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la Genèfe, qui prefcrit formellement aux femmes d'être foumifes à leurs maris, comme à leurs maîtres (a); mais cette loi étant établie en forme de peine, elle n'est que de Droit pofitif. L'on peut faire telles conventions que l'on veut lorfque les Réglemens de la Loi ne doivent avoir lieu que dans le filence des conventions des Parties, & alors la difpofition de l'homme fait ceffer celle de la Loi (b). La nature elle-même ne donne pas l'empire au mari, indépendamment de toute convention & de la foumiffion volontaire de la femme. Cet empire eft contraire à l'égalité naturelle des hommes; & de cela feul qu'on eft propre à commander, il ne s'enfuit pas qu'on en ait le droit. Le commandement que Dieu a fait aux femmes d'obéir à leurs maris (c), n'empêche pas que, pour établir actuellement l'autorité de celui-ci, il ne foit néceffaire qu'il y ait une convention par laquelle la femme s'y foumette & qui rende immédiatement le mari maître de fa femme.

pas

XXIX.

Il y a eu autre

Il eft fi certain que l'autorité des maris n'a tiré son origine, que des conventions, qu'il y a eu autrefois & qu'il ya même encore aujourd'hui des mariages où la femme n'est foumise au mari, & où au contraire le mari eft foumis à la femme. En Egypte, les Contrats de mariage, je ne dis pas feulement du Roi & de la Reine, mais de tous les particu- fois & il y a mèliers, donnoient autrefois l'autorité à la femme fur fon mari. Chez les Indiens Morotocos, peuple du Paraguai, les femmes ont toute l'autorité, & non feulement les maris leur obéiffent, mais ils font encore chargés des plus vils miniftè- faut penfer de ces res du ménage & des détails domestiques (d).

(4) Sub viri poteftate eris.

1

(b Provifio hominis tollit provifionem Legis, maxime autorisée dans les Douaires, dans les partages des biens, & en mille autres occafions.

(c) Mulieres viris fubditæ fint, quoniam vir caput eft mulieris.

me encore aujour-
d'hui des maria-
ges où la femme
n'eft pas
foumife
au mari, & où.
au contraire le

mari eft foumis à

la femme. Ce qu'il

mariages.

(d, XXVc. Recueil des Lettres édifiantes & curieufes pag. 200.

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Jeanne, furnommée la Louve, Reine de Naples & de Sicile, épousa Louis, Prince de Tarente, à condition qu'il ne porteroit d'autre titre que celui de Prince de Tarente. Une autre Jeanne, pareillement Reine de Naples, épousa Jacques de Bourbon, Comte de la Marche, Prince du Sang de France, à condition qu'il ne porteroit pas le titre de Roi (a).

Lorfque Raimond Berenger, Comte de Barcelone, époufa Petronille, fille unique de Ramirmoine Comte d'Arragon, il· ne le fit que fous le nom de Prince d'Arragon & Comte de Barcellone (b).

Le mariage du fils unique de Charle-Quint ( qui régna depuis fur l'Espagne, fous le nom de Philippe II.) avec Marie Reine d'Angleterre (c), fut contracté fans que le Prince acquit aucune autorité fur fa femme, & fans que la Princesse en acquit non plus aucune fur fon mari.

Les conditions de ces mariages illuftres ne fçauroient être trop approfondies, dans un ouvrage où l'on doit trouver tous les détails comme toute la fcience du Gouvernement.

Les claufes de celui de Philippe & de Marie furent, que Philippe prendroit les titres du Royaume & des Provinces de fa femme, & qu'ils auroient l'un & l'autre le même pouvoir dans l'administration des affaires, fans néanmoins préjudicier aux Priviléges & Coutumes du Royaume; que Marie auroit feule la liberté de nommer aux bénéfices, de donner des graces, & de difpofer des Charges; qu'elle auroit auffi part dans tous les Royaumes & dans toutes les Seigneuries que Philippe poffédoit; qu'au cas qu'elle lui furvêcut, il lui feroit fait pour fon doüaire une penfion de foixante mille livres par

(a) Collenufio, hiftoire de Naples.

(b) Joann. Vafaus in Chronic. Hifp. & Catal. Reg.
(c) En 1553.

