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CLEOPATRE.

Ne quittez pas Céfar, allez cher Achorée,
Repouffer avec lui ma mort qu'on a jurée,
Et quand il punira nos lâches ennemis,
Faites-le fouvenir de ce qu'il m'a promis,
Ayez l'œil fur le roi dans la chaleur des armes,
Et confervez fon fang pour épargner mes larmes.
A CHORE E.

Madame, affurez-vous qu'il ne peut y périr,
Si mon zèle & mes foins peuvent le fecourir.

Fin du quatriéme acte.

ACTE

АСТЕ III.

SCENE PREMIERE

CORNELIE tenant une petite urne en fa main, PHILIPPE.

ME

CORNELIE.

Es yeux, puis je vous croire, & n'est-ce point un fonge Qui fur mes triftes vœux a formé ce mensonge ? Te revoi-je, Philippe, & cet époux fi cher A-t-il reçû de toi les honneurs du bucher ! Cette urne que je tiens contient-elle fa cendre? O vous, à ma douleur objet terrible & tendre, Eternel entretien de haine & de pitié, Refte du grand Pompée, écoutez fa moitié. N'attendez point de moi de regrets ni de larmes, Un grand cœur à fes maux applique d'autres charmes. Les foibles déplaifirs s'amufent à parler; Et quiconque fe plaint cherche à fe confoler. Moi, je jure des dieux la puiffance fuprême ; Et, pour dire encor plus, je jure par vous même, Car vous pouvez bien plus fur ce cœur affligé Que le respect des dieux qui l'ont mal protégé : Je jure donc par vous, o pitoyable refte, Ma divinité feule après ce coup funefte, Par vous, qui feule ici pouvez me foulager, De n'éteindre jamais l'ardeur de le venger. Ptolomée à Céfar par un lâche artifice, Rome, de ton Pompée a fait un facrifice ; Et je n'entrerai point dans tes murs défolés, Que le prêtre & le dieu ne lui foient immolés, Faites-m'en fouvenir, & foutenez ma haine, O cendres, mon efpoir auffi-bien que ma peine;

Et,

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Et, pour m'aider un jour à perdre fon vainqueur,
Verfez dans tous les cœurs ce que reffent mon cœur.
Toi, qui l'as honoré fur cette infame rive
D'une flamme picufe auffi bien que chétive,
Dis-moi quel bon démon a mis en ton pouvoir,
De rendre à ce héros ce funebre devoir.

PHILIPPE.

Tout couvert de fon fang, & plus mort que lui-même,
Après avoir cent fois maudit le diadême,
Madame, j'ai porté mes pas & mes fanglots
Du côté que le vent pouffoit encor les flots.
Je cours long-tems en vain; mais enfin d'une roche
J'en découvre le tronc vers un fable affez proche,
Où la vague en courroux fembloit prendre plaifir
A feindre de le rendre, & puis s'en refaifir.
Je m'y jette & l'embraffe, & le pouffe au rivage;
Et, ramaffant fous lui le débris d'un naufrage,
Je lui dreffe un bucher à la hâte, & fans art,
Tel que je pûs fur l'heure, & qu'il plut au hazard.
A peine brûloit-il, que le ciel plus propice
M'envoie un compagnon en ce pieux office,
Cordus, un vieux Romain qui demeure en ces lieux,
Retournant de la ville y détourne les yeux;
Et n'y voyant qu'un tro dont la tête eft coupée,
A cette trifte marque il reconnoit Pompée.
Soudain la larme à l'œil; O toi, qui que tu fois,
A qui le ciel permet de fi dignes emplois,
Ton fort est bien, dit il, autre que tu ne penfes,
Tu crains des châtimens, attens des récompenfes,
Céfar eft en Egypte, & venge hautement
Celui pour qui ton zèle a tant de fentiment.
Tu peux faire éclater les foins qu'on t'en voit prendre,
Tu peux même à fa veuve en rapporter la cendre ;
Son vainqueur l'a reçue avec tout le refpect
Qu'un dieu pourroit ici trouver à son aspect.
Acheve, je reviens. 11 part & m'abandonne ;
Et rapporte auffi-tôt ce vafe qu'il me donne,
Où fa main & la mienne enfin ont renfermé
Ces reftes d'un héros par le feu confumé.

