale à mon bonheur ! Précipice élevé d'où tombe mon honneur! Faut-il de votre éclat voir triompher le comte, Et mourir fans vengeance, ou vivre dans la honte? Comte, fois de mon prince à préfent gouverneur, Ce haut rang n'admet point un homme fans honneur ; Et ton jaloux orgueil par cet affront infigne, Malgré le choix du roi, m'en a fû rendre indigne. Et toi, de mes exploits glorieux inftrument, Mais d'un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre, & qui dans cette offense M'as fervi de parade, & non pas de défense, Va, quitte déformais le dernier des humains, Paffe pour me venger en de meilleures mains

SCENE

« PreviousContinue »