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LE COM TE.

Je ne vous en croirai qu'après l'expérience.

D. ARI A S.

Vous devez redouter la puiffance d'un roi.
LE COM TE.

Un jour feul ne perd pas un homme tel que moi.
Que toute fa grandeur s'arme pour mon fupplice,
Tout l'état périra, s'il faut que je périffe.
D. ARIA S.

Quoi? Vous craignez fi peu le pouvoir fouverain. ...
LE COMTE.

D'un fcéptre qui fans moi tomberoit de fa main.
Il a trop d'intérêt lui-même en ma personne;
Et ma tête en tombant feroit choir fa couronne.
D. ARI A S.

Souffrez que la raison remette vos efprits.

Prenez un bon confeil.

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Que je ne puis du tout confentir à ma honte.

D. ARIA S.

Mais fongez que les rois veulent être abfolus.
LE COMT E.

Le fort en eft jetté, Monfieur, n'en parlons plus.
D. ARIA S.

Adieu donc, puifqu'en vain je tâche à vous réfoudre.
Avec tous vos lauriers craignez encor la foudre.

LE COMTE.

Je l'attendrai fans peur.

D. ARI A S.

Mais non pas fans effet.

LE COM TE.

Nous verrons donc par-là Don` Diégue fatisfait.

[feul.]

Qui ne craint point la mort, ne craint point les menaces, J'ai le cœur au deffus des plus fiéres difgraces,

Et

Et l'on peut me réduire à vivre fans bonheur,
Mais non pas me réfoudre à vivre fans honneur.

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D. RODRIGUE, LE COMTE.

D. RODRIGUE.

A Moi, Comte, deux mots.

LE COM TE.

Parle.

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Parlons bas; écoute.

Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu,

La vaillance & l'honneur de fon temps? Le fais-tu ? LE COM TE.

Peut-être.

Sais-tu que

D. RODRIGUE.

Cette ardeur que dans les yeux je porte, c'eft fon fang? Le fais-tu ?

LE COMTE.

Que m'importe ?

D. RODRIGUE.

A quatre pas d'ici je te le fais favoir.

LE COMTE.

Jeune préfomptueux.

D. RODRIGUE.

Parle fans t'émouvoir.

Je fuis jeune, il eft vrai, mais aux ames bien nées
La valeur n'attend pas le nombre des années.

LE

LE COM TE.

Te mesurer à moi! Qui t'a rendu fi vain ?
Toi, qu'on n'a jamais vû les armes à la main?
D. RODRIGUE.

Mes pareils à deux fois ne fe font point connoître,
Et pour leur coup d'effai veulent des coups de maître.
LE COM TE.

Sais-tu bien qui je fuis?

D. RODRIGUE.

Oui, tout autre que moi
Au feul bruit de ton nom pourroit trembler d'effroi.
Les palmes dont je vois ta tête fi couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte;
J'attaque en téméraire un bras toujours vainqueur;
Mais j'aurai trop de force ayant affez de cœur.
A qui venge fon pere il n'eft rien d'impoffible,
Ton bras eft invaincu, mais non pas invincible.
LE COM TE.

;

Ce grand cœur, qui paroît aux difcours que tu tiens,
Par tes yeux chaque jour fe découvroit aux miens
Et croyant voir en toi l'honneur de la Caftille,
Mon ame avec plaifir te deftinoit ma fille.
Je fais ta paffion, & fuis ravi de voir

Que tous les mouvemens cédent à ton devoir,
Qu'ils n'ont point affoibli cette ardeur magnanime,
Que ta haute vertu répond à mon eftime;
Et que voulant pour gendre un cavalier parfait,
Je ne me trompois point au choix que j'avois fait.
Mais je fens que pour toi ma pitié s'intéreffe,
J'admire ton courage, & je plains ta jeunesse.
Ne cherche point à faire un coup d'effai fatal,
Dispense ma valeur d'un combat inégal;

Trop peu d'honneur pour moi fuivroit cette victoire,
A vaincre fans péril on triomphe fans gloire,
On te croiroit toujours abattu fans effort;
Et j'aurois feulement le regret de ta mort.
D. RODRIGUE.

D'une indigne pitié ton audace eft suivie :
Qui m'ose ôter l'honneur craint de m'ôter la vie?

LE

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Vien, tu fais ton devoir; & le fils dégénere
Qui furvit un moment à l'honneur de fon pere.

SCENE III.

L'INFANTE, CHIMENE,

A

LEONOR.

L'INFANTE.

Paife, ma Chiméne, apaife ta douleur,

Fais agir ta conftance en ce coup de malheur,
Tu reverras le calme après ce foible orage,
Ton bonheur n'eft couvert que d'un peu de nuage;
Et tu n'as rien perdu pour le voir différer.
CHIMEN E.
Mon cœur outré d'ennuis n'ofe rien espérer.
Un orage fi prompt, qui trouble une bonace,
D'un naufrage certain nous porte la menace,
Je n'en faurois douter, je peris dans le port.
J'aimois, j'étois aimée, & nos peres d'accord,
Et je vous en contois la premiére nouvelle
Au malheureux moment que naîffoit leur querelle,
Dont le récit fatal, fi-tôt qu'on vous l'a fait,
D'une fi douce attente a ruiné l'effet.

Maudite ambition, détestable manie,
Dont les plus généreux fouffrent la tyrannie,
Honneur impitoyable à mes plus chers défirs,

Que

Que tu me vas coûter de pleurs & de foupirs!
L'INFANTE.

Tu n'as dans leur querelle aucun fujet de craindre,
Un moment l'a fait naître, un moment va l'éteindre,
Elle a fait trop de bruit pour ne pas s'accorder,
Puifque déja le roi les veut accommoder;
Et tu fais que mon âme à tes ennuis fenfible,
Pour en tarir la fource, y fera l'impoffible.
CHIMENE.

Les accommodemens ne font rien en ce point,
De fi mortels affronts ne fe réparent point.
En vain on fait agir la force, ou la prudence,
Si l'on guérit le mal, ce n'eft qu'en apparence,
La haine que les cœurs confervent au dedans
Nourrit des feux cachés, mais d'autant plus ardens.
L'INFANTE.

Le faint noeud qui joindra D. Rodrigue & Chiméne
Des peres ennemis diffipera la haine;

Et nous verrons bien-tôt votre amour le plus fort
Par un heureux hymen étouffer ce discord.

CHIMENE,

Je le fouhaite ainfi plus que je ne l'efpere,
D. Diégue eft trop altier, & je connois mon pere.
Je fens couler des pleurs que je veux retenir,
Le paffé me tourmente, & je crains l'avenir.

L'INFANTE.

Que crains-tu? D'un vieillard l'impuiffante foibleffe?

CHIME NE.

Rodrigue a du courage.

L'INFANT E.

Il a trop de jeuneffe.
CHIMENE.

Les hommes valeureux le font du premier coup.
L'INFANTE,

Tu ne dois pas pourtant le redouter beaucoup,
Il est trop amoureux pour te vouloir déplaire;
Et deux mots de ta bouche arrêtent fa colere.

CHIMENE.

S'il ne m'obéit point, quel comble à mon ennui!

Et

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