CORNELIE.

CORNELIE.

O que fa piété mérite de louanges!

PHILIP PE.

En entrant j'ai trouvé des désordres étranges,
J'ai va fuir tout un peuple en foule vers le port,
Où le roi, difoit-on, s'étoit fait le plus fort.
Les Romains poursuivoient, & Céfar dans la place
Ruiffelante du fang de cette populace,

Montroit de fa juftice un exemple affez beau,
Faifant paffer Photin par les mains d'un bourreau.
Auffi-tôt qu'il me voit, il daigne me connoître ;
Et prenant de ma main les cendres de mon maître,
Reftes d'un demi-dieu dont à peine je puis
Egaler le grand nom, tout vainqueur que j'en fuis,
De vos traîtres, dit-il, voyez punir les crimes,
Attendant des autels recevez ces victimes,
Bien d'autres vont les fuivre ; & toi, cours au palais
Porter à fa moitié ce don que je lui fais,
Porte à fes déplaifirs cette foible allégeance,
Et dis-lui que je cours achever fa vengeance.
Ce grand homme à ces mots me quitte en foupirant;
Et baife avec refpect ce vafe qu'il me rend.

CORNELIE.

O foupirs! O respect ! O qu'il eft doux de plaindre
Le fort d'un ennemi, quand il n'est plus à craindre !
Qu'avec chaleur, Philippe, on court à le venger,
Lorfqu'on s'y voit forcé par fon propre danger;
Et quand cet intérêt qu'on prend pour fa mémoire
Fait notre fûreté comme il croît notre gloire !
Céfar eft généreux, j'en veux être d'accord;
Mais le roi le veut perdre, & fon rival est mort.
Sa vertu laiffe lieu de douter à l'envie
De ce qu'elle feroit, s'il le voyoit en vie,
Pour grand qu'en foit le prix, fon péril en rabat,
Cette ombre qui la couvre en affoiblit l'éclat,
L'amour même s'y mêle ; & le force à combattre,
Quand il venge Pompée il défend Cléopatre.
Tant d'intérêts font joints à ceux de mon époux,
Que je ne devrois rien à ce qu'il fait pour nous,

Si comme par foi même un grand cœur juge un autre,
Je n'aimois mieux juger fa vertu par la nôtre;
Et croire que nous feuls armons ce combattant,
Parce qu'au point qu'il eft j'en voudrois faire autant.

SCENE II.

CLEOPATRE, CORNELIE,
PHILIPPE, CHARMION.

CLEOPATRE.

E ne viens pas ici troubler une plainte

J Trop jufte à la douleur dont vous étes atteinte,

Je viens pour rendre hommage aux cendre d'un héros
Qu'un fidéle affranchi vient d'arracher aux flots,
Pour le plaindre avec vous, & vous jurer, Madame,
Que j'aurois conservé ce maître de votre ame,
Si le ciel, qui vous traite avec trop de rigueur,
M'en eût donné la force auffi-bien que le cœur.
Si pourtant à l'aspect de ce qu'il vous renvoie,
Vos douleurs laiffoient place à quelque peu de joie,
Si la vengeance avoit de quoi vous foulager,
Je vous dirois auffi qu'on vient de vous venger.
Que le traître Photin.... Vous le favez peut-être ?
CORNELIE.

Oui, Princeffe, je fai qu'on a puni ce traître.

CLEOPATRE.

Un fi prompt châtiment vous doit être bien doux.

CORNELI E.

S'il a quelque douceur, elle n'eft que pour vous.
CLEOPATRE.

Tous les cœurs trouvent doux le fuccès qu'ils espérent.
CORNELIE.

Comme nos intérêts nos fentimens différent.
Si Célar à fa mort joint celle d'Achillas,
Vous étes fatisfaite, & je ne la fuis pas.

Aux

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