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POLYE UCTE.

O préfence, ô combat que fur tout j'appréhende !
Félix, dans la prison j'ai triomphé de toi,

J'ai ri de ta menace, & t'ai vû fans effroi,
Tu prens pour t'en venger de plus puiffantes armes ;
Je craignois beaucoup moins tes boureaux que fes larmes.
Seigneur, qui vois ici les périls que je cours,

En ce preffant befoin redouble ton fecours.
Et toi, qui tout fortant encor de la victoire
Regardes mes travaux du féjour de la gloire,
Cher Néarque, pour vaincre un fi fort ennemi,
Prête du haut du ciel la main à ton ami.

Gardes, oferiez-vous me rendre un bon office?
Non, pour me dérober aux rigueurs du fupplice,
Ce n'eft pas mon deffein qu'on me faffe évader;
Mais, comme il fuffira de trois à me garder,
L'autre m'obligeroit d'aller querir Sévére;
Je croi que fans péril on peut me fatisfaire,
Si j'avois pû lui dire un fecret important,
Il vivroit plus heureux; & je mourrois content.
CLEON.

Si vous me l'ordonnez, j'y cours en diligence.

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1

POLYE UCTE.

Sévére à mon défaut fera ta récompense.

Va, ne perds point de tems; & reviens promtement.
CLEON.

Je ferai de retour, Seigneur, dans un moment.

SCENE II.

POLYE UCT E.

Les gardes fe retirent aux côtés du théaire.

Ource délicieufe en mifere féconde,

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Que voulez-vous de moi, flatteufes voluptés?
Honteux attachemens de la chair & du monde,
Que ne me quittez-vous quand je vous ai quittez ?
Allez, honneurs, plaifirs, qui me livrez la guerre,
Toute votre félicité
Sujette à l'inftabilité

En moins de rien tombe par terre;
Et comme elle a l'éclat du verre,
Elle en a la fragilité.

Ainfi, n'efpérez pas qu'après vous je foupire,
Vous étalez en vain vos charmes impuiffans,

Vous me montrez en vain par tout ce vafte empire
Les ennemis de Dieu pompeux & floriflans

Il étale à fon tour des revers équitables

;

Par qui les grands font confondus;
Et les glaives qu'il tient pendus
Sur les plus fortunés coupables,
Sont d'autant plus inévitables,
Que leurs coups font moins attendus.

Tigre altéré de fang, Décie impitoyable,
Ce Dieu t'a trop long-tems abandonné les fiens,
De ton heureux destin voi la fuite effroyable,

Le

Le Scythe va venger la Perfe & les chrétiens.
Encore un peu plus outre, & ton heure eft venue,
Rien ne t'en fauroit garantir;

Et la foudre qui va partir,
Toute prête à crever la nue,
Ne peut plus être retenue
Par l'attente du repentir.

Que cependant Félix m'immole à ta colere, Qu'un rival plus puiffant éblouiffe fes yeux, Qu'aux dépens de ma vie il s'en faffe beau-pere ; Et qu'à titre d'efclave il commande en ces lieux : Je confens, ou plûtôt j'aspire à ma ruine,

Monde, pour moi tu n'as plus rien,

Je porte en un cœur tout chrétien
Une flamme toute divine;

Et je ne regarde Pauline

Que comme un obstacle à mon bien.

Saintes douceurs du ciel, adorables idées,
Vous rempliffez un cœur qui vous peut recevoir,
De vos facrés attraits les ames poffédées,
Ne conçoivent plus rien qui les puiffe émouvoir.
Vous promettez beaucoup, & donnez davantage,
Vos biens ne font point inconftans,
Et l'heureux trépas que j'attens
Ne vous fert que d'un doux paffage
Pour nous introduire au partage

Qui nous rend à jamais contens..

C'est vous, ô feu divin, que rien ne peut éteindre, Qui m'allez faire voir Pauline fans la craindre. Je la voi, mais mon cœur d'un faint zèle enflammé, N'en goûte plus l'appas dont il étoit charmé ; Et mes yeux éclairés des céleftes lumieres

Ne trouvent plus aux fiens leurs graces coutumieres.

