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Comme encor toute entiére, elle agit pleinement;
Et tout femble poffible à fon feu véhément.
Mais cette même grace en moi diminuée,
Et par mille péchés fans ceffe exténuée,
Agit aux grands effets avec tant de langueur,
Que tout femble impoffible à fon peu de vigueur.
Cette indigne moleffe & ces lâches défenses
Sont des punitions qu'attirent mes offenses ;
Mais Dieu, dont on ne doit jamais se défier,
Me donne votre exemple à me fortifier.

Allons, cher Polyeucte, allons aux yeux des hommes,
Braver l'idolatrie, & montrer qui nous fommes.
Puiffai-je vous donner l'exemple de fouffrir,
Comme vous me donnez celui de vous offrir.
POLYE UC TE.

A cet heureux transport que le ciel vous envoie,
Je reconnois Néarque, & j'en pleure de joie.
Ne perdons plus de temps, le facrifice eft prêt,
Allons-y du vrai Dieu foutenir l'intérêt,
Allons fouler aux pieds ce foudre ridicule
Dont arme un bois pourri ce peuple trop crédule,
Allons en éclairer l'aveuglement fatal,

Allons brifer ces dieux de pierre & de métal ;
Abandonnons nos jours à cette ardeur céleste,
Faifons triompher Dieu, qu'il difpofe du refte.
NEARQ Ù E.

Allons faire éclater fa gloire aux yeux de tous;
Et répondre avec zèle à ce qu'il veut de nous.

Fin du fecond acte.

ACTE

ACTE III.

SCENE PREMIERE.

Ο

PAULIN E.

Ue de foucis flottans! Que de confus nuages
Présentent à mes yeux d'inconftantes images !
Douce tranquillité que je n'ofe efpérer,

Que ton divin rayon tarde à les éclairer !
Mille agitations que mes troubles produisent
Dans mon cœur ébranlé tour à tour se détruisent,
Aucun espoir n'y coule où j'ofe persister,
Aucun effroi n'y régne où j'ofe m'arrêter.
Mon efprit embraffant tout ce qu'il s'imagine
Voit tantôt mon bonheur, & tantôt ma ruine;
Et fuit leur vaine idée avec fi peu d'effet,
Qu'il ne peut espérer, ni craindre tout-à-fait.
Sévére inceffamment brouille ma fantaisie,
J'efpére en fa vertu, je crains fa jaloufie;
Et je n'ofe penfer que d'un œil bien égal
Polyeucte en ces lieux puiffe voir fon rival.
Comme entre deux rivaux la haine est naturelle,
L'entrevûe aisément se termine en querelle,
L'un voit aux mains d'autrui ce qu'il croit mériter,
L'autre un défefpéré qui peut tout attenter,
Quelque haute raifon qui régle leur courage,
L'un conçoit de l'envie, & l'autre de l'ombrage;
La honte d'un affront que chacun d'eux croit voir,
Ou de nouveau reçûe, ou prête à recevoir,
Confumant dès l'abord toute leur patience,
Forme de la colere, & de la défiance
Et faififfant enfemble, & l'époux, & l'amant,
En dépit d'eux les livre à leur reffentiment.
Mais que je me figure une étrange chimére,
Et que je traite mal Polyeucte & Sévére,

Comme

Comme fi la vertu de ces fameux rivaux

Ne pouvoit s'affranchir de ces communs défauts !
Leurs ames à tous d'eux d'elles mêmes maitresses
Sont d'un ordre trop haut pour de telles baffeffes,
Ils fe verront au temple en hommes généreux;
Mais, las! ils fe verront, & c'eft beaucoup pour eux.
Que fert à mon époux d'être dans Mélitene,

Si contre lui Sévére arme l'aigle Romaine,
Si mon pere y commande, & craint ce favori,
Et fe repent déja du choix de mon mari ?
Si peu que j'ai d'efpoir ne luit qu'avec contrainte,
En naiffant il avorte, & fait place à la crainte,
Ce qui doit l'affermir fert à le diffiper;
Dieux, faites que ma peur puiffe enfin se tromper.
Mais fachons-en l'iffue.

