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LA SCIENCE

D U

GOUVERNEMENT.

DROIT PUBLIC.

CHAPITRE SEPTIÉME.

Des Droits de Cité aufquels un Etranger non naturalife ne participe pas.

SECTION PREMIERE

Des différentes manieres de devenir & de ceffer d'être
Sujet d'un Etat.

N défigne fouvent par le mot Peuple les perfonnes
du dernier ordre dans un Etat, par oppofition à

I. Signification des mots : Peuple, Membre, Citoyen

celles qui y tiennent un rang considérable, mais Bourgeois, Vallal, ce n'eft pas dans cette acception que fe prend ce

terme dans le Droit public. Il défigne tous les citoyens confidérés collectivement fans diftinction de rang. Tous les citoyens,

Sujet.

dit Juftinien, même les Patriciens & les Sénateurs, font compris fous le nom de peuple (a).

Les noms de citoyen & de bourgeois défignent également l'habitation dans un Etat dont on eft fujet; mais dans les Républiques, ils ne font pas fynonimes. Tous ceux qui vivent dans un Etat, en font membres & fujets, mais ils n'en font pas tous citoyens. Ils font tous dans la dépendance du corps ils lui doivent tous obéiffance, & ont tous droit à fa protection; mais ils ne jouiffent pas tous du Droit de Cité. C'est ce que j'expliquerai bientôt.

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La qualité de citoyen a différens effets, felon les diverfes formes de Gouvernement & c'est les Loix & par les par ufages de chaque pays, qu'il faut connoître les différences dont cette matiere eft fufceptible. La participation aux charges & aux emplois est réservée aux citoyens dans tous les Royaumes & dans les Républiques.

Les femmes, les enfans, les ferviteurs & les efclaves font partie de la famille du citoyen, ainsi proprement nommé; & leur volonté eft renfermée dans celle des chefs de famille dont ils dépendent.

Le titre de vaffal ne commença à être bien en usage en France que fous la feconde race de nos Rois; c'étoit celui qui avoit reçu un bénéfice du Roi, du Duc, ou du Comte, avec obligation de fervice & d'hommage. Aujourd'hui, l'obligation de vassal ou de cenfitaire n'a rien de commun avec le devoir du fujet. On peut être vaffal & cenfitaire fans être sujet ; un particulier peut avoir des vaffaux & des cenfitaires, mais il ne peut avoir des fujets. Selon les Loix du Corps Germanique, pour avoir de vrais sujets, il faut pofféder la supérioriorité territoriale, comme l'on parle en Allemagne, c'est-àdire la Souveraineté, telle que la poffédent les Princes de

(a) Appellatione populi, univerfi cives fignificantur, connumeratis etiam Pa tricüs & Senatoribus. Inftit. lib. 1. Tit. 2. part. 4.

l'Empire

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l'Empire. En France, le Roi feul a des fujets, & cependant les Seigneurs particuliers dés Paroiffes appellent quelquefois abusivement leurs payfans leurs fujets. C'est par un pareil abus que les Seigneurs Espagnols, parlant de leurs vafsaux, les appellent auffi leurs fujets, & qu'un Grand d'Espagne, en parlant de fes terres, dit communément, mes Etats...

On devient citoyen, fujet, membre d'un Etat, ou par une convention expreffe, ou par une convention tacite.

II. Ou devient Citoyen ou pour une convention ex

CORYention tacite.

La convention eft expresse, lorsqu'on eft du nombre de prefe ou par une ceux qui fondent l'Etat, ou qu'en y transférant un domicile volontaire, on y prend du Souverain des Lettres de naturalité. La convention eft tacite de quatre manieres. I. Lorsqu'on eft né dans l'Etat. Ce n'est pas feulement pour eux, c'eft; aussi pour leur poftérité que les fondateurs de l'Etat l'ont établi Ceux qui ont promis l'obéiffance à la fociété civile dans laquelle ils entroient, font cenfés, l'avoir promise aussi pour leurs enfans, & avoir cherché à affurer à leurs defcendans les mêmes avantages qu'ils fe procuroient à eux-mêmes. Nés dans l'Etat. & protégés par l'Etat, les enfans lui doivent une obéissance qui leur mérite la protection qu'ils en reçoivent. II. Lorfqu'on eft foumis par les armes & qu'on acquiefce au droit de conquête. III. Lorfque la néceffité contraint de se mettre sous la domination d'un Etat. IV. Lorsqu'enfin on transfére volontairement fon domicile en un pays, pour s'y fixer de cœur & d'intention. Dans tous ces cas, comme l'on doit jouir dans l'Etat des avantages des fujets, on eft auffi obligé d'en remplir les devoirs. De là vient que le Souverain ne fait prêter ferment de fidélité, ni à ceux qui naiffent dans les terres de fa domination, ni à ceux qui viennent s'y établir, parce que le ferment une fois prêté par la nation eft cenfé prêté pour tous ceux qui dans la fuite en deviennent les membres (a).

