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nent la corde, il ne peut cependant la surmonter, ni faire glisser la partie de la corde roulée autour du cylindre. Si l'on applique ensuite des hommes aux leviers E, F, G, H; et que ces hommes fassent tourner le cylindre, ils amènent la résistance; et, pendant ce temps-là, ceux qui tirent la partie C de la corde, la devident; de sorte qu'il n'en reste jamais sur le cylindre plus de tours qu'on ne lui en avoit d'abord fait faire; car un côté ne peut pas se rouler, que l'autre ne se déroule.

Il est aisé de voir que cette machine agit comme un levier sans fin du premier ou du second genre, à bras inégaux (Voyez LEVIER); et que le bras de la résistance est beaucoup plus court que celui de la puissance. Car le bras de levier par lequel agit la résistance, est le demi-diamètre ou le rayon du cylindre et le bras de levier par lequel agit la puissance, est ce même demi-diamètre ou rayon prolongé par un des leviers en croix E, F, G, H. Plus ces leviers seront longs, plus la puissance deviendra capable de vaincre une plus grande résistance; mais il lui faudra plus de temps, parce qu'elle aura un plus long chemin à parcourir. Supposons gk le diamètre du cylindre, dont le centre est en h (Pl. XVI, fig. 2), h g est le bras de levier par lequel agit la résistance G: Ph ou ph est le bras de levier par lequel agit la puissance Poup: si donc h g est à Ph ou ph, comme I est à 10, un effort de 100 en P ou p, pourra tenir en équilibre une résistance de 1000 en G.

Il y a ordinairement sur les vaisseaux deux sortes de Cabestans; savoir, un grand, qu'on nomme Cabestan double, et un petit, qui est le Cabestan ordinaire. Le Cabestan double est placé sur le premier pont, et s'élève jusqu'à quatre ou cinq pieds au-dessus du second pont. Il est destiné à produire les plus grands efforts, comme de lever l'ancre, etc. Le petit Cabestan est posé sur le second ou le troisième pont, entre le grand mât et le mât de misaine et il sert à hisser les mâts de hune et les grandes voiles.

Lorsque le cable auquel est attachée la résistance " est trop gros pour pouvoir être roulé sur le cylindre

du Cabestan, tel que celui qui sert à lever les ancres des gros vaisseaux, on se sert d'un cordage médiocrement gros, nommé tournevire, auquel on fait faire deux ou trois tours sur l'arbre du Cabestan, et dont on joint ensuite les deux bouts ensemble, de façon qu'un côté ne puisse se rouler, sans que l'autre se déroule. A ce tournevire, on attache, par le moyen de petites cordes, qu'on appelle garcettes, le gros cable qui tire l'ancre.

Il y a dans l'usage du Cabestan plusieurs inconvéniens qu'on n'a encore pu corriger, malgré toutes les peines qu'on a prises, et tous les savans qui s'en sont occupés. Si l'on se sert du tournevire, les garcettes, qui y tiennent le cable attaché, sont bientôt hors d'usage: il faut les défaire pour les remettre plus loin ce qui fait perdre un temps souvent très-précieux : mais le plus grand inconvénient est que le cordage, qui enveloppe et se devide sur le cylindre, descend à chaque tour, de tout son diamètre, et, par-là, arrive jusqu'au bout. Pour éviter qu'il ne se croise et qu'il ne s'embarrasse, il faut le rehausser : c'est ce qu'on appelle choquer : opération qui est d'autant plus fréquente que le cordage est plus gros et le cylindre plus court. Mais, à chaque fois qu'on choque, il faut arrêter le mouvement de la machine; prendre des bosses sur le cordage, pour empêcher que la résistance ne l'emporte; dévirer le Cabestan pour mollir la partie du cordage, qui est sur le cylindre; relever le cordage; le roidir de nouveau; et enfin ôter les bosses pour remettre le Cabestan en jeu. Tout cela demande beaucoup de temps et de travail.

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C'est pour tâcher de prévenir ces inconvéniens que l'Académie des Sciences de Paris proposa, pour le sujet du prix de 1739, de trouver un Cabestan qui eût les avantages de l'ancien, sans en avoir les défauts. N'ayant pas trouvé que dans les Mémoires qui lui furent envoyés, les conditions qu'elle avoit exigées, fussent suffisamment remplies, elle différa son jugement, et proposa le même sujet, pour l'année 1741, avec un prix de double valeur. La plupart des Mémoires qu'elle avoit reçus, lui furent renvoyés avec

des additions et des corrections; et elle en reçut de nouveaux. Parmi les uns et les autres, quatre furent couronnés, et trois furent imprimés sous le titre d'Accessit. Les quatre pièces couronnées sont, Discours sur le Cabestan, par Jean Bernoulli, le fils. Dissertation sur la meilleure construction du Cabestan, par un auteur qui est demeuré inconnu. De ergata navalis præstabiliore usu, dissertatio, autore Joanne Poleno, Mathematico professore Patavino, Regiæ Scient. Acad. Regiæque Soc. Londinensis Socio. Recherches sur la meilleure construction du Cabestan, par Ludot, écuyer, avocat en Parlement. Les trois pièces imprimées sous le titre d'Accessit sont: Mémoire sur le Cabestan, par de Pointis, officier des Galeres, correspondant de l'Académie des Sciences. Recueil de différentes expériences, essais et raisonnemens sur la meilleure construction du Cabestan, par rapport aux usages auxquels on l'applique dans un vaisseau , par Fenel chanoine de Sens. Cabestan à écrevisses, et Cabestan à bras, par Delorme, de l'Académie de Lyon. Mais l'Académie n'a pas cru devoir dissimuler que, parmi les Cabestans qui lui ont été présentés, pour sauver les inconvéniens de celui qui est en usage, elle n'en a trouvé aucun qui n'eût luimême des inconvéniens, et tels qu'ils pourroient bien balancer ses avantages. Mais elle a en même temps jugé qu'outre qu'on y a proposé des Cabestans nouveaux, ingénieusement imaginés, et utiles, au moins dans certains cas, on y a donné des théories qui peuvent conduire à perfectionner les manœuvres de l'ancien Cabestan. C'est ce qui l'a engagée à couronner les quatre pièces que nous venons d'indiquer, et à publier les trois autres.

