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logie de la Maifon de Cardaillac en Rouergue (a), il fe voit d'après une Chartre de l'an 1316, qu'un Vassal de Bertrand de Cardaillac, Seigneur de Bieule ayant fait hommage à ce Seigneur, pour la moitié du Château d'Aynac, le Vassal reçut des mains de fon Suzerain les clefs de ce Château, ensuite de quoi Bertrand de Cardaillac commanda à Raimond de Moullieres, Damoiseau, fon porte - Banniere, d'aller planter cette Banniere fur la grande Tour de ce Château, & de crier trois fois Cardaillac, & ces chofes fe firent pour conserver au Seigneur de Bieule la Suzeraineté fur ce Château d'Aynac.

Les Seigneurs étoient si foigneux de fe conferver dans la Suzeraineté des lieux où ils l'avoient, qu'auffitôt qu'il arrivoit mutation dans des Fiefs relevans d'eux, ils en prenoient fur le champ poffeffion, fauf par la fuite à reftituer; & cette prise de possession confiftoit à faire mettre leur Banniere dans le lieu qu'ils réuniffoient au Fief dominant.

Dans l'Histoire du Dauphiné (b), il eft parlé d'un Gentilhomme appellé Pierre de Morges, qui ayant été fait prisonnier dans une guerre qu'il eut contre un autre Gentilhomme, le Chapitre de l'Eglife de Die, en qualité de Seigneur Supérieur des Terres du Seigneur de Morges fon Vaffal, s'empara de ces Terres à l'effet de les conferver, tant que le Vaffal feroit retenu; & pour cela, le Chapitre fit mettre des Bannieres fur les Tours des Châteaux de Torane & de faint Martin qui appartenoient à ce Pierre de Morges.

S'il arrivoit encore qu'un Suzerain fit ceffion d'un lieu à un de ses Vassaux ou autre, il se réservoit le plus fouvent le droit de faire paroître fa Banniere dans le lieu cedé, à chaque vacance. Un titre qu'on dit être dans la Chambre des Comptes du Dauphiné, fait mention d'un échange (c) de terre entre (a) Imprimé à Paris chez Martin en 1654.

(b) Imprimée à Genève en 1722, p. 230. () Fait en Septembre 1343.

Tome IV.

IIii

Humbert, dernier Dauphin de la maison de la Tour-du-Pin, & Amblard Seigneur de Beaumont. Par cet échange, le Dauphin, en retirant la terre de Beaumont en Trieve, donne celle de Montfort, & la donne à la charge d'y expofer l'étendart du Dauphiné pendant trois jours, lorsqu'elle changeroit de Seigneur.

Au refte, l'usage de faire emploi des Bannieres, Pavillons, & de toutes autres Enseignes défignatives de puiffance, les mettre fur les fortereffes & Châteaux, n'a pas encore pour ceffé entierement; les Nations & les Souverains l'ont confervé. Dans notre Royaume & dans les Etats voisins, il fe voit des Pavillons nationnaux continuellement élevés fur certains Châteaux, dans la mouvance defquels il y a beaucoup de Fiefs. A Rome, la Banniere de l'Eglife paroît fur le Château Saint Ange. De femblables Pavillons fe voyent affez ordinairement fur les Forts & Phares qui bordent la mer, les Vaiffeaux de guerre qui peuvent fe comparer à des Châteaux flottans, portent en ornement les Pavillons des Nations à qui ils appartiennent. Dans les Indes, lorfque, dans un lieu de commerce ouvert qui appartient à un Souverain Indien, il se trouve différentes Nations Européanes, qui y ont chacune un comptoir ou une loge, le Pavillon de la nation ne manque pas d'être élevé fur l'endroit le plus apparent de la loge de la nation à laquelle appartient la loge. Un étranger qui d'Europe arrive par mer, ou à la côte de Guinée en Afrique, où à Bengale en Afie, à l'afpect de ces lieux, voit répandus de côté & d'autre les Pavillons de France, d'Angleterre, de Hollande, & de Dannemarck.

Dans tous les tems, les Nations les plus barbares ont établi quelques cérémonies pour l'inaugurarion de leurs Rois ou des Chefs qui les gouvernoient. Il n'eft point de peuple encore aujourd'hui, quelque plongé qu'il foit dans les ténébres du

Paganisme & de l'idolatrie, qui n'obferve quelque formalité
dans la reconnoiffance qu'il fait de fon Prince. Ces cérémo-
nies d'appareil, différentes felon les mœurs de chaque pays,
tendent toutes néanmoins à la même fin. C'eft de concilier
du respect au Souverain & d'inspirer de la crainte aux sujets ›
&
par
là faire agir fur les hommes les deux puiffans mobiles
du Gouvernement. L'Hiftoire nous montre cette Coutume
établie dès les premiers tems de la fondation de toutes les
Monarchies & de tous les "Empires, chez les Affyriens, chez
les Caldéens, chez les Médes ou les Perfes dont l'Empire
fut détruit par celui des Grecs. On la trouve introduite par
les Egyptiens, depuis leurs Pharaons jusqu'à l'invasion des
Perfes; & par les Grecs, depuis la conquête d'Alexandre le
Grand jusqu'à la Reine Cleopatre. Les Chinois, dont l'Em-
pire établi près de trois mille ans avant Jesus - Christ, subsiste
encore aujourd'hui, l'ont toujours gardée. On l'a vue obfervée
pour les Rois & pour les Empereurs de Rome avant &
depuis les Confuls, & pour les Empereurs de Conftantinople
dont les Princes Ottomans occupent aujourd'hui le Trône.
Les Tartares, les Peuples du Japon, les Turcs de l'Asie &
de l'Europe, &, pour le dire en un mot, toutes les Nations
du monde font dans cet usage.