SCENE II.

PAULINE, STRATONICE.

PAULINE.

HE

E bien, ma Stratonice,

Comment s'eft terminé ce pompeux facrifice ?
Ces rivaux généreux au temple fe font vûs ?

Ah! Pauline.

STRATONICE.

PAULIN E.

Mes væus ont-ils été déçûs ?

J'en voi fur ton vifage une mauvaise marque.

Se font-ils querellés?

STRATONICE.

Les chrétiens

...

Polyeucte, Néarque,

PAULINE.

Parle donc, les chrétiens?

STRA

STRATONICE.

PAULIN E.

Tu prépares mon ame à d'étranges ennuis.
STRATONICE.

Je ne puis.

Vous n'en fauriez avoir une plus juste cause.
PAULINE.

L'ont-ils affaffiné ?

STRATONICE.
Ce feroit peu de chofe,

Tout votre fonge eft vrai, Polyeucte n'est plus...

Il est mort!

PAULIN E.

STRATONICE.

Non, il vit, mais, ô pleurs fuperflus! Ce courage fi grand, cette ame fi divine, N'eft plus digne du jour, ni digne de Pauline. Ce n'est plus cet époux fi charmant à vos yeux, C'est l'ennemi commun de l'état & des dieux, Un méchant, un infame, un rebelle, un perfide, Un traître, un fcélérat, un lâche, un parricide, Une pefte exécrable à tous les gens de bien, Un facrilege impie, en un mot un chrétien. PAULIN E. Ce mot auroit fuffi fans ce torrent d'injures. STRATONIČE.

Ces tîtres aux chrétiens font-ce des impostures?

PAULINE.

Il eft ce que tu dis, s'il embraffe leur foi,
Mais il eft mon époux, & tu parles à moi.
STRATONICE.
Ne confidérez plus que le Dieu qu'il adore.
PAULINE.

Je l'aimai par devoir, ce devoir dure encore.
STRATONICE.

Il vous donne à préfent fujet de le haïr,
Qui trahit tous nos dieux auroit pû vous trahir.
PAULINE.

Je l'aimerois encor quand il m'auroit trahie,

Et, fi de tant d'amour tu peux être ébahie,
Apprens que mon devoir ne dépend point du fien,
Qu'il y manque, s'il veut, je dois faire le mien.
Quoi? S'il aimoit ailleurs, ferois je dispensée
A fuivre à fon exemple une ardeur insensée ?
Quelque chrétien qu'il foit, je n'en ai point d'horreur,
Je chéris fa perfonne, & je hais fon erreur.
Mais quel reflentiment en témoigne mon pere?
STRATONICE.

Une fecrette rage, un excès de colere,
Malgré qui toutefois un refte d'amitié
Montre pour Polyeucte encor quelque pitié ;
Il ne veut point fur lui faire agir fa juftice,
Que du traître Néarque il n'ait vû le fupplice.
PAULIN E.

Quoi! Néarque en est donc ?

STRATONICE.
Néarque l'a féduit,
De leur vieille amitié c'eft-là l'indigne fruit.
Ce perfide tantôt, en dépit de lui-même,
L'arrachant de vos bras le traînoit au batême.
Voilà ce grand fecret, & fi mystérieux,
Que n'en pouvoit tirer votre amour curieux.
PAULIN E.
Tu me blâmois alors d'être trop importune.
STRATONICE.
Je ne prévoyois pas une telle infortune.

PAULINE.

Avant qu'abandonner mon ame à mes douleurs,
Il me faut effayer la force de mes pleurs,
En qualité de femme, ou de fille, j'efpére
Qu'ils vaincront un époux, ou fléchiront un pere;
Que fi fur l'un & l'autre ils manquent de pouvoir,
Je ne prendrai confeil que de mon défespoir.
Apprens-moi cependant ce qu'ils ont fait au temple.
STRATONICE.

C'est une impiété qui n'eut jamais d'exemple,
Je ne puis y penfer fans frémir à l'inftant;

Et

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