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Docteur és-lettres

LA

Comedia Espagnole

EN FRANCE

DE HARDY A RACINE

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

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PRÉFACE

C'est à l'école de l'antiquité et de l'Italie qu'au XVIe siècle se constitua notre drame moderne. Nos premières tragédies et comédies sont des exercices d'érudits qui imitent Sénèque et Plaute à travers Dolce et l'Arétin. Leur théâtre est d'ordinaire un collège, et leur public n'est guère composé que de pédants et d'écoliers. Les théories sont d'accord avec les œuvres; elles reproduisent des conseils ou des observations d'Aristote et d'Horace que les commentateurs italiens ont pris soin d'ériger en préceptes, de fausser la pludu part temps et d'obscurcir toujours. Avec Hardy qui s'adresse à un public plus étendu et ne peut renoncer au système de décoration que lui lèguent

les mystères et les confrères de la Passion, la scène s'élargit et se prête à une action dramatique plus complexe et plus romanesque. Mais si les nouvelles de Cervantés et d'Agreda lui offrent quelques thèmes d'intrigue, la comedia espagnole n'intervient pas encore avec lui dans l'évolution de notre drame. Elle fournit plus d'un sujet aux tragédies, tragi-comédies ou pastorales qui jusqu'au Cid paraissent à l'Hôtel de Bourgogne ; mais son action est encore peu profonde, bien qu'elle commence déjà à se faire sentir. Le succès éclatant de Corneille précipita son influence. Tous ne l'avouèrent pas, mais tous désirèrent s'envoler dans la gloire ainsi fardés «< de blanc d'Espagne A partir de 1636 et jusqu'à Racine, la comedia espagnole fournit à nos auteurs, grands et petits, une bonne partie de leurs tragédies et de leurs tragi-comédies, et elle joue aussi son rôle dans la création et le développement de notre comédie classique.

C'est ce rôle que je me propose d'étudier. On a déjà relevé les principaux emprunts que notre XVIIe siècle a faits à Lope et à Alarcon, à Francisco de Rojas et à Calderon. J'essayerai en passant de compléter cette liste, mais je m'attacherai surtout à exposer le mouvement général de

PRÉFACE

à

la comedia en France. J'ai lu parmi les œuvres dramatiques qui furent représentées de Hardy ȧ Racine toutes celles qui étaient allées chercher un modèle au-delà des Pyrénées ou qui portaient en quelque manière le panache espagnol. J'ai lu aussi, bien entendu, tous les originaux que j'en ai pu trouver soit en France soit à Madrid; et il m'a semblé que l'Espagne avait encore plus d'une précieuse explication à nous donner sur l'évolution dramatique de notre Corneille et de ses contemporains. Jusqu'à maintenant on a cru que notre xvIIe siècle n'avait trouvé dans la comedia qu'une mine inépuisable d'intrigues compliquées. C'est vrai peut-être pour les médiocres, pour les imitateurs qui sont plutôt de mauvais traducteurs. Mais l'influence de la comedia a été tout autre et bien plus profonde sur les Rotrou et les Scarron, sur Pierre Corneille et sur Molière. Je tâcherai de la distinguer de l'influence italienne, d'en montrer les formes successives et d'en faire. sentir les bienfaits et les inconvénients. L'Espagne, après avoir contribué à arracher notre tragicomédie au roman, et à dégager la comédie de mœurs de la farce, a risqué ensuite, on verra com. ment, d'entraîner nos écrivains dans les ornières même d'où elle les avait aidés à sortir. Et c'est

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