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LA MORT

DE POMPEE,

TRAGEDIE

A a 3

JULES CESAR.

MARC ANTOINE.

LEPIDE.

CORNEL I E, femme de Pompée.

PTOLOM E E, roi d'Egypte.

CLEOPATRE, fœur de Ptolomée.
PHOTIN, chef du confeil d'Egypte.

A CHILL A S, lieutenant général des armées du roi d'Egypte.

SEPTIM E, tribun Romain, à la folde du roi d'Egypte.

CHARMIO N, dame d'honneur de Cléopatre.

A CHORE E, écuyer de Cléopatre.

PHILIPP E, affranchi de Pompée.

TROUPE DE ROMAIN S.

TROUPE D'E GYPTIEN S.

La scène eft en Alexandrie, dans le
palais de Ptolomée.

LA MORT

DE POMPEE,

TRAGEDI E.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE:

PTOLOME E, PHOTIN, ACHILLAS, SEPTIME.

L

PTOLOME E.

E deftin fe déclare, & nous venons d'entendre Ce qu'il a réfolu du beau-pere & du gendre. Quand les dieux étonnés fembloient fe partager, Pharfale a décidé ce qu'ils n'ofoient juger. Ses fleuves teints de fang. & rendus plus rapides Par le débordement de tant de parricides, Cet horrible débris d'aigles, d'armes, de chars, Sur ces champs empeftés confufément épars, Ces montagnes de morts privés d'honneurs fuprêmes, Que la nature force à fe venger eux-mêmes, Et dont les troncs pourris exhalent dans les vents Dequoi faire la guerre au refte des vivans, Sont les titres affreux dont le droit de l'épée, Juftifiant Céfar, a condamné Pompée. Ce déplorable chef du parti le meilleur,

Que

Que fa fortune laffe abandonne au malheur,
Devient un grand exemple ; & laisse à la mémoire
Des changemens du fort une éclatante hiftoire.
Il fuit, lui, qui toujours triomphant & vainqueur,
Vit fes profpérités égaler fon grand cœur ;

Il fuit, & dans nos ports, dans nos murs, dans nos villes,

Et contre fon beau-pere ayant besoin d'asyles,

Sa déroute orgueilleuse en cherche aux mêmes lieux,
Où contre les tytans en trouvérent les dieux.
Il croit que ce climat, en dépit de la guerre,
Ayant fauvé le ciel, fauvera bien la terre;
Et, dans fon défespoir à la fin fe mêlant,
Pourra prêter l'épaule au monde chancelant.
Oui, Pompée avec lui porte le fort du monde,
Et veut que notre Egypte en miracles féconde
Serve à la liberté de fepulchre, ou d'appui ;
Et releve fa chûte, ou trébuche fous lui.

C'eft de quoi, mes amis, nous avons à réfoudre,
Il apporte en ces lieux les palmes, ou la foudre,
S'il couronna le pere, il hazarde le fils;
Et nous l'ayant donnée il expofe Memphis.
Il faut le recevoir, ou hâter fon fupplice,
Le fuivre, ou le pouffer dedans le précipice;
L'un me femble peu fûr, l'autre peu généreux,
Et je crains d'être injufte, & d'être malheureux;
Quoi que je faffe enfin, la fortune ennemie
M'offre bien des périls, ou beaucoup d'infamie.
C'est à moi de choifir, c'est à vous d'aviser
A quel choix vos confeils me doivent disposer,
Il s'agit de Pompée, & nous aurons la gloire
D'achever de Céfar, ou troubler la victoire ;
Et je puis dire enfin que jamais potentat
N'eut à délibérer d'un fi grand coup d'état.
PHOTI N.

Seigneur, quand par le fer les chofes font vuidées,
La juftice & le droit font de vaines idées ;
Et qui veut être jufte en de telles faifons,
Balance le pouvoir, & non pas
les raifons.

Voyez donc votre force, & regardez Pompée,
Sa fortune abattue, & fa valeur trompée.
Céfar n'eft pas le feul qu'il fuie en cet état,
Il fuit & le reproche, & les yeux du fénat,
Dont plus de la moitié piteusement étale
Une indigne curée aux vautours de Pharfale.
Il fuit Rome perdue, il fuit tous les Romains,
A qui par fa défaite il met les fers aux mains ;
Il fuit le défefpoir des peuples & des princes,
Qui vengeroient fur lui le fang de leurs provinces,
Leurs états & d'argent & d'hommes épuifés,
Leurs trônes mis en cendre, & leurs fcéptres brifés ;
Auteur des maux de tous, il est à tous en butte;
Et fuit le monde entier écrafé fous fa chûte.
Le défendrez-v
z-vous feul contre tant d'ennemis ?
L'efpoir de fon falut en lui feul étoit mis,
Lui-feul pouvoit pour foi, cédez alors qu'il tombe,
Soutiendrez-vous un faix fous qui Rome fuccombe,
Sous qui tout l'univers fe trouve foudroyé,
Sous qui le grand Pompée a lui-même ployé ?
Quand on veut foutenir ceux que le fort accable,
A force d'être jufte on eft fouvent coupable;
Et la fidélité qu'on garde imprudemment,
Après un peu d'éclat, traîne un long châtiment,
Trouve un noble revers, dont les coups invincibles,
Pour être glorieux, ne font pas moins fenfibles.
Seigneur, n'attirez point le tonnerre en ces lieux,
Rangez vous du parti des destins, & des dieux,
Et, fans les accufer d'injuftice, ou d'outrage,
Puifqu'ils font les heureux, adorez leur ouvrage,
Quels que foient leurs décrets, déclarez-vous pour eux,
Et pour leur obéir, perdez le malheureux.
Preffé de toutes parts des coléres céleftes

Il en vient deffus vous faire fondre les reftes;
Et fa tête qu'à peine il a pû dérober,
Toute prête de choir, cherche avec qui tomber.
Sa retraite chez vous en effet n'eft qu'un crime,
Elle marque fa haine, & non pas fon eftime,
11 ne vient que vous perdre en venant prendre port;

Et

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