an, comme autrefois à Marguerite d'Angleterre, veuve de Charles de Bourgogne, au payement de laquelle fomme l'Espagne s'engageroit pour quarante mille livres, & la Flandre avec les autres Provinces des Pays-Bas pour vingt mille livres; que les enfans mâles qui pourroient naître de ce mariage fuccéderoient à la Couronne d'Angleterre & à tous les Etats que l'Empereur tenoit dans les Pays-Bas & en Bourgogne; que Don Carlos, né du premier mariage, fuccéderoit à tous les Etats & à tous les droits appartenans alors tant en Italie qu'en Espagne ou à Philippe fon pere, ou à l'Empereur fon ayeul, ou à Jeanne fa bifayeule, & qu'à caufe de ces Etats, il feroit obligé de payer la fomme de quarante mille livres; que s'il ne laiffoit que des filles de ce mariage, l'aînée fuccéderoit à tous les Etats de Flandres, à condition que, du confentement & de l'avis de Don Carlos fon frere, elle choisiroit un mari en Angleterre ou en Flandres; qu'au contraire fi, fans l'aveu de fon frere, elle en prenoit un ailleurs, elle feroit privée de la fucceffion de la Flandre, & que Don Carlos & fes héritiers y feroient maintenus dans leurs droits; que néanmoins elle & fes foeurs feroient dotées felon les Loix & les Coutumes des lieux; que s'il arrivoit que Charles ou fes Succeffeurs mouruffent fans héritiers, en ce cas celui ou celle qui naîtroit de ce mariage hériteroit de tous les Etats de l'un & de l'autre, tant de Flandres que d'Espagne, & de toutes les Principautés d'Italie, & que ce Successeur feroit obligé de conferver les droits, les priviléges, les immunités, les Coutumes de chaque Royaume; qu'il y auroit entre l'Empereur, Philippe, & fes héritiers, Marie, ses enfans, & leurs hoirs, & enfin entre les Royaumes & les Etats des uns & des autres, une amitié ferme & conftante, une intelligence & une union perpétuelles & inviolables.

A ces conditions propofées au Parlement d'Angleterre,

pour en avoir fon approbation, ce Corps repréfentatif de la Nation ajouta celles-ci: Que le Prince d'Espagne ne pourroit élever qui que ce fût aux Charges & Dignités publiques, s'il n'étoit né en Angleterre & fujet de la Reine; qu'il auroit dans fa maison un certain nombre d'Anglois qui feroient traités honorablement & qui ne recevroient aucune injure de la part des étrangers; qu'il ne pourroit emmener la Reine hors du Royaume, à moins qu'elle ne le demandât elle-même ; qu'il ne pourroit non plus emmener les enfans qu'il auroit de la Reine; qu'ils feroient élevés en Angleterre, dans l'efpérance de la fucceffion, & qu'ils n'en fortiront point fans quelque néceffité; qu'en ce cas encore, il faudroit que ce fût du confentement des Anglois; que fi la Reine mouroit fans enfans, le Prince n'auroit aucun droit fur le Royaume, & qu'il le laisseroit libre au Successeur de la Reine; qu'il ne changeroit rien aux usages & priviléges du Royaume, foit publics foit particuliers; qu'il confirmeroit & conferveroit les Loix fondamentales de l'Etat; qu'il ne permettroit pas qu'on emportât d'Angleterre aucunes pierreries ni aucuns meubles précieux; qu'il ne pourroit rien aliéner du domaine de la Couronne; qu'il conferveroit & entretiendroit les vaiffeaux, le canon, & tous les arfénaux; qu'il auroit foin de garder exactement les frontières & les places fortifiées; qu'on ne dérogeroit en rien, par ce mariage, au Traité fait depuis peu entre le Roi de France & la Reine; que la paix feroit inviolablement maintenue entre la France & l'Angleterre ; & qu'il feroit cependant permis à Philippe d'envoyer à l'Empepere du fecours de fes autres Etats & Royaumes, foit pour se défendre, foit pour venger les injures qu'il auroit reçues (a).

reur fon

De nos jours, Georges, Prince de Dannemark, épousa (a) Hift. Thuan. lib. 13.

'Anne Princesse d'Angleterre. La femme monta fur le Trône de fes Ancêtres, dans le commencement de ce siècle, & le mari demeura le premier Sujet de fa femme. On peut appliquer aux maris qui époufent des Princeffes Souveraines & qui ne montent pas fur le Trône avec elles, ce qu'a dit le Poëte, qu'un himen inégal eft beaucoup moins un honneur qu'un fardeau dont l'éclat ne diminue pas le poids (a).

Plus récemment encore, la fille unique de l'Empereur Charles VI. a époufé François-Etienne de Lorraine (alors Duc de Lorraine & depuis Grand Duc de Toscane) a hérité des Etats héréditaires de fa famille, a reçu dans ces mêmes Etats le Prince fon mari, & les gouverne fouverainement, fans que fon mari qui eft devenu Empereur y ait aucune forte d'autorité que celle qu'il plaît à l'Impératrice de lui confier.

Ce font là des mariages qu'on peut appeller irréguliers, à caufe des conditions qui s'éloignent du Droit commun. Les Souverains font les leurs au gré de leur prudence & felon les befoins des pays foumis à leur domination. Dans les Etats où la femme eft Souveraine, de fon chef, ell exerce fur fon mari l'autorité politique, comme un fils l'exerce en pareil cas fur fon propre pere, & comme nos Rois l'exercent fur les Reines meres qui deviennent leurs Sujettes, parce que le gouvernement de l'Etat l'emporte fur le gouvernement des familles, & qu'une Puiffance d'un ordre fupérieur en fait cesser une d'un ordre inférieur, dans le cas où elles ne peuvent s'allier ensemble.

Mais quoique les Contrats de mariage foient fufceptibles de toute forte de ftipulations, quant à l'administration des biens, il ne faut pas croire qu'il fût permis parmi nous à des

(a) Non honor eft, fed onus,

Species læfura ferentem.

Si qua voles aptè nupere, nube pari. Ovid.

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