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SCENE VIII.

D. DIEGUE, D. RODRIGUE.

D. DIE GUE.

Odrigue, as-tu du cœur?

R D. RODRIGUE.

L'éprouveroit fur l'heure.

Tout autre que mon pere

D. DIE GUE.

Agréable colere!
Digne reffentiment à ma douleur bien doux!
Je reconnois mon fang à ce noble courroux:
Ma jeuneffe revit en cette ardeur fi promte.

Vien, mon fils; vien, mon fang, vien réparer ma honte,
Vien me venger.

D. RODRIGUE

De quoi ?

D. DIE GUE

D'un affront fi cruel,

Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel,
D'un fouflet. L'infolent en eût perdu la vie,
Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ;
Et ce fer que mon bras ne peut plus foutenir,
Je le remets au tien pour venger & punir.
Va contre un arrogant éprouver ton courage,
Ce n'est que dans le fang qu'on lave un tel outrage.
Meurs, ou tue. Au furplus, pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter.
Je l'ai vu tout couvert de fang & de pouffiére
Porter par tout l'effroi dans une armée entière.
J'ai vû par fa valeur cent escadrons rompus;
Et pour t'en dire encor quelque chofe de plus,
Plus que brave foldat, plus que grand capitaine.
C'est...

B

D.

Le...

D. RODRIGUE.
De grace, achevez.

D. DIE GUE.

Le pere de Chimene.

D. RODRIGUE.

D. DIE GUE.

Ne replique point, je connois ton amour,
Mais qui peut vivre infame eft indigne du jour.
Plus l'offenfeur eft cher, & plus grande eft l'offense.
Enfin tu fais l'affront, & tu tiens la vengeance,
Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi,
Montre-toi digne fils d'un pere tel que

moi;

Accablé des malheurs où le deftin me range,

Je vais les déplorer. Va, cours, vole, & nous venge.

SCENE IX.

D. RODRIGUE, feul.

PEro

Ercé jufques au fond du cœur,
D'une atteinte imprévue auffi-bien que mortelle,
Miférable vengeur d'une jufte querelle,
Et malheureux objet d'une injufte rigueur,
Je demeure immobile, & mon ame abattue
Céde au coup qui me tue.

Si près de voir mon feu récompensé!
O Dieu! l'étrange peine!
En cet affront mon pere eft l'offensé,
Et l'offenfeur le pere de Chimene!
Que je fens de rudes combats!
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse,
Il faut venger un pere, & perdre une maîtreffe ;
L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras.
Réduit au trifte choix, ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infame,

Des

Des deux côtés mon mal eft infini.
O Dieu! l'étrange peine!

Faut-il laiffer un affront impuni?

Faut-il punir le pere de Chimene?

Pere, maîtreffe, honneur, amour,

Noble & dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaifirs font morts, ou ma gloire ternie;
L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.
Cher & cruel efpoir d'une ame génereuse,

Mais ensemble amoureuse,

Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer, qui caufe ma peine,

M'es-tu donné pour venger mon honneur?
M'es-tu donné pour perdre ma Chiméne?

Il vaut mieux courir au trépas;

Je dois à ma maîtreffe auffi-bien qu'à mon pere;
J'attire en me vengeant fa haine & fa colere,
J'attire fes mépris en ne me vengeant pas.
A mon plus doux espoir l'un me rend infidele,
Et l'autre, indigne d'elle.

Mon mal augmente à le vouloir guérir,
Tout redouble ma peine.

Allons, mon ame, & puifqu'il faut mourir,
Mourons du moins fans offenser Chimene.

Mourir fans tirer ma raison!

Rechercher un trépas fi mortel à ma gloire!
Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire
D'avoir mal foutenu l'honneur de ma maison ?
Respecter un amour dont mon ame égarée
Voit la perte affurée !

N'écoutons plus ce penfer fuborneur
Qui ne fert qu'à ma peine.

Allons, mon bras, fauvons du moins l'hon

neur,

Puifqu'après tout il faut perdre Chimene.

B 2

Oui,

Oui, mon efprit s'étoit déçû,

Je dois tout à mon pere avant qu'à ma maîtresse :
Que je meure au combat, ou meure de trifteffe,
Je rendrai mon fang pur, comme je l'ai reçû.
Je m'accufe déja de trop de négligence,

Courons à la vengeance;

Et tout honteux d'avoir tant balancé,
Ne foyons plus en peine,
Puifqu'aujourd'hui mon pere eft l'offensé,
Si l'offenfeur eft pere de Chiméne.

Fin du premier acte.

ACTE

ACTE II.

SCENE

PREMIERE.

D. ARIA S, LE COMTE.

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LE COMT E.

'E l'avoue entre nous, mon fang un peu trop chaud
S'eft trop ému d'un mot, & l'a porté trop haut;
Mais puifque c'en eft fait, le coup eft fans reméde.
D. ARIA S.

Qu'aux volontés du roi ce grand courage céde,
Il y prend grande part, & fon cœur irrité
Agira contre vous de pleine autorité.

Auffi vous n'avez point de valable défense;
Le rang de l'offensé, la grandeur de l'offense,
Demandent des devoirs, & des foumiffions,
Qui paffent le commun des fatisfactions.

LE COM TE.
Le roi peut à fon gré difpofer de ma vie.
D. ARIA S.

De trop d'emportement votre faute eft fuivie.
Le roi vous aime encore, apaifez fon courroux,
Il a dit, Je le veux. Défobéirez-vous ?

LE COMTE.

Monfieur, pour conferver tout ce que j'ai d'eftime,
Défobéir un peu n'est pas un fi grand crime;
Et, quelque grand qu'il foit, mes fervices préfens,
Pour le faire abolir, font plus que fuffifans.

D. ARIA S.

Quoi qu'on faffe d'illuftre & de confidérable,
Jamais à fon fujet un roi n'eft redevable :
Vous vous flattez beaucoup, & vous devez favoir
Que qui fert bien fon roi ne fait que fon devoir.
Vous vous perdrez, Monfieur, fur cette confiance..

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