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RODOGUN E, fœur de Phraates, roi des Parthes.

TIMAGE N E, Gouverneur de deux Princes.

ORONT E, Ambaffadeur de Phraates.

LAONICE, fœur de Timagene, confidente de Cleopatie.

La fiène eft à Séleucie, dans le palais
Royal.

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E

LAONICE.

;

Nfin ce jour pompeux, cet heureux jour nous luit, Qui d'un trouble fi long doit diffiper la nuit, Ce grand jour où l'hymen étouffant la vengeance Entre le Parthe & nous remet l'intelligence, Affranchit fa princeffe ; & nous fait pour jamais Du motif de la guerre un lien de la paix. Ce grand jour eft venu, mon frere, où notre reine Ceffant de plus tenir la couronne incertaine, Doit rompre aux yeux de tous fon filence obftiné, De deux princes gémeaux nous déclarer l'aîné Et l'avantage feul d'un moment de naissance, Dont elle a jufqu'ici caché la connoiffance, Mettant au plus heureux le fceptre dans la main, Va faire l'un fujet, & l'autre fouverain. Mais n'admirez-vous point que cette même reine Le donne pour époux à l'objet de sa haine; Et n'en doit faire un roi, qu'afin de couronner Celle que dans les fers elle aimoit à gêner? Rodogune par elle en esclave traitée, Par elle fe va voir fur le trône montée,

Puifque

Puifque celui des deux qu'elle nommera roi,
Lui doit donner la main, & recevoir sa foi.
TIMAGENE.

Pour le mieux admirer, trouvez bon, je vous prie,
Que j'apprenne de vous les troubles de Syrie.
J'en ai vû les premiers, & me fouviens encor
Des malheureux fuccès du grand roi Nicanor,
Quand des Parthes vaincus preffant l'adroite fuite
Il tomba dans leurs fers au bout de fa poursuite.
Je n'ai pas oublié que cet événement
Du perfide Tryphon fit le foulévement.
Voyant le roi captif, la reine défolée,
Il crut pouvoir faifir la couronne ébranlée ;
Et le fort favorable à fon lâche attentat
Mit d'abord fous fes loix la moitié de l'état.
La reine craignant tout de ces nouveaux orages,
En fut mettre à l'abri fes plus précieux gages;
Et, pour n'expofer pas l'enfance de fes fils,
Me les fit chez fon frere enlever à Memphis.
Là, nous n'avons rien fû que de la renommée,
Qui par un bruit confus diversement semée,
N'a porté jufqu'à nous ces grands renversemens
Que fous l'obfcurité de cent déguisemens.

LAONICE.

Sachez donc que Tryphon, après quatre batailles,
Ayant fû nous réduire à nos feules murailles,
En forma tôt le fiége; &, pour comble d'effroi,
Un faux bruit s'y coula touchant la mort du roi.
Le peuple épouvanté, qui déja dans fon ame
Ne fuivoit qu'à regret les ordres d'une femme,
Voulut forcer la reine à choisir un époux.
Que pouvoit-elle faire, & feule, & contre tous ?
Croyant fon mari mort, elle époufa fon frere,
L'effet montra foudain ce confeil salutaire ;
Le prince Antiochus, devenu nouveau roi,
Sembla de tous côtés traîner l'heur avec foi:
La victoire attachée au progrès de fes armes
Sur nos fiers ennemis rejetta nos alarmes
Et la mort de Tryphon dans un dernier combat,
Changeant

Changeant tout notre fort, lui rendit tout l'état.
Quelque promeffe alors qu'il eût faite à la mere
De remettre fes fils au trône de leur pere,
Il témoigna fi peu de la vouloir tenir,
Qu'elle n'ofa jamais les faire revenir.
Ayant régné fept ans, fon ardeur militaire
Ralluma cette guerre où fuccomba fon frere,
Il attaqua le Parthe, & fe crut affez fort
Pour en venger fur lui la prifon, & la mort.
Jufque dans fes états il lui porta la guerre,
Il s'y fit par tout craindre à l'égal du tonnerre,
Il lui donna bataille, où mille beaux exploits
Je vous acheverai le reste une autrefois,
Un des princes furvient.

[Laonice fe veut retirer.]

SCENE II.

ANTIOCHUS, TIMAGENE,

LAONICE.

ANTIOCH US.

DE

Emeurez, Laonice,
Emeur

Vous pouvez, comme lui, me rendre un bon office.
Dans l'état où je fuis, trifte, & plein de fouci,
Si j'efpére beaucoup, je crains beaucoup auffi.
Un feul mot aujourd'hui, maître de ma fortune,
M'ôte, ou donne à jamais le fcéptre, & Rodogune;
Et de tous les mortels, ce fecret révélé,
Me rend le plus content, ou le plus désolé.
Je vois dans le hazard tous les biens que j'efpere,
Et ne puis être heureux fans le malheur d'un frere ;
Mais d'un frere fi cher, qu'une fainte amitié
Fait fur moi de ses maux réjaillir la moitié.
Donc, pour moins hazarder j'aime mieux moins pré
tendre ;

Gg

Et,

Et, pour rompre le coup que mon cœur n'ofe attendre,
Lui cédant de deux biens le plus brillant aux yeux,
M'affurer de celui qui m'eft plus précieux.
Heureux, fi fans attendre un fâcheux droit d'aînesse,
Pour un trône incertain j'en obtiens la princesse ;
Et puis par ce partage épargner les foupirs,
Qui naîtroient de ma peine, ou de fes déplaifirs.
Va le voir de ma part, Timagene, & lui dire,
Que pour cette beauté je lui céde l'empire;
Mais porte-lui fi haut la douceur de régner,
Qu'à cet éclat du trône il fe laiffe gagner,
Qu'il s'en laiffe éblouir, jufqu'à ne pas connoître
A quel prix je confens de l'accepter pour maître.

E

SCENE III.

ANTIOCHUS, LAONICE.

ANTIOCH US.

T vous, en ma faveur voyez ce cher objet,
Et tâchez d'abaiffer fes yeux fur un sujet,
Qui peut-être aujourdhui porteroit la couronne,
S'il n'attachoit les fiens à fa feule personne ;
Et ne la préféroit à cet illuftre rang,

Pour qui les plus grands cœurs prodiguent tout leur fang.

SCENE IV.

ANTIOCHUS, LAONICE, TIMAGENE.

TIMAGENE.

Eigneur, le prince vient; & votre amour lui-même
Lui peut fans interpréte offrir le diadême.

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ANTIOCH US.

Ah! Je tremble, & la peur d'un trop jufte refus
Rend ma langue muette, & mon efprit confus.

SCENE

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