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XLI. L'obéiffance des

de Religion.

le Corps Humain, la tête commande, les bras & les pieds fuivent toujours le mouvement de la tête. Le Prince eft l'ame & la tête du Corps Politique, & les Sujets en font les membres. La tête, dans un corps humain, voit un précipice, elle veut l'éviter, elle le fait appercevoir aux pieds, & leur commande de s'en éloigner. Si les pieds, au lieu de porter le corps du côté opposé, le ménent droit au précipice, il faut que le corps périffe. Dans le Corps Politique, fi le Prince n'est ponctuellement obéi, tout l'ordre du Gouvernement est renverfé, il n'y a plus d'unité, ni par conféquent plus de concours ni de paix dans l'Etat. Un corps ne fçauroit fubfifter que l'union & la correfpondance de fes parties; il faut qu'elles fe rapportent toutes les unes aux autres, qu'elles dépendent du même Chef, qu'elles foient attachées au même centre, fans quoi le corps fe détruit & fe perd néceffairement.

par

Les obligations, quand elles font juftes, deviennent des Sujets eft un devoir devoirs de Religion, parce que la Religion a pour régle la fouveraine justice, & qu'elle confifte toute à fuivre cette régle. Qui fert fon Roi sert Dieu, & c'est une partie de la Religion que d'honorer Dieu dans les plus vives images de fa grandeur & de fa fouveraineté.

On ne peut révoquer en doute les droits de cette feconde Majefté, fans bleffer la Majefté premiere & éternelle qui les a marqués dans fa parole, & fans mettre en compromis une obéiffance qui ne doit jamais être conteftée. L'impie feul peut faire, de l'obéiffance due au Souverain le sujet d'un problême, parce que celui qui ne porte pas le joug de Dieu porte qu'à regret celui de fon Prince & ne pense qu'à le secouer. L'obéiffance aux Puiffances fupérieurs eft la doctrine des Apôtres. Elle eft expreffément marquée dans leurs Epîtres & je l'ai fait voir ailleurs (a).

(4) Dans ce même Traité, Chap. II.

ne

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XLII:

Les devoirs des

raux ou particu

Les devoirs des Sujets font, ou généraux ou particuliers. Les devoirs généraux naiffent de l'obligation commune où Sujets font géné tous les Sujets font précisément en tant que membres d'une liers, fociété civile. Les devoirs particuliers réfultent des emplois différens & des fonctions particulieres que chacun remplit dans cette fociété. Le caractère diftinatif qu'il y faut remarquer confifte en ce que tous les devoirs particuliers des fujets finiffent avec les fonctions & les charges publiques dont ils découlent, àu lieu que les devoirs généraux subsistent tant qu'on eft membre de l'Etat.

Les devoirs généraux des Sujets ont pour objet ou le Souverain, ou l'Etat en général, ou les citoyens en particulier. De tous les devoirs, il n'en est pas de plus facrés que ceux qui lient les Sujets à leur Souverain.

On doit au Souverain non-feulement un honneur extérieur,

XLIII: Devoirs géné. raux des Sujets en tant que membres de l'Etat.

XLIV. Envers le Souve

par
des démonstrations de respect qui aillent au plus haut point rain.
dans l'ordre civil; mais encore un honneur intérieur, qui con-
fifte dans une vénération profonde & fincere pour le premier
rang qui foit fur la terre.

On lui doit un honneur d'amour, parce que les Princes doivent être les peres de leurs Sujets, & que des enfans doiyent aimer tendrement leurs peres.

On lui doit un honneur de reconnoiffance. Quels biens ne poffédons nous pas par fon moyen ! Tous ceux dont nous jouiffons, nous les tenons de Dieu par le ministère des Souverains, nous en devons de la reconnoiffance à Dieu, & nous devons comprendre dans cette reconnoiffance les perfonnes dont il fe fert pour nous les procurer & qui font les dépofitaires de fon autorité fur la terre. Les anciens honoroient la fource des grandes rivieres, à caufe des avantages qu'elles produisent, & nous devons honorer le Souverain comme la fource de la félicité publique.

On lui doit un honneur de fubordination, qui fe marque dans les prieres qu'on fait pour le Souverain, dans les fubfides qu'on lui paye, & dans l'obéissance qu'on lui rend. Nous fommes obligés de procurer le bien public, & le service qu'on doit au Prince eft inféparable de celui qu'on rend à l'Etat. Il faut fervir l'Etat comme le Prince l'entend parce que la raifon qui conduit l'Etat, réside dans le Prince; & c'est se tromper que de croire qu'on puiffe attaquer le peuple fans attaquer le Roi, & qu'on puiffe attaquer le Roi fans attaquer le peuple.

