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Ton courage étoit bon, ton devoir l'a trahi.
Que ta rébellion m'eût été favorable!
Qu'elle m'eût garanti d'un état déplorable!
Si quelque efpoir me refte, il n'eft plus aujourd'hui
Qu'en l'abfolu pouvoir qu'il te donnoit fur lui:
Ménage en ma faveur l'amour qui le poffède ?
Et d'où provient mon mal fais fortir le reméde.
PAULIN E.

Moi! Moi, que je revoie un fi puissant vainqueur,
Et m'expofe à des yeux qui me percent le cœur !
Mon pere, je fuis femme, & je fai ma foibleffe,
Je fens déja mon cœur qui pour lui s'intéreffe;
Et pouffera fans doute, en dépit de ma foi,
Quelque foupir indigne, & de vous, & de moi,
Je ne le verrai point.

FELIX.

Raffure un peu ton ame.

PAULINE.

Il est toujours aimable, & je fuis toujours femme,
Dans le pouvoir fur moi que ses regards ont eu,
Je n'ofe m'affurer de toute ma vertu,

Je ne le verrai point.

FELIX.

Il faut le voir, ma fille,

Ou tu trahis ton pere, & toute ta famille.

PAULIN E.

C'est à moi d'obéïr puisque vous commandez;
Mais voyez les périls où vous me hazardez.

FELIX.

Ta vertu m'eft connue.

PAULIN E.

Elle vaincra fans doute,

Ce n'eft pas le fuccès que mon ame redoute:

Je crains ce dur combat, & ces troubles puissans
Que fait déja chez moi la révolte des fens.
Mais puifqu'il faut combattre un ennemi que j'aime,
Souffrez que je me puiffe armer contre moi-même ;
Et qu'un peu de loifir me prépare à le voir.

FELIX.

Jufqu'au devant des murs je vais le recevoir.
Rapelle cependant tes forces étonnées ;
Et fonge qu'en tes mains tu tiens nos destinées.
PAULIN E.

Oui, je vais de nouveau domter mes fentimens,
Pour fervir de victime à vos commandemens.

Fin du premier acte.

ACTE

ACTE II.

SCENE PREMIERE.

SEVERE, FABIAN.

SEVER E. Ependant que Félix donne ordre au facrifice, Pourrai-je prendre un temps à mes vœux fi propice, Pourrai-je voir Pauline, & rendre à fes beaux yeux L'hommage fouverain que l'on va rendre aux dieux ? Je ne t'ai point célé que c'eft ce qui m'améne, Le refte eft un prétexte à foulager ma peine, Je viens facrifier, mais c'eft à fes beautés Que je viens immoler toutes mes volontés. FABIAN.

Vous la verrez, Seigneur.

SEVER E.

Ah, quel comble de joie !
Cette chere beauté confent que je la voie!
Mais ai-je fur fon ame encor quelque pouvoir ?.
Quelque refte d'amour s'y fait-il encor voir ?
Quel trouble, quel transport lui caufe ma venue ?
Puis-je tout efpérer de cette heureufe vûe?
Car je voudrois mourir plûtôt que d'abuser
Des lettres de faveur que j'ai pour l'époufer;
Elles font pour Felix, non pour triompher d'elle,
Jamais à fes defirs mon cœur ne fut rebelle;
Et fi mon mauvais fort avoit changé le fien,
Je me vaincrois moi même, & ne prétendrois rien.
FABIA N.

Vous la verrez, c'est tout ce que je vous puis dire.
SEVER E.

D'où vient que tu fremis, & que ton cœur foupire?
Ne m'aime-t-elle plus ? Eclaircis-moi ce point.

FABIAN.

FABIA N.

M'en croirez-vous, Seigneur? Ne la revoyez point;
Portez en lieu plus haut l'honneur de vos careffes.
Vous trouverez à Rome affez d'autres maitreffes;
Et dans ce haut degré de puiffance & d'honneur
Les plus grands y tiendront votre amour à bonheur.
SEVER E.

Qu'à des penfers fi bas mon ame fe ravale!
Que je tienne Pauline à mon fort inégale!
Elle en a mieux ufé, je la dois imiter,
Je n'aime mon bonheur que pour la mériter.
Voyons-la, Fabian, ton difcours m'importune,
Allons mettre à fes piés cette haute fortune,
Je l'ai dans les combats trouvée heureusement
En cherchant une mort digne de fon amant.
Ainfi ce rang eft fien, cette faveur eft fienne;
Et je n'ai rien enfin que d'elle je ne tienne.
FABIA N.

Non, mais encore un coup ne la revoyez point.
SEVER E.

Ah! C'en eft trop, enfin éclairci-moi ce point.
As-tu vû des froideurs quand tu l'en as priée ?
FABIA N.

Je tremble à vous le dire, elle est...

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SEVERE.

Soutiens-moi, Fabian, ce coup de foudre eft grand; Et frappe d'autant plus que plus il me furprend.

FABIA N.

Seigneur, qu'eft devenu ce généreux courage?
SEVER E.

La conftance eft ici d'un difficile ufage,
De pareils déplaifirs accablent un grand cœur,
La vertu la plus mâle en perd toute vigueur;
Et quand d'un feu fi beau les ames font éprises,
La mort les trouble moins que de telles furprises.

Je

Je ne fuis plus à moi quand j'entens ce difcours.

Pauline eft mariée !

FABIAN.

Oui, depuis quinze jours,

Polyeucte, un feigneur des premiers d'Arménie,
Goûte de fon hymen la douceur infinie.
SEVER E.

Je ne la puis du moins blâmer d'un mauvais choix,
Polyeucte a du nom, & fort du fang des rois.
Foibles foulagemens d'un malheur fans reméde!
Pauline, je verrai qu'un autre vous poffede!

O ciel! qui malgré moi me renvoyez au jour,
O fort! qui redonniez l'espoir à mon amour,
Reprenez la faveur que vous m'avez prêtée ;
Et rendez-moi la mort que vous m'avez ôtée.
Voyons la toutefois, & dans ce triste lieu
Achevons de mourir en lui difant adieu;

Que mon cœur chez les morts emportant fon image
De fon dernier foupir puiffe lui faire hommage.

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Et ce n'eft pas un mal que je veuille guérir.
Je ne veux que la voir, foupirer, & mourir.
FABIAN.

Vous vous échapperez fans doute en fa présence.
Un amant qui perd tout n'a plus de complaifance,
Dans un tel entretien il fuit fa paffion;
Et ne pouffe qu'injure & qu'imprécation.

SEVERE.

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