Il est pourtant vrai qu'aucune de ces pièces n'a rempli le but principal qu'on s'étoit proposé, celui de faire disparoître l'inconvénient de choquer, qui est en effet, le plus grand de tous. J'ai oui dire que, pendant les travaux qu'on a faits à Cherbourg, on y avoit construit un Cabestan qui n'avoit point besoin de choquer; mais, quelqu'information que j'aie tenté de me procurer, je n'ai pas pu savoir en quoi con

sistoit son mécanisme.

Depuis ce temps-là on a présenté à l'Académie des Sciences, un Cabestan dont le cylindre étoit garni de roulettes qui, en tournant, faisoient remonter à la fois tous les tours du cordage. Mais ce moyen, dont, l'idée est d'ailleurs fort ingénieuse, produit un grand frottement, qui est toujours au dépens de la force motrice. Enfin en 1793, l'an Ier. de la République française, Cardinet, ingénieur - mécanicien, présenta, au bureau de consultation, un Cabestan dont la construction est plus simple, et qui approche du but un peu plus que les précédens.

Ce Cabestan est composé d'un cylindre principal semblable à celui des Cabestans ordinaires, et ensuite d'un cylindre subsidiaire, qui est placé en avant du premier, c'est-à-dire, du côté où est le fardeau que l'on tire. Ce second cylindre est de même diamètre que le premier, et en est séparé par des galets, dont l'axe, ainsi que celui du cylindre subsidiaire, est maintenu dans une coulisse pratiquée dans le bâti du Cabestan. La corde embrasse les deux cylindres, qui, par-là, se trouvent menés l'un par l'autre, au moyen de la pression que produit la corde. La gorge de chaque cylindre est terminée par deux bourlets, l'un inférieur et l'autre supérieur : l'inférieur est destiné à arrêter la corde lorsqu'on vire; et le supérieur à l'arrêter lorsqu'on dévire. La distance entre ces bourlets ou la longueur de la gorge est plus petite dans le cylindre subsidiaire que dans le cylindre principal, d'une quantité égale à deux fois le diamètre de la corde; et par conséquent le bourlet inférieur du cylindre principal se trouve plus bas, et le bourlet supérieur plus haut que ceux de l'autre cylindre, chacun d'une quantité égale au diamètre de la corde. C'est précisément cette construction qui fait que le Cabestan peut virer sans choquer. Car la corde venant de la masse qu'il s'agit de mouvoir, se roule d'abord sur la demi-circonférence du cylindre principal, en s'appuyant sur le bourlet inférieur de sa gorge; va de là, avec un petit degré d'obliquité, se placer sur le bourlet inférieur du cylindre subsidiaire. Tournant ensuite sur la demi-circonférence de ce cylindre, elle

revient horizontalement sur le cylindre principal d'où elle passe une seconde fois obliquement sur l'autre cylindre: et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'elle ait fait autant de tours qu'il est nécessaire, pour que la résistance de la masse à mouvoir ne puisse pas faire glisser la corde sur les cylindres. Faisant ensuite agir le Cabestan, on voit que la corde trouve toujours naturellement sa place sur la gorge inférieure du cylindre principal; et qu'ensuite, suivant la route que nous venons d'indiquer, tous les tours de la corde occupent toujours sensiblement les mêmes places sur les gorges des cylindres: on n'a donc point besoin de les déplacer pendant toute la durée de l'action du Cabestan. Si l'on vient ensuite à dévirer, c'est contre les bourlets supérieurs que s'arrête la corde : l'on n'a besoin pour cela d'aucune manœuvre particulière; il suffit de faire tourner le Cabestan en sens contraire de celui où il se mouvoit d'abord.

L'idée du cylindre subsidiaire n'est pas due à Cardinet: on la trouve dans deux des pièces, citées ci-dessus, qui ont partagé le prix de l'Académie des Sciences en 1742. L'une est de Jean Bernouilli, le fils; et l'autre est de Ludot, avocat en parlement. Ce dernier a même employé une pièce analogue aux galets de Cardinet. Mais le Cabestan de Cardinet est d'une construction beaucoup plus simple, et par-là préférable aux autres.

CABINETS SECRETS. Sorte de cabinets dont la construction est telle que la voix de celui qui parle à un bout de la voûte, est entendu à l'autre bout. On voit un Cabinet ou chambre de cette espèce à l'Observatoire de Paris. Tout l'artifice de ces sortes de chambres consiste en ce que la muraille, auprès de laquelle est placée la personne qui parle bas, soit unie et cintrée en ellipse; l'arc circulaire pourroit aussi convenir, mais il seroit moins bon. Voici pourquoi les voûtes elliptiques ont la propriété dont nous parlons. Si on imagine (Pl. XLVII, fig. 7), une voûte elliptique ACB, dont les deux foyers soient F et f (Voyez ELLIPSE), et qu'une personne, placée au point F, parle tout aussi bas qu'on peut parler à l'oreille de quelqu'un, l'air poussé suivant les directions FD, FC, FO, etc. se ré

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