SCENE V. FELIX, PAULINE, ALBIN. PE PAULIN E. Ere barbare, acheve, acheve ton ouvrage, Cette feconde hoftie eft digne de ta rage, Joins ta fille à ton gendre, ofe, que tardes-tu? Tu vois le même crime, ou la même vertu, Ta barbarie en elle a les mêmes matieres. Mon époux en mourant m'a laiffé fes lumieres, Son fang dont tes bourreaux viennent de me couvrir M'a déffillé les yeux, & me les vient d'ouvrir. Je voi, je fai, je croi, je fuis défabusée, De ce bienheureux fang tu me vois batifée ; Je fuis chrétienne enfin, n'est-ce point affez dit? Conferve, en me perdant, ton rang & ton crédit, Redoute l'empereur, appréhende Sévére; Si tu ne veux périr ma perte eft néceffaire. Polyeucte m'appelle à cet heureux trépas, Je vois Néarque & lui qui me tendent les bras. Méne, méne moi voir tes dieux que je déteste, Ils n'en ont brifé qu'un, je briférai le reste, On m'y verra braver tout ce que vous craignez, Ces foudres impuiffans qu'en leurs mains vous pei- . gnez; Et faintement rebelle aux loix de la naiffance, SCENE SCENE DERNIERE. SEVERE, FELIX, PAULINE, P ALBIN, FABIAN. SEVERE. Ere dénaturé, malheureux politique, Que qui peut bien vous perdre eût pû vous protéger. Par de telles horreurs montrez leur votre zèle, Arrêtez vous, Seigneur, & d'une ame apaifée A a Son Son amour épandu fur toute la famille Qu'heureusement enfin je retrouve mon pere! Ma fille, il n'appartient qu'à la main qui le fait. Qui ne feroit touché d'un fi tendre spectacle! Gardez votre pouvoir, reprenez-en la marque, Par cette injufte haine il fe fait trop d'outrage. Daigne le ciel en vous achever fon ouvrage ; Et, Et, pour vous rendre un jour ce que vous méritez, Nous autres, béniffons notre heureuse avanture, 280 JUGEMENT fur la TRAGEDIE de POLYEUCTE MARTYR. Uelque heureux fuccès qu'ait eû cette Tragédie pour Mr. Corneille, elle n'a cependant pas échapé la cenfure des Auteurs graves par rapport, aux libertez qu'il a prifes de faire monter les faints fur fon theatre, & pour y avoir corrompu les vertus chrétiennes. Il avoue lui-même qu'il s'y est donné la licence de changer l'hiftoire en quelque chofe & d'y mêler des Epifodes d'invention, mais il prétend pouvoir justifier fa conduite, fous pretexte que fon fujet n'eft pris que de l'hiftoire é'cclefiaftique, qui ne peut etre que l'objet d'une croyance pieufe. Au refte, le fiyle n'en est pas fi fort ni fi majeftueux que celui de Cinna, mais il a quelque chofe de plus touchant, & les tendreffes de l'amour humain y font un fi agréable mélange avec la fermeté du divin (eft le langage de l'auteur,) que fa representation a fatisfait tout enfemble les Devots (à la mode) & les gens du monde. Mr. Corneille ajoute qu'à fon gré il n'a point fait de pièce où l'ordre du théatre foit plus beau & l'enchaînement des fcènes mieux ménagé. L'unité d'Action, celle de Jour, & celle de Lieu, y ont toute la jufteffe requife. |