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leurs Etats, plutôt qu'un Prince étranger qui ne poffédoit rien dans l'Espagne, & qui ne pouvoit quitter fes Etats pour être le dépofitaire de ceux d'autrui; que le Royaume de Caftille n'étoit pas le patrimoine de la Maison d'Autriche, mais celui de la Reine Ifabelle fa femme qui l'avoit inftitué Régent pendant la minorité de Charles. Toutes les Loix étoient pour l'Empereur, & fi l'on s'y fût tenu, il l'auroit emporté incontestablement fur le Roi d'Arragon. Ce Prince avoit même un préjugé en sa faveur, qui ne pouvoit être difputé. C'est que le pere du défunt Roi étant mort avant qu'il fût en âge de gouverner, les dix-fept Provinces des Pays-Bas, perfuadées que la Régence lui appartenoit à l'exclufion de tout autre, la lui avoient déférée tout d'une voix & l'avoient reconnu pour Administrateur des Etats du jeune Archiduc, jusqu'à ce qu'il fût en âge de gouverner par lui-même. Le cas étoit pareil, puifque la fucceffion des Pays-Bas venoit du côté de Marie de Bourgogne, mere de l'Archiduc Philippe, comme la fucceffion de la Caftille dont il s'agiffoit, venoit de Jeanne d'Arragon mere de l'Archiduc Charles; mais une raifon de. bienséance, tirée du voifinage des Etats d'Arragon, & les foins du Cardinal Ximenès engagerent les Etats (a) à déférer à Ferdinand la Régence de la Caftille, que le Roi fon gen dre l'avoit forcé de quitter, un an auparavant, d'une maniere fort humiliante. C'est ainsi que le content la plupart des Hiftoriens (b); ́ mais il y en a un (c) qui prétend que ce grand différent fut décidé par Louis XII, à la décifion duquel 1'Empereur d'Allemagne & le Roi d'Arragon s'étoient foumis. Cet autre Historien rapporte même les difpofitions de l'Arrêt

(a) En 1509.

(b) Mariana, Hiftoire d'Espagne; Dorleans, Revolution d'Efpagne; Marsolier; Hiftoire du Miniftere du Cardinal Ximenès; & Ferreras, Hiftoire d'Espagne.

(c) Hiftoire de l'administration du Cardinal d'Amboife, par Michel Baudier Paris, 1634, in-4.

rendu par Louis XII, tenant fon Lit de Juftice au Parlement de Paris. Selon cet Auteur, le Roi Très-Chrétien décida que fi Ferdinand n'avoit point d'enfans de la Reine Germaine de Foix sa seconde femme, il feroit Régent de Caf tille, jufqu'à ce que le Prince Charles eût atteint l'âge de vingt-cinq ans ; qu'alors la Couronne, l'autorité le gouvernement, & l'administration de l'Etat feroit remis au Prince Charles, mais que celui-ci ne porteroit pas le titre de Roi tant que la Reine Jeanne sa mere vivroit. Un autre Ecrivain qui a traité le même fujet que l'Auteur dont je viens de parler (a), affirment le même arbitrage & le même jugement arbitral. Quoi qu'il en foit de ces deux divers fentimens, ils fe réuniffent en ce point, que la Régence fut déférée à Ferdinand. Il eft certain auffi que le Prince Charles prit le titre de Roi, du vivant de Jeanne la Folle fa mere, & ce fut contre la regle par la raison que j'ai dite dans la précédente Section (b). Pour accoutumer le monde à ce titre usurpé, les perfonnes de fon Confeil avoient fait enforte que le Pape & l'Empereur l'avoient donné à ce Prince, dans les Lettres de condoléance qu'ils lui avoient écrites, à l'occasion de la mort du Roi fon pere; la plupart des Grands en furent fcandalifés; mais l'autorité de Ximenès & les brigues de fes amis déterminerent les Etats à le faire proclamer en cette qualité. Un Ecrivain Espagnol (c), pour autorifer cette entreprise, suppose que Jeanne avoit abdiqué la Royauté, & quo ce fut l'effet d'un refpect filial qui obligea le Prince Charles à joindre le nom de fa mere au fien dans tous les actes publics; mais cet unique Auteur eft contredit par tous les autres;

(a) Vie du Cardinal d'Amboise, par le Gendre. Amsterdam, 1726. in.4°, aux pages 223, 224, 225, 226, 227, & 305.

(b) Au Sommaire: La Minorité des Rois n'empêche pas, &c; & au Sommaire: Tout fe fait dans ce Royaume, &c.

(c) Don Juan Antonio de Vera.

& dans

& dans la vérité, Jeanne la Folle n'abdiqua ni ne fut jamais en état d'abdiquer.

Après la mort du Duc de Longueville qui périt au paffage du Rhin, la Souveraineté de Neufchatel qu'il poffédoit fut contestée entre Jean-Louis - Charles d'Orléans, Duc de Longueville, dernier mâle de cette maison, interdit pour cause d'imbécillité, & Marie d'Orléans Ducheffe de Nemours fa fœur qui, à caufe de cette incapacité d'efprit, prétendoit que la Principauté de Neufchatel lui étoit dévolue; mais les Etats de Neufchatel & de Valengin jugerent que la Ducheffe de Longueville, comme mere & curatrice à la personne & aux biens de Jean-Louis - Charles d'Orléans, devoit être investie de la Principauté (a). La Ducheffe de Nemours prétendit que les Etats de Neufchatel n'avoient pas été compétens, & il y eut des procédés entre les deux Princeffes qui demeuroient toutes deux en France. Elles fuppliérent le Roi Très-Chrétien de nommer des Commiffaires de fon Confeil, pour voir & examiner les titres & papiers concernant leurs diffé rents, pour, fur le rapport qui en feroit fait par les Commissaiêtre prononcé par le Roi ainsi qu'il estimeroit nécessaire. Les Commiffaires furent nommés, l'examen fut fait, les deux Princeffes donnérent chacune au Roi un acte de foumiffion à fon jugement, quel qu'il fût ; & le Roi déclara; par un jugement arbitral, que la propriété de la Souveraineté & Comté de Neufchatel & Valengin, fes annexes & dépendances, appartenoit à Jean-Louis - Charles d'Orléans Duc de Longueville, & l'administration à Anne-Geneviève de Bourbon, Princeffe du Sang, Ducheffe de Longueville fa mere, en fa qualité de Curatrice (b).

res,

Ce jugement conforme à celui des Etats eut fon execu

(4) Jugement des Etats du 18 de Juillet 1672.

