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fiée au Comte de Flandres, & celle de Charles VIII à la Princeffe de Beaujeu, & non à Louis Duc d'Orleans; que fi la Régence emportoit néceffairement la garde de la perfonne du Roi, on devoit fentir la néceffité d'un Confeil de Régence; & qu'enfin le cas dont il s'agiffoit, dans la minorité de Louis XV, étoit abfolument différent de celui qui s'étoit présenté fous la minorité de Louis XIV, puisque, dans la précédente minorité, c'étoit à une mere que le Gouvernement abfolu de l'Etat & la Tutelle du Roi avoient été confiés, & que dans celle-ci il étoit queftion d'un héritier préfomptif.

Mais le Duc du Maine, que le feu Roi avoit honoré d'une confiance particuliere, ni les autres Princes & Seigneurs qui affiftoient au Lit de Juftice, ne répondirent rien; & la Régence fut déférée au Duc d'Orléans, tout d'une voix. Voici les difpofitions de l'Arrêt.

» Ce jour, la Cour, toutes les Chambres affemblées, &c. » la matiere mise en délibération, a déclaré & déclare Mon» fieur le Duc d'Orléans Régent en France, pour avoir, en la» dite qualité, l'administration des affaires du Royaume pen

dant la minorité du Roi; ordonne que le Duc de Bourbon » fera dès à préfent Chef du Confeil de Régence, sous l'au» torité de Monfieur le Duc d'Orleans, & y préfidera en fon » abfence; que les Princes du Sang Royal auront auffi entrée » audit Confeil, lorfqu'ils auront atteint l'âge de vingt-trois ans accomplis; & après la Déclaration faite par Monfieur

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» le Duc d'Orleans, qu'il entend fe conformer à la pluralité des fuffrages dudit Confeil de Régence dans toutes les affai» res, à l'exception des Charges, emplois, Bénéfices & gra» ces qu'il pourra accorder à qui bon lui femblera, après avoir confulté le Confeil de Régence, fans être néanmoins assujetti à fuivre la pluralité des voix à cet égard; ordonne qu'il

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» pourra former le Confeil de Régence, même tels Confeils qu'il jugera à propos, & y admettre les perfonnes qu'il » en eftimera les plus dignes, le tout fuivant le projet que » Monfieur le Duc d'Orléans a déclaré qu'il communiquera, » à la Cour; que le Duc du Maine fera Surintendant de » l'éducation du Roi, l'autorité entiere & le commandement » des Troupes de la Maison dudit Seigneur Roi, même sur » celles qui font employées à la garde de fa perfonne, de» meurant à M. le Duc d'Orleans, & fans aucune fupériorité du Duc du Maine fur le Duc de Bourbon, Grand Maître » de la Maifon du Roi.

Il fut reglé en même-tems, que le Duc d'Orléans se choifiroit un Confeil de Confcience, pour la diftribution des Bénéfices & des affaires Eccléfiaftiques, autre que celui que le feu Roi avoit établi par son Teftament. Le Duc d'Orléans témoigna qu'il vouloit y faire entrer un Magiftrat de ce Corps, qui aimât la Patrie, qui connût les véritables intérêts du Royaume, & qui pût veiller à ce que les Libertés de l'Eglife Gallicane ne fuffent point bleffées. Le feu Roi avoit nommé dans fon Teftament le Tellier pour Confeffeur du jeune Roi, le Parlement décida que le Régent nommeroit lui-même un Confeffeur au Roi, lorfqu'il en feroit tems.

Le Parlement avoit confervé, comme nous venons de le voir, au Duc du Maine, la qualité de Surintendant de l'éducation du Roi, après en avoir détaché le commandement des Troupes; & l'on ne comprend pas en effet, qu'on puiffe refuser à un Souverain dans fa famille, le droit dont jouiffent tous les particuliers dans la leur. Néanmoins, le Duc de Bourbon ayant repréfenté quelque tems après, que fe trouvant le premier Prince du Sang en état de veiller à l'éducation du Roi, pendant que le Régent gouverneroit le Royaume; la qualité de Surintendant lui appartenoit par les Loix

de l'Etat, le Roi mineur tint un autre Lit de Justice au Louvre, où il ôta au Duc de Maine cette qualité qu'il donna au Duc de Bourbon. C'est un Jugement que le Régent accorda aux circonstances, & qui ne peut être propofé pour regle.

