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particuliers, de ftipuler que la femme ne feroit, pour fa perfonne, dans aucune dépendance du mari. Dans nos mœurs, cette clause feroit regardée comme illicite, en tant que contraire au Droit positif & à l'honnêté publique, & la femme n'en feroit pas moins foumife à l'autorité du mari. Les Loix Romaines décident qu'en ce cas-là les fermens mêmes n'obligent pas les maris (a).

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Il faut reconnoître qu'un mariage régulier foumet la femme au mari. L'ufage de toutes les Nations policées donne au fexe mafculin quelque avantage fur l'autre fexe. Il forme une espèce d'alliance inégale, par laquelle le mari s'engage à protéger fa femme, & la femme à obéir à fon mari. De-là vient que Sara eft fort louée, par les Ecrivains facrés de fa foumiffion à Abraham qu'elle appelloit fon Seigneur.

Il y a même eu des Nations entiéres chez lefquelles la Loi générale du pays attribuoit une puiffance abfolue aux maris. Romulus leur donna le droit de vie & de mort fur leurs femmes. Les Lombards eurent le même droit fur les leurs (b), & ils en ufoient encore du tems de Balde, il n'y a guère que quatre fiécles (c). Les anciens Gaulois avoient auffi ce droit de vie & de mort fur leurs femmes, aussi bien que fur leurs enfans (d), C'étoit porter bien loin la puiffance du chef de la fociété domestique; mais au fond, une telle fujétion n'eft pas incompatible avec l'amour conjugal, que l'amour des fujets pour leur Souverain ne l'eft avec l'obéiffance qu'ils lui doivent.

La Coutume de tous les Pays eft que le mariage commence par les recherches de l'homme. Si, dans quelques lieux, les parens de la fille portent la propofition du ma

(a) L. Juris gentium fi plagii de pactis. L. generaliter de verb. obligat. (b) Denis d'Halicarnaffe, liv. 2.

(c) Accurf. & Bald. in L. invelles de revoc. donat. C.

(d) Cafar lib. 6. kell, Gall,

riage au jeune homme, ce n'eft qu'afin que le choix de ce jeune homme tombe fur cette fille, & qu'il aille en faire la demande. Le premier objet qu'un homme se propose dans cette recherche, c'eft d'avoir des enfans dont il foit le pere. De-là, la promeffe que la femme fait de ne recevoir dans fon lit que ce feul homme devenu fon mari.

Rien n'eft plus contraire à l'ordre de la fociété humaine qu'une vie vagabonde où l'on n'auroit ni feu ni lieu. Un domicile commun eft le moyen le plus propre pour se rendre des offices réciproques & pour élever des enfans. De-là, la convention par laquelle la femme s'engage à être toujours auprès de fon mari, à vivre avec lui dans une fociété trèsétroite, & ne former avec lui qu'une famille.

Une femme n'eft que ce qu'eft fon mari. Si le mari eft noble, il anoblit sa femme roturiére (a); & fi une Demoifelle épouse un roturier, elle perd fa nobleffe (b). Ce n'eft pas la femme qui a reçu le mari dans fa famille, c'est le mari qui a reçu la femme dans la fienne, c'est le mari qui est le chef de la famille, qui éleve ou qui abbaiffe la femme à fon rang, & qui donne fon nom à la femme & aux enfans. De là, la conféquence, que c'eft au mari à régler les actions & les démarches de fa femme, & que fans fa permission, la femme ne peut quitter le domicile de fon mari. Aussi le Droit Romain veut-il que celui-là foit cenfé le pere qui est le mari de la mere (c), s'il n'y a des preuves qui détruisent absolument cette préfomption. Les Loix fuppofent le mari, pouvant veiller à la conduite de fa femme, il a fait usage de fon droit, & que la femme n'a pas violé la foi qu'elle avoit donnée, tant que le contraire ne paroît pas clairement. C'eft fur ce principe, que les Loix d'An(a) L. Fomina de Senat.

que

(b) Barthol. in Leg. 1. de Dig. C. Caftrenf. (c) Pater eft quem jufta nuptia demonftrant

Tome IV.

K

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XXXI Privileges accordés par Louis XIV.

des enfans.

gleterre obligent un mari à reconnoître pour fien un enfant dont sa femme eft accouchée, pendant une absence de plufieurs années, pourvu qu'il ne foit point forti del I'fle. C'est fur ce principe auffi que les Loix de France mettent le mari dans le même engagement, à moins qu'il ne prouve qu'il y a une impossibilité, non morale mais physique, tirée de leur fituation, que le mari ait approché de fa femme pendant les neuf mois qui ont précédé l'accouchement.

