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qui peuvent y conduire. En ordonnant aux peres & aux meres d'avoir foin de leurs enfans, elle leur confére autant d'autorité qu'il leur en faut pour remplir fon objet. Elle foumet par conféquent les enfans à la direction de leurs peres & de leurs meres.

Difons donc que les peres & les meres doivent l'éducation à leurs enfans par le Droit naturel, & que cette obligation & le befoin que les enfans ont de leurs parens, les lient étroitement à leur famille dont ils font partie, & à laquelle ils appartiennent, comme la famille appartient à la nation. Pour connoître à qui du pere ou de la mere appartient la plus grande autorité fur les enfans, il faut diftinguer entre l'état de rature & l'état de convention.

appartient

Dans l'état de nature, fi le pere & la mere ont eu commerce ensemble, fans avoir fait aucune convention, l'enfant eft à la mere qui l'a eu la premiere fous fa puiffance. Le même inftant la voit devenir mere & maitreffe de l'enfant qu'elle met au monde. Si elle éleve fon enfant elle eft cenfée ne le faire qu'à condition qu'il lui obéira, lorsqu'il fera en âge de raison. Comment préfumer qu'une perfonne donne la naissance à une autre & l'éleve, afin que celui-ci acquérant des forces avec l'âge, acquiére en même-tems le droit de lui réfifter.

Il étoit réservé à la Poësie de présenter cette idée finguliére qu'on trouve dans l'Orefte d'Euripide & dans les Eumenides d'Eschile: Que le pere eft véritablement l'auteur de la vie des enfans, & que la mere n'eft que fimple dépofitaire de fon fruit. La mere concourt & contribue autant & plus que le pere à la génération, elle effuye les incommodités de la groffeffe, nourrit l'enfant de fa propre fubftance, & court des dangers dont le pere eft à couvert.

Si la mere ne le déclare, l'on ne peut fçavoir quel eft le pere de l'enfant, du moins avec la certitude qu'on cherche

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XXXIV.

A qui cette au

dans l'état civil.

dans les faits, parce que la mere a pu être approchée par
plufieurs hommes. Le pere n'eft connu que par
la déclara-
tion de la mere. De-là vient que par le Droit Romain les
enfans nés hors du mariage fuivent la mere. (a)

,

Si la mere expofe l'enfant qu'elle a mis au monde l'autorité qu'elle avoit fur lui passe à celui qui l'éleve, & celui-ci acquiert fur l'enfant la même autorité que la mere a perdue, pour lui avoir ôté, autant qu'il étoit en elle, la vie qu'elle lui avoit donnée. C'est le feul cas où l'on puiffe acquérir quelque autorité fur les perfonnes par le droit de premier occupant. Le droit d'un vainqueur fur l'enfant d'une mere faite prifonniere, eft différent de celui qu'avoit la mere.

Mais s'il eft intervenu une convention entre le pere & torité appartient & la mere, c'eft cette convention qui détermine lequel des deux doit être revêtu de l'autorité. Ou l'engagement a eu pour objet unique la propagation de l'efpèce, ou il a établi l'autorité de l'homme fur la femme. Dans le premier cas, la femme eft préfumée avoir voulu avoir des enfans pour elle-même, & s'être réservée l'autorité fur ceux qu'elle auroit. Dans le fecond, qui eft le cas ordinaire de nos mariages, le mari chef de la famille, a la principale autorité fur les enfans.

Ce font les hommes & non pas les femmes qui ont formé les fociétés civiles, & celui qui eft le chef de la famille a néceffairement l'autorité fur les enfans. Ces enfans font fous la puiffance du pere, à caufe de l'autorité qu'il a fur la mere. Les ordres de la mere, confidérés en eux-mêmes, ne font regardés que comme de simples avis, qui n'obligent les enfans qu'en vertu du pouvoir que le mari communique à fa femme qu'il veut bien afsocier à un gouvernement qu'il reprend en entier, lorfqu'il le juge à propos, parce que la (a) Partus ventrem fequitur.

femme n'en exerce une portion que fous l'autorité & dans la dépendance de fon mari.

Lorfque le pere vient à mourir, fi la mere conferve le gouvernement de fa famille, elle hérite du pouvoir du pere. Si elle paffe à de fecondes nôces, & que fon mari se charge de l'éducation des enfans du premier lit, il fuccéde aussi au pouvoir paternel, & les enfans qu'il éleve lui doivent la même obéiffance qu'ils devoient à leur pere.

Que fi l'union du pere & de la mere n'a pas été formée d'une maniere légitime, & qu'elle ne foit qu'une conjonction illicite, les enfans dépendent du pere & de la mere, les Loix civiles l'ont reglé.

felon que

Enfin, fi l'on peut raifonnablement douter à qui du pere ou de la mere l'autorité appartient, la dignité du sexe mafculin doit réfoudre la queftion en faveur du pere, à qui les Loix de tous les Etats conférent l'autorité principale fur les enfans. C'est pour cela qu'on appelle puiffance paternelle cette autorité, qui primitivement auroit dû être nommée la puiffance des parens.