(b) Lettres-Patentes contenant ce Jugement arbitral, du mois d'Avril 1674.

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XLVII.

tion. Je raconte ailleurs toutes les difcuffions qu'il y a eu,
après la mort du dernier Duc de Longueville ;.& comment
Neufchatel & Valengin font entrés dans la Maison de Bran-
debourg (a).

Si le Succeffeur à la Couronne eft absent dans le tems de
L'abfence du Suc- l'ouverture de la fuceffion, c'est à celui que le Roi a nommé

Cinquiéme cas.

ceffeur à la Cou

de l'ouverture de la fucceffion.

ronne,dans le tems avant fa mort, à gouverner le Royaume. Charles IX donna la Régence (b) à la Reine Catherine de Médicis fa mere, pour en jouir après fa mort jufqu'à l'arrivée de Henri III qui lors en Pologne.

XLVIII.

Si l'on peut donner au Régent un Confeil dont il

étoit pour

Lorfque le Roi défunt n'a pas, avant sa mort, nommé
un Régent pour le tems de l'abfence de fon Succeffeur, la
Régence appartient à ceux à qui elle eft déférée par les Loix
de l'Etat, pour le cas de la minorité, jufqu'à ce que le
Suceffeur foit arrivé ou qu'il en ait difpofé autrement.

Charles II Roi d'Espagne, difpofant de fes Etats par un
Teftament & par un Codicile dont j'ai parlé ailleurs (c), or-
donna que pendant l'absence de fon Succeffeur, la conduite
de l'Etat feroit confiée par interim à une Jonte (d) composée
du Président du Confeil de Caftille, du Vice-Chancelier,
ou Président du Confeil d'Arragon, du Cardinal Porto Car
rero, de l'Inquifiteur général, d'un Grand d'Efpagne & d'un
Confeiller d'Etat. La Reine Douairiere devoit ¡préfider à ce
Confeil, fuivre la pluralité des voix dans toutes les délibé
rations, & décider dans le cas de l'égalité des fuffrages.
Il n'eft pas douteux le Roi abfent prifonnier, ou ma

que

foit obligé de fui- lade d'efprit avec des intervalles, ne puiffe, dans l'un de ces

vre les avis, & à

qui appartient l'é- intervalles, nommer un ou plufieurs Régens, ou donner au

ducation du Roi mineur : deux points à l'occafion defquels on rapporte ce qui fe paffa, après la mort de Louis Xill. &

après celle de Louis XIV, au fujet de leurs Teftamens.

(a) Voyez dans ce même volume, au Chap. II. à la Section XI, ce Sommaire: A Neufchatel en Suiffe.

(b) En 1574.

(c) Dans l'Introduction, Chap. VI. Sect, X. au Sommaire: Exemples de la
fucceffion des filles en Espagne.
(d) Confeil,

L

Régent un Confeil dont il foit obligé de fuivre les avis; ou bien n'établir fimplement qu'un Confeil de Régence. Ce pouvoir ne peut pas non plus être contefté au Souverain qui difpofe de l'administration des affaires pour le tems de l'absence · de fon Succeffeur. La queftion eft de fçavoir fi l'on peut affujettir le Régent à un Confeil de Régence,' dans les cas où la Régence eft déférée par les Loix ou par les Coutumes de l'Etat, tels que ceux de la mort du Roi ou de fa maladie fans aucun intervalle lucide.

Louis XIII,' malade à Saint Germain en Laye de la maladie dont il mourut, ordonna, par une Déclaration (a) vérifiée le lendemain au Parlement de Paris (b), que la Reine fa femme feroit Régente du Royaume pendant la minorité du Roi fon fils, mais il compofa en même tems un Confeil de Régence, du Duc d'Orléans, fon frere unique, ( déclaré Lieutenant-Général du Roi mineur fous l'autorité de la Régente) du Prince de Condé premier Prince du Sang, & de quelques autres Princes ou Seigneurs, où toutes les affaires de l'Etat devoient être décidées à la pluralité des voix. Dès que le Roi fut mort (c), le Roi fon fils alla tenir fon Lit de Juftice (d). Le Duc d'Orléans & le Prince de Condé déclarérent qu'ils ne défiroient autre part dans les affaires, que celle qu'il plairoît à la Reine de leur donner'; que l'Etat étant Monarchique tout devoit être réduit à l'unité, & que les affaires ne fuccédent jamais lorsque l'autorité eft partagée (e). Le Roi féant en fon Lit de Juftice, de l'avis du Duc d'Orléans, du Prince de Condé, des Princes, Pairs de France, & Officiers de fa Couronne, déclara fa mere Régente, pour avoir (a) Du 19 d'Avril 1643. b) Le 20 d'Avril 1643. (c) Le 14 de Mai 1643. (d) Le 18 de Mai 1643.

(e) Mémoires d'Omer Talon, Avocat Général du Roi au Parlement; qui y porta la parole.

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