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Les anciens Per

couronnoient les leur naifance, fur

leurs Rois avant

le ventre de leurs

meres.

Un usage fingulier des Perfes prouve qu'il y a eu des Rois qui ont regné plus longtems qu'ils n'ont vêcu. Quand la fes veuve d'un de leurs Rois étoit groffe, fi leurs Mages avertiffoient qu'elle portoit dans fon fein un enfant mâle, ils couronnoient le ventre de la Reine, & proclamoient pour leur Roi le fœtus, lui donnant le nom de Sapor, avant qu'il fût né. C'est ainsi que Sapor II (a), l'un des Rois les plus célébres qui ayent porté la Couronne des Artaxerxides, fut couronné Roi de Perfe avant que de naître. A la mort (a) Il vivoit dans le IV*. fiècle.

IIii ij

IV.

Etienne Roi de Hongrie fut couronné fur les Fonts Baptifmaux.

V.

Ufage du Sacre

d'Hormifdas II, le Prince dont je parle étant encore dans le fein de fa mere, fut élu par la faction des Grands du Royaume, au préjudice de fon frere aîné. Les Mages ayant affuré que la Reine étoit groffe d'un enfant mâle, on mit la Thiare fur le ventre de cette Princeffe, & l'enfant fut proclamé Roi fous le nom de Sapor.

Etienne, fils de Jean Zapola & d'Ifabelle fille de Sigifmond Roi de Pologne, fut couronné fur les Fonts Baptifmaux même, car la Reine venoit d'accoucher lorfque le Roi fon mari mourut.

Le Sacre des Rois, introduit dans la vraie Religion, a parmi le peuple de une origine divine. L'Onction des Rois, dit un Pere de Role Sacre de l'Eglife (a), a commencé par l'ordre de Dieu à Saül, elle

Dieu, d'où eft ve

Rois Chrétiens

qui a commencé

par celui des Rois a été continuée en David & en Salomon; c'eft à leur exem

de France.

ple que les Rois de Juda & d'Ifraël ont été facrés. Les Hebreux demandant un Roi, Dieu commanda au Prophete Samuel d'oindre Saül, pour regner Souverainement fur fon peuple (b). David, Salomon, tous les Rois d'Ifraël jufqu'à la destruction du Temple de Salomon, furent facrés.

Le Sacre des Rois n'a été pratiqué que chez les Hebreux, il n'a été en usage dans aucun autre Royaume avant le Chriftianifme. C'eft fur le modéle du Sacre des Rois d'Ifraël, que s'eft introduit le Sacre de quelques Rois Chrétiens qui se font oindre, d'une huile fanctifiée. Les Rois de France ont été les premiers de l'Europe qui ayent été facrés; ils fe font facrer depuis plufieurs fiécles; mais ce n'eft que depuis peu de tems que la plupart des autres Rois de l'Europe fe font facrer & couronner. Quelques-uns ne font encore ni dans l'un, ni dans l'autre de ces deux ufages.

(a) S. Aug. in Pfalm. 104. & 44.

(b). Unges eum ducem fuper populum meum, & falvabit populum meum de mann Philiftinornm. Lib. 1. Reg. Cap. 9.

VI.

Empereurs Chré

Quoique Conftantin le Grand & Théodofe le Jeune foient les Les premiers premiers Souverains qui fe foient foumis à l'Evangile, que tiens ne furent pas Constantin ait reçû le Baptême, la Confirmation, & l'Eu- facrés. chariftie peu de jours avant fa mort (a); qu'après lui Théodofe le Jeune & plufieurs de fes Succeffeurs ayent été bénis, & reçû l'épée & la Couronne de l'Empire, par les mains du Patriarche de Conftantinople, on ne trouve point qu'aucun d'eux ait été sacré comme Roi & comme Empereur, avant le regne d'Andronic le jeune.

VII.
Le Couronnement

différente du Sa

Il ne faut pas confondre le Sacre des Rois Chrétiens avec le Couronnement. On couronne les Reines, mais on ne les eft une Cérémonie facre pas toujours; celles de Pologne font facrées ainfi que cre les Rois. Les Princes Souverains non Rois, font couronnés auffi fans être facrés. Un Roi n'eft jamais facré que tout de fuite il ne foit couronné; mais il eft quelquefois couronné plufieurs fois, fans que pour cela on renouvelle la cérémonie du facre.

VIII.

Des Rois Chré

fois été couronnés

Au couronnement de confécration, les Rois ajoutent quelquefois d'autres couronnemens de cérémonie, ou lors de leurs tiens ont quelquemariages, ou dans d'autres occafions importantes. Louis le pluficuss fo Jeune, Roi de France, fut couronné quatre fois, fois, premierement à Reims, lorsque le Pape Innocent II le facra; en second lieu à Bordeaux par l'Archevêque du lieu, lorsque ce Prince 'époufa la fille du Duc d'Aquitaine ; en troisieme lieu à Orléans, par l'Archevêque de Sens, à fon mariage avec Conftance fille du Roi d'Espagne ; & enfin à Paris par le même Archevêque, lorfque Louis le Jeune époufa en troisieme nôces, la fille de Thibaut, Comte de Champagne (b).

(a) Conftantin mourut en 337.

(b) Voyez, dans cette même Section, ce Sommaire Les Rois de la feconde race fe font fait facrer & couronner; & quelques-uns ont fait facrer & couronner leurs enfans, de leur vivant

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