Quelque inégale que fût chez les Romains l'autorité du pere & de la mere fur leurs enfans, il n'y avoit acune différence dans l'amour & le refpect dûs au pere & à la mere (2). Toute fupérieure qu'étoit la puiffance du pere, celle de la mere, quoiqu'infiniment bornée par le Droit Romain, la suppléɔit (b). Il y a même un cas où l'autorité de la mere cribit celle du pere, jusqu'à l'emporter fur celle-ci. En vain, un pere revétu de toute la plénitude du pouvoir paternel, avoit choifi à fes enfans un Tuteur qu'il jugeoit digne

(a Pietas enim parentibus, & fi inæqualis poteftas æqua debetur. L. 4. f. de Curatorib. &c.

(b) la conjunctione filiarum in facris pofitarum, patris expectetur arbitrium; fed ti fui juris puella fit; intra 25. annorum conftituta, ipfius quoque adfenfus exploretur; fi patris auxilio deftituta, matris, &c................. Requiratur judicium. L. 20. Cod. de nuptiis.

XXXV.

Quelle est l'éten

de remplir cette fonction délicate, la Loi ordonnoit au Magiftrat de révoquer ce Tuteur, fi la mere des pupilles avoit, par un acte de volonté derniére, marqué de la répugnance pour le choix fait par le pere même (a).

Parmi nous, l'autorité maternelle a encore plus d'étendue qu'elle n'en avoit chez les Romains. Dans nos mœurs, elle réunit en sa faveur les fuffrages de la nature & du Droit civil, qui l'égalent prefque en tout à l'autorité paternelle. Les Ordonnances de nos Rois ne féparent jamais le pere & la mere, lorfqu'il s'agit de difpofer du fort des enfans, elles leur attribuent les mêmes droits à l'un & à l'autre fur les fruits de leur union. L'autorité maternelle trouve des titres par-tout où la puissance des peres est établie. Les meres ont en France, comme les peres, la garde, la tutelle, l'éducation de leurs enfans, & le droit d'en hériter. Les fautes commifes contre les meres font punies avec la même rigueur que les fautes contre les peres. Enfin le Ministère public concourt à la correction des enfans, fur les plaintes de la mere comme fur celles du pere,

Pour connoître l'étendue & les bornes de la puiffance paduc de la Puiffance ternelle dans l'état naturel, il faut diftinguer entre le

parternelle &

bornes dans l'état

pou

quelles font fes voir qu'a un pere regardé uniquement comme pere (b), & naturel. celui qu'il a en tant que chef d'une famille particuliére.

L'exercice du pouvoir paternel, confidéré comme tel, doit être reglé relativement aux trois âges des enfans. Le premier, où ils ne font pas capables de difcernement. Le second, où la raifon s'étant développée dans les enfans, ils font encore membres de la famille paternelle. Le troisiéme,

(4) Si contra matris ultimam voluntatem, Fufcinium filio communi tutorem datum probaveris, eum, fine damno exiftimationis, à tutelâ removendum Prætor decernet. L. unic. Cod. Si contra matris.

(b) Voyez le Traité du Droit naturel Ch. V. Sect. premiere, au Sommaire: Des devoirs réciproques des maris & des femmes,

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où ils font fortis de la famille paternelle, foit pour entrer dans une autre, foit pour être eux-mêmes chefs d'une famille.

Dans le premier de ces trois âges, le pouvoir naturel d'un pere eft celui qui lui eft nécessaire pour s'acquitter des devoirs que la nature lui impofe. Ce pouvoir eft par conféquent aussi étendu qu'il le faut pour fatisfaire à cette obligation, mais il ne va pas au-delà : or un pere doit nourrir & élever ses enfans jufqu'à ce qu'ils foient en état de fe conduire & de pourvoir eux-mêmes à leurs befoins; & il eft aifé de juger que cet engagement peut être rempli, en fuppofant dans le pere un fimple droit de correction.

On comprend d'abord, que le pouvoir paternel ne fçauroit autorifer à faire donner la mort à un enfant dans le fein de fa mere à moins que fans cela la mere & l'enfant ne doivent inévitablement périr tous deux.

,

Le pouvoir paternel ne renferme pas non plus le droit de vie & de mort fur les enfans qui ont commis quelque mauvaise action, il eft borné à des châtimens & à l'exhérédation. Formé de la fubftance de fon pere & de fa mere, un enfant leur est égal, en tant que créature humaine. Dans un âge tendre, l'on n'est guère capable de commettre des crimes atroces qui méritent la mort; & fi cela arrivoit, il vaudroit mieux qu'un pere chafsât de fa maison un enfant criminel, que de tremper les mains dans son sang.

La nature permet à un pere de vendre ou d'engager fes enfans, lorsqu'il n'a point d'autre moyen de les faire subsister. Il vaut fans doute mieux les foumettre à l'esclavage le plus dur, que de les laiffer mourir de faim. On peut efpérer qu'un jour leurs fers feront brifés, & la nature donne aux peres un droit parfait à tout ce qui eft abfolument nécessaire à la fin qu'elle prefcrit.

Pour fçavoir fi, dans ce premier âge, les enfans ont la
Tome IV.

L

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