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SCENE III.

POLYEUCTE, PAULINE.

MA

Gardes.

POLYE UCTE.

Adame, quel deffein vous fait me demander ?
Eft-ce pour me combattre, ou pour me feconder,
Cet effort généreux de votre amour parfaite

Vient-il à mon fecours? Vient-il à ma défaite ?
Apportez vous ici la haine, ou l'amitié,
Comme mon ennemie, ou ma chere moitié ?
PAULIN E.

Vous n'avez point ici d'ennemis que vous-même,
Seul vous vous haiffez, lorfque chacun vous aime,
Seul vous exécutez tout ce que j'ai rêvé ;
Ne veuilliez pas vous perdre, & vous étes fauvé.
A quelque extrémité que votre crime paffe,
Vous étes innocent, fi vous vous faites grace.
Daignez confidérer le fang dont vous fortez,
Vos grandes actions, vos rares qualités;
Chéri de tout le peuple, eftimé chez le prince,
Gendre du gouverneur de toute la province;
Je ne vous compte à rien le nom de mon époux,
C'eft un bonheur pour moi, qui n'est pas grand pour

vous;

Mais après vos exploits, après votre naiffance,
Après votre pouvoir, voyez notre espérance;
Et n'abandonnez pas à la main d'un bourreau
Ce qu'à nos juftes vœux promet un fort fi beau.
POLYE UCTE.
Je confidére plus, je fai mes avantages;
Et l'efpoir que fur eux forment les grands courages.
Ils n'afpirent enfin qu'à des biens paffagers,
Que troublent les foucis, que fuivent les dangers,
La mort nous les ravit, la fortune s'en joue,

Aujourd'hui

Aujourd'hui dans le trône, & demain dans la boue,
Et leur plus haut éclat fait tant de mécontens,
Que peu de vos Céfars en ont joui long-tems.

J'ai de l'ambition, mais plus noble & plus belle,
Cette grandeur périt, j'en veux une immortelle,
Un bonheur affuré, fans mesure & fans fin,
Au deffus de l'envie, au deffus du deftin.
Eft-ce trop l'acheter que d'une triste vie,
Qui tantôt, qui foudain me peut être ravie,
Qui ne me fait jouir que d'un instant qui fuit;
3 Et ne peut m'affurer de celui qui le fuit ?
PAULIN E.

Voilà de vos chrétiens les ridicules fonges,

Voilà jufqu'à quel point vous charment leurs men-
fonges,

Tout votre fang eft peu pour un bonheur fi doux ;
Mais pour en difpofer ce fang eft-il à vous ?
Vous n'avez pas la vie ainfi qu'un héritage,

Le jour qui vous la donne en même temps l'engage,
Vous la devez au prince, au public, à l'état.
POLYE UCTE.

Je la voudrois pour eux perdre dans un combat,
Je fai quel en eft l'heur, & quelle en eft la gloire ;;
Des ayeux de Décie on vante la mémoire,
Et ce nom précieux encore à vos Romains,

Au bout de fix cens ans lui met l'empire aux mains.
Je dois ma vie au peuple, au prince, à fa couronne ;;
Mais je la dois bien plus au Dieu qui me la donne :
Si mourir pour fon prince eft un illuftre fort,
Quand on meurt pour fon Dieu, quelle fera la mort ?
PAULIN E.

Quel Dieu !

POLYE UCTE.

Tout beau, Pauline, il entend vos paroles,

Et ce n'eft pas un Dieu comme vos dieux frivoles,
Infenfibles & fourds, impuiffans, mutilés,

De bois, de marbre, ou d'or, comme vous les voulez..
C'eft le Dieu des chrétiens, c'eft le mien, c'est le vôtre ;;
Et la terre & le ciel n'en connoiffent point d'autre.

Y 3

PAU

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