On lui doit enfin un honneur de difcretion. Ce n'est pas affez de ne pas faire des cabales, de ne pas exciter des féditions, il ne faut ni rechercher ni révéler les défauts des Souverains, il en faut parler favorablement & demeurer dans une grande retenue à leur égard, lors même qu'ils deshonorent le Trône où ils font affis. On parle souvent des Princes contre la vérité, parce qu'on n'en eft pas affez informé ; & l'on en parle toujours avec injuftice, parce qu'on imprime dans les autres, par ces fortes de difcours, une disposition contraire à celle que Dieu les oblige d'avoir pour ceux dont il fe fert pour les gouverner. C'est une chofe louable d'avancer les intérêts de la République, & il n'eft pas moins raisonnable d'en parler avantageufement (a). Un grand Hiftorien, parlant des paroles ambigues qu'on jette à la traverfe contre le Souverain, les met au rang des chofes qui vont à troubler l'Etat (b). Cette parole de l'Ecriture: Vous ne direz pas de mal des Dieux, & vous ne maudirez pas le Chef de votre peuple (c), nous enfeigne quel crime c'eft, que la liberté que le commun du monde

(a) Pulchrum eft benè facere Reipublicæ, etiam bene dicere haud abfurdum esta Salluft. bell. Catilin. Cap. 3.

(b) Inferendo fæpius querelas & ambiguos de Galbâ fermones, quæque alia turbamenta vulgi. Tacit. hift. lib. 1. Cap. 23. N. 2.

(c) Exod. 22. 28.

vrai

fe donne de décrier la conduite de ceux qui gouvernent.
Si l'on eft obligé d'aimer tous les hommes, & fi, à dire
il n'y a point d'étranger pour le Chrétien, à plus forte
raifon le fujet doit-il aimer fa patrie (a). Les féditieux qui
n'aiment pas leur pays & y portent la divifion, doivent être
l'execration du genre humain. Le devoir d'un bon fujet con-
siste à se faire une loi inviolable de préférer le bien public à
toute autre confidération, de facrifier fes richeffes, fa for-
tune, fes intérêts particuliers, & fa vie même pour la confer-
vation de l'Etat ; d'employer tout fon efprit, toute fon indus-
trie, & toute fon adreffe pour faire honneur à la patrie &
pour lui procurer quelque avantage. L'intérêt particulier n'eft
pas toujours oppofé à l'intérêt public; & d'ailleurs les devoirs
-communs des sujets font relatifs. L'engagement de chacun dé-
pend, en quelque maniere de l'execution de ce que tous les
autres font tenus de faire auffi bien que lui, pour le bien public,
en forte
que s'il étoit comme paffé en coutume dans un Etat
que la plupart préféraffent manifeftement leur intérêt parti--
culier à l'intérêt public, un bon citoyen ne pourroit pas être
justement blâmé de ne pas expofer fa perfonne ou fes biens
par un zèle impuiffant & inutile à fa patrie; mais on com-
prend que de là résulteroit la deftruction de la fociété.

XLV. Envers l'Etat

XLVI

toyens

Le devoir d'un fujet envers fes concitoyens eft de vivre Envers les conciavec eux en bonne union, d'être doux & commode dans le commerce de la vie, de ne pas caufer de troubles par fon opiniâtreté, & de ne porter enfin ni envie ni préjudice au bonheur & aux intérêts des autres.

XLVII. Devoirs particu liers des Sujets en

Les devoirs particuliers des fujets font attachés à certains emplois dont les fonctions influent ou fur tout le Gouverne- tant qu'Officers du ment de l'Etat ou fur une partie feulement. Une maxime

(a) Voyez dans la II. Section du Chap. V. du Traité du Droit Naturel, ce Sommaire où il traite de l'amour de la patrie,

Prince ou de l'Etat,

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XLVIII. Devoirs des Grands.

XLIX. Devoirs des Ec

Religieux.

générale peut être appliquée aux uns & aux autres, c'est qu'on ne doit afpirer à aucun emploi, & qu'on ne doit même en accepter aucun fi l'on ne fe fent pas capable de le remplir.

Il faut dire quelque chofe de plus particulier. J'ai parlé dans la Section précedente des devoirs des Ministres d'Etat. Je parlerai dans le Traité du Droit des Gens, de ceux des Miniftres employés dans les Cours étrangères. Parcourons ici les autres profeffions.

Les Grands doivent s'appliquer à fe rendre auffi confidérables par leurs vertus, qu'ils font élevés par leur naiffance par leurs emplois. Ils doivent donner des Confeils fideles au Prince, & chercher à procurer le bien des peuples.

&

Les Eccléfiaftiques doivent apporter d'autant plus d'attention à l'exercice de leur Ministere, qu'il eft plus faint. Plus les degrés font élevés plus il y a de devoirs à remplir.

L'instruction du peuple dépend absolument de la capacité cléfi ftiques & des & des mœurs des Eccléfiaftiques. Les lévres du Sacrificateur gardent le filence, & le peuple recherche la Loi dans fa bouche (a). L'expérience ne fait que trop voir que l'ignorance ou les défordres des Pasteurs ont caufé presque tous les maux de l'Eglise & des scandales à faire tomber dans l'erreur jusqu'aux Elûs même, s'il fe pouvoit. Si donc les Pafteurs ne font, comme le dit faint Paul (b), des ouvriers irréprochables, qui Sçachent traiter droitement la parole de vérité, c'eft la plus grande tentation du peuple fidele. Jesus-Christ a établi ses Apôtres » pour être la lumiere du monde (c), & les a mis fur le chan» delier pour éclairer la Maison de Dieu, (d), plus encore par » leur bonne vie que par leur doctrine; mais fi la lumiere n'est

a) Malach. 11. 7.
(b) 2. Thim. 11. 15.
(c) Matth. V. 14. 15.
(d) Matth. VI. 23•

que

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