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PAULINE.

Malgré fa retenue

Polyeucte fanglant frappe toujours ma vûe.
STRATONICE.

Vous voyez ce rival faire des vœux pour lui.
PAULIN Ē.

Je croi même au befoin qu'il feroit son appui ;
Mais, foit cette croyance, ou fauffe, ou véritable,
Son fejour en ce lieu m'eft toujours redoutable;
A quoi que fa vertu puiffe le disposer,
Il est puissant, il m'aime, & vient pour m'épouser.

SCENE IV.

POLYE UCTE, NEAR QUE, PAULINE, STRATONICE.

POLYE UCTE.

'Eft trop verfer de pleurs, il eft tems qu'ils tariffent,

vos

Malgré les faux avis par vos dieux envoyés,
Je fuis vivant, Madame, & vous me revoyez.
PAULIN E.

Le jour eft encor long, & ce qui plus m'effraie,
La moitié de l'avis fe trouve déja vraie.

J'ai crû Sévére mort, & je le vois ici.

POLYE UCTE.
Je le fai, mais enfin j'en prens peu de fouci.
Je fuis dans Mélitene, & quel que foit Sévére,
Votre pere y commande, & l'on m'y confidére;
Et je ne pense pas qu'on puiffe avec raison
D'un cœur tel que le fien craindre une trahison.
On m'avoit affuré qu'il vous faifoit visite,
Et je venois lui rendre un honneur qu'il mérite,
PAULIN E.
Il vient de me quitter affez triste & confus,
Mais j'ai gagné fur lui qu'il ne me verra plus.

U 3

PO

POLYE UCTE.

Quoi! Vous me foupçonnez déja de quelque om

brage!

PAULIN E.

Je ferois à tous trois un trop fenfible outrage.
J'affure mon repos que troublent fes regards.
La vertu la plus ferme évite les hazards,
Qui s'expofe au péril veut bien trouver fa perte,
Et, pour vous en parler avec une ame ouverte,
Depuis qu'un vrai mérite a pû nous enflammer,
Sa présence toujours a droit de nous charmer.
Outre qu'on doit rougir de s'en laiffer furprendre,
On fouffre à réfifter, on fouffre à s'en défendre ;
Et, bien que la vertu triomphe de ces feux,
La victoire eft pénible, & le combat honteux.
POLYE UCTE.

O vertu trop parfaite, & devoir trop fincere !
Que vous devez coûter de regrets à Sévére!
Qu'aux dépens d'un beau feu vous me rendez heureux,
Et que vous êtes doux à mon cœur amoureux !
Plus je vois mes défauts, & plus je vous contemple,
Plus j'admire..

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Seigneur, Félix vous mande au temple,

La victime est choifie, & le peuple à genoux; pour facrifier on n'attend plus que vous.

Et

POLYE UCTE.

Va, nous allons te fuivre. Y venez-vous, Madame?

PAU

PAULIN E.

Sévére craint ma vûe, elle irrite fa flamme,
Je lui tiendrai parole ; & ne veux plus le voir.
Adieu. Vous l'y verrez, penfez à fon pouvoir,
Et reffouvenez-vous que fa faveur eft grande.
POLYE UCTE.
Allez, tout fon crédit n'a rien que j'appréhende,
Et comme je connois fa générofité,
Nous ne nous combattrons que de civilité.

SCENE VI.

POLYE UCTE, NEAR QUE.

NEAR QUE.

OU

U penfez-vous aller?

POLYE UCTE.

Au temple, où l'on m'appelle.

NEAR QUE.

Quoi? Vous mêler aux vœux d'une troupe infidéle ? Oubliez-vous déja que vous étes chrétien ?

POLYE UCTE.

Vous, par qui je le fuis vous en fouvient-il bien ?

NEAR QUE.

J'abhorre les faux dieux.

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Et mourir dans leur temple, ou les y terraffer.

UCTE.

Je les veux renverfer,

Allons,

Allons, mon cher Néarque, allons aux yeux des
hommes,

Braver l'idolatrie, & montrer qui nous fommes;
C'eft l'attente du ciel, il nous la faut remplir,
Je viens de le promettre, & je vais l'accomplir.
Je rens graces au Dieu que tu m'as fait connoître
De cette occafion qu'il a fi-tôt fait naître,

NEAR QUE.

Ce zèle eft trop ardent, fouffrez qu'il fe modere.
POLYE UČTE.

On n'en peut avoir trop pour le Dieu qu'on révere.
NE ARQU E.

Vous trouverez la mort.

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Il ne commande point que l'on s'y précipite.

POLYE UCTE.

Plus elle eft volontaire, & plus elle mérite.

NEAR QUE.

Il fuffit, fans chercher, d'attendre, & de fouffrir.

POLYE UCTE.

On fouffre avec regret, quand on n'ofe s'offrir.
NEAR QUE.

Mais dans ce temple enfin la mort est afsurée.
POLYE UCT E.

Mais dans le ciel déja la palme eft préparée.
NEAR QUE.

Par une fainte vie il faut la mériter.

POLYE UCTE.

Mes crimes en vivant me la pourroient ôter.
Pourquoi mettre au hazard ce que la mort affure ?
Quand elle ouvre le ciel peut-elle fembler dure?
Je fuis chrétien, Néarque, & le fuis tout-à-fait,
La foi que j'ai reçûe afpire à fon effet,

Qui fuit, croit lâchement, & n'a qu'une foi morte.
NEAR QUE.

Ménagez votre vie, à Dieu même elle importe,
Vivez pour protéger les chrétiens en ces lieux.
POLYE UCTE.

L'exemple de ma mort les fortifiera mieux.
NEARQUE.

Voulez-vous donc mourir ?

POLYE UCTE.

Vous aimez donc à vivre ?

NEAR QUE.

Je ne puis déguifer que j'ai peine à vous fuivre,
Sous l'horreur des tourmens je crains de fuccomber.
POLYE UCTE.

Qui marche affurément n'a point peur de tomber.
Dieu fait part au befoin de fa force infinie,
Qui craint de le nier, dans fon ame le nie,
Il croit le pouvoir faire, & doute de fa foi.
NEAR QUE.

Qui n'appréhende rien, préfume trop de foi.
POLYE UCTE.

J'attens tout de fa grace, & rien de ma foibleffe.
Mais, loin de me preffer, il faut que je vous preffe !
D'où vient cette froideur ?

NEAR QUE.

Dieu même a craint la mort.

POLYE UCT E.

Il s'eft offert pourtant, fuivons ce faint effort,
Dreffons lui des autels fur des monceaux d'idoles.
Il faut, je me fouviens encor de vos paroles,
Négliger pour lui plaire, & femme, & biens, & rang,
Expofer pour fa gloire, & verfer tout fon fang.
Hélas! Qu'avez-vous fait de cet amour parfaite
Que vous me fouhaitiez, & que je vous fouhaite ?
S'il vous en reste encor, n'étes-vous point jaloux
Qu'à grand peine chrétien, j'en montre plus que vous ?
NEAR QUE.

Vous fortez du batême, & ce qui vous anime

C'eft fa grace qu'en vous n'affoiblit aucun crime;

Comme

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