Ce n'eft pas feulement la perfonne de la femme, ce font encore fes biens qu'un mariage régulier foumet au mari. En général, dans les Provinces de France où la communauté des biens eft établie de droit entre les perfonnes mariées, le mari en est le chef, & fa femme ne peut difpofer de rien fans fon agrément. Cette Coutume n'eft pas particuliére à la France; elle s'observe pareillement en plufieurs Villes d'Italie, ainfi que dans une partie de l'Efpagne & de l'Allemagne, & dans prefque tous les Pays-Bas. Si les Parties n'ont point fait de Contrat, c'eft la Loi du pays qui le fait, elles font cenfées s'en être rapportées au Droit commun. Si elles en ont fait un, il ne refte qu'à exécuter les articles arrêtés, d'une maniere toujours fubordonnée aux Loix du pays & aux Coutumes des lieux.

Nos Rois avoient accordé par différens Edits, & notamau grand nombre ment par celui du mois de Novembre 1666, aux peres de familles ayant dix enfans vivans nés en légitime mariage, non Prêtres, Religieux, ni Religieufes, exemption de collecte de toutes tailles, fel, fubfides, & autres impofitions, tutelle, curatelle, logement de gens de guerre, contribution aux uftenciles, guet, garde, & autres charges publiques. Les mineurs taillables qui se marieroient avant ou dans la vingtiéme année de leur âge devoient jouir des mêmes exemptions jufqu'à vingt-cinq ans. Les Bourgeois & Habitans des Villes

par

franches ayant dix enfans, de 500 livres de penfion, & de 1000 liv. s'ils en avoient douze ; & les Gentilshommes & leurs femmes, de 1000 liv. avec dix enfans, & 2000 livres avec douze; mais fous prétexte que ces exemptions avoient donné lieu à quelques abus, & d'autres motifs auffi peu folides & auffi peu refléchis, elles furent toutes fupprimées par Déclaration du 13 Janvier 1683, enforte que la crainte des charges & de la mifére ayant fermé la route de la multiplication légitime, la nature qui ne veut rien perdre de ses droits, s'eft tournée du côté d'un libertinage ou ftérile ou dont les productions périffent prefque toutes, faute de foins: autre vice ruineux de notre Police.

SECTION III.

De la Puiffance paternelle.

U Mariage naiffent les enfans, & de la naiffance des

XXXII.

Denfans vient l'exercice de la Puiffance paternelle. Cette seapuidance par

puissance eft donc la feconde fociété primitive. C'est la plus facrée de toutes les Magiftratures, c'eft la puiffance la plus ancienne qu'il y ait parmi les hommes, c'est celle dont on abuse le moins.

Les Auteurs font partagés fur la question quel est le véritable fondement du pouvoir paternel. La plupart croyent que c'eft l'acte de la génération par lequel le pere & la mere imitent Dieu en quelque forte, en donnant l'existence à un Etre. Quelques-uns eftiment au contraire, qu'il ne faut chercher ce fondement que dans l'éducation qui, mettant les enfans fous la puiffance de ceux qui enfans à la reconnoiffance des foins élever. D'autres enfin penfent que

les élévent, oblige les qu'on a pris pour les les peres n'étant que les

La

conde Société

primitive. C'est la giftratures.

plus facrée des MaQuel

en est le fonde ment?

causes occasionnelles de la génération, & toute autorité d'un homme lui étant communiquée de Dieu, par une espece de commission, les peres n'ont qu'un pouvoir emprunté dont il faut chercher la fource dans la Divinité même.

Cette derniere opinion ne mérite pas d'être refutée. Il n'eft point douteux que Dieu ne foit ici, comme par tout ailleurs, la cause premiere & univerfelle; mais ce n'est pas de quoi il s'agit, nous cherchons la caufe feconde & immédiate. Les deux autres opinions féparent des caufes ce qu'il faut réunir. L'acte de la génération donne lieu aux peres & aux meres d'acquérir un pouvoir fur leurs enfans, il eft le fondement primitif du pouvoir des peres & des devoirs des enfans, fans en être le feul titre. C'est l'éducation qui est le motif principal & immédiat du pouvoir paternel & des devoirs réci‐ proques de ceux qui font élevés & de ceux qui élevent.

Les peres & les meres ne font obligés, plutôt que d'autres perfonnes, de prendre foin de l'éducation de leurs enfans que, parce qu'en s'alliant ensemble, ils font par là même cenfés s'être engagés à élever le fruit de leur union. Quand même l'attrait du plaifir tout feul les auroit portés à s'approcher, leur engagement réfulteroit de la nature même de leur union. La Loi naturelle, par cela même qu'elle preferit la focialité impofe aux peres & aux meres l'obligation de prendre foin de leurs enfans; & c'eft pour les engager plus fortement à remplir cette obligation, fans laquelle la fociété ne fcauroit subfifter, que la nature leur a infpiré une tendreffe extrême pour leurs defcendans.

Un pere & une mere éléveroient-ils bien leurs enfans, s'ils n'avoient le pouvoir de diriger leurs démarches & de prendre foin de leur confervation dans un âge où les enfans font également incapables de connoître leurs intérêts & de pourvoir à leurs befoins? La nature voulant la fin, veut les moyens

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