Cet évenement rappelle le fouvenir d'une Loi de Charondas Légiflateur de Thurium (a), laquelle d'un côté confioit le foin de l'éducation des orphelins aux parens du côté maternel de qui il n'y avoit rien à craindre contre la vie de ces enfans; & de l'autre donnoit l'administration de leurs biens aux parens du côté paternel qui avoient intérêt de les conferver, ces biens, dont ils pouvoient devenir les héritiers par la mort des pupilles.

Il nous rappelle auffi l'ufage que le Sénat Romain fit de fon autorité après la mort de Tibère auquel il avoit été extrêmement foumis, tant que ce Prince avoit vêcu. Suetone (b) affure que deux ans avant fa mort, il avoit figné un Testament où il faifoit Caïus Caligula & le jeune Tibère fes héritiers chacun par moitié, & les fubftituoit l'un à l'autre. Cafaubon a cru que cela s'entendoit moins de fes biens particuliers que de l'Empire. Dion (c) affure même que Tibère avoit laiffé l'Empire au jeune Tibère, par fon Teftament; qu'il l'avoit ordonné en plufieurs manieres, afin qu'on n'y pût trouver aucune difficulté; & qu'il en avoit fait lire l'Ordonnance dans le Sénat par Macron. Dion ajoute ce qu'on lit auffi dans Suetone (d), qu'après la mort de Tibère, le Sénat caffa ce Teftament, afin de donner l'autorité entiere à Caïus, & de n'être pas fous le pouvoir d'un enfant, qui n'avoit pas encore atteint l'âge d'entrer dans la Compagnie,

(4) J'en ai parlé dans le IIo. Chap. de l'Introduction, Seâ. VII.

(b) L. 3. Ch. 76.

(c) L. 59.

(d) L. 5. Cap. 14.

LA

LA SCIENCE

D U

GOUVERNEMENT.

DROIT PUBLIC.

CHAPITRE NEUVIEME.
Des devoirs du Souverain & de ceux des Sujets.

SECTION PREMIERE

Des devoirs du Souverain.

Les Souverains

UELQUE diftance qu'il y ait de ceux qui doi- I. vent obéir à celui qui doit commander, croire que ont des devoirs à les Princes ne doivent rien à leurs Sujets, c'eft une de leurs Sujets. idée chimérique. Eft-ce qu'il peut y avoir d'obligation entre eux qui ne foit réciproque, & que la lumiére naturelle ne répugne pas à concevoir qu'un nombre infini d'hommes doive toutes chofes à un feul homme, fans que cet Tome IV. V Vuu

homme leur en doive aucune? Il y a un retour de devoirs du Souverain aux Sujets, & des Sujets au Souverain; fi les Sujets doivent une entiere obéiffance à leurs Princes, s'ils font obligés de prodiguer pour eux leurs biens & leur fang, les Princes doivent à leurs Sujets de l'amour, de la justice, & des foins continuels pour leur défense.

Les Rois croyent, dit un Ancien, que le privilége du Sceptre, c'eft de faire, comme légitime de leur part, ce qui est un crime de la part des autres (a). Telle est en effet la force de l'habitude dans quelques Princes, que tout ce qu'on leur propose pour l'utilité des autres leur est désagréable (b). Il est aussi difficile de leur perfuader qu'ils ont des devoirs à remplir envers leurs peuples, qu'il eft aifé d'empoifonner leurs cœurs par de lâches flatteries (c). Auffi, Salomon confeille-t-il de ne pas chercher à paroître fages devant les Rois de la terre (d). Un Monarque à qui tout obéit, aime rarement qu'on veuille lui apprendre quelque chofe. L'illufion que les Princes fe font n'eft pas néanmoins fi générale ni fi invincible, qu'on doive héfiter de leur préfenter continuellement des vérités qui, fi elles font une fois reçues, doivent être falutaires à leurs peuples.

Une difpofition qui prédomine dans tous les hommes, c'est de fe rendre heureux. Tout ce qui est établi parmi eux en général, n'eft que la fuite de cette difpofition, & un moyen pour arriver à la fin où elle nous fait tendre. Si l'on dit que les peres font en poffeffion de leur autorité, avant que les enfans foient en état de s'y fouftraire, fi l'on ajoute que des Conquérans fe font rendus maîtres des peuples par les armes

(4) Senéque le Tragique, dans fon Agamemnon.

(b) Ita formatis Principis auribus, ut afpera quæ utilia. Tacit. hift. 3.

(c) Nam fuadere Principi quod oporteat, multi laboris affentatio, erga pem quemcumque fine affectu peragitur. Tacit. hift. 1. 15.

(d) Penès Regem.

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