(a) En Piémont, ceux qui obtiennent des Lettres de Naturalité, font obligés
Tome IV.
Xxx

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Il y a des villes dont on devient citoyen par la feule où l'on devient Ci. habitation. Le droit d'être un des membres de la commu

Il est des Villes

toyen par la feule

habitation; & il nauté y eft fi bien attaché au domicile que, dans quelques

en eft d'autres où

le droit de Bour- unes de ces villes, il fuffit d'y avoir demeuré un tems, &

geoisie eft attaché

liation.

au fang & à la fi- que dans les autres, c'eft affez d'y être né, pour y pouvoir jouir des droits annexés à la qualité de citoyen. Dans les villes où le droit de citoyen s'acquiert, par l'habitation il fe perd par l'absence; un citoyen de ces villes qui a transporté fon domicile dans un autre ville, ne tranfmet point le droit qu'il avoit apporté en naiffant aux enfans qui lui naissent dans fon nouvel établissement. Ces enfans n'ont point le droit de citoyen dans la patrie de leur pere. Ils y font étrangers, bien que leurs ancêtres y ayent été citoyens durant plusieurs générations. Les villes de France, d'Angleterre, & des Paysbas, en fournissent des exemples. Mais le nom de bourgeois né défigne à Genève qu'un fujet, un membre de l'Etat, au lieu que le nom de citoyen fignifie un habitant qui peut être élevé aux Charges de la République.

Il y a d'autres villes où le droit de citoyen ne s'acquiert point en y demeurant, ni même en y naiffant. Ce droit y eft attaché au fang & à la filiation; il faut, pour l'avoir, être né d'un pere citoyen, ou bien l'obtenir du Souverain, par une convention expresse. Un homme qui y eft né, & même qui eft defcendu d'ancêtres tous nés, depuis dix générations dans une de ces villes-là, n'en feroit point pour cela citoyen, fi fa famille n'étoit pas au nombre des familes qui y jouissent du droit de bourgeoifie. Berne & plufieurs autres villes de la Suiffe, font du nombre de ces villes où le droit de citoyen eft attaché au sang. Telles font encore plufieurs villes d'Allemagne & d'Italie, principalement Venise & Gènes. Il n'ya,

de prêter le ferment de fidélité au Roi de Sardaigne. Code Victorien de 17293 liv. 6. art. 1, Tit. 12. du Droit d'Aubaine,

par exemple, dans ces deux dernieres villes, de véritables citoyens que les nobles, puifqu'ils font les feuls qui ayent voix active & paffive dans la collation des principaux emplois de l'une & de l'autre République. Les autres habitans, quelque nom qu'on leur donne, n'y font pas les citoyens des nobles, mais bien les fujets du Sénat que les Nobles compofent. Comme ce n'eft pas la feule habitation & même la naiffance dans l'enceinte des villes dont je parle, qui mettent en possession du droit de concitoyen, auffi ne le perd-on pas pour être domicilié, ni même pour être né hors de ces villes. Le fils d'un citoyen conferve quoiqu'il foit né dans une terre étrangere, tous les droits attachés au fang dont il eft forti, & il en jouit dès qu'il a fait preuve de fa filiation, fuivant la forme prefcrite en chaque Etat. Combien y a-t-il de bourgeois dans chacun des treize Cantons qui non feulement font nés hors de leurs Cantons; mais encore hors de la Suiffe? On peut même observer à ce sujet, que le droit de citoyen, lorsqu'il est inhérent au fang, y demeure attaché durant un très-grand nombre de générations. Par exemple, lorfque la République de Venife poffédoit encore la Candie, il y avoit plusieurs familles de fes nobles établies dans cette Ifle, & tous les mâles iffus de cette espece de colonie jouiffoient du droit de citoyens Vénitiens, quoique leurs peres, leurs ayeux, & leurs an

cêtres fuffent tous nés en Candie.

Les Anglois ont un droit qu'ils appellent d'alligéance, qui les lie particuliérement à l'Etat, & plusieurs actes du Parlement de la Grande Bretagne ont déclaré naturels Anglois des perfonnes nées hors du Royaume d'Angleterre. Un acte du regne de la Reine Anne (a) porte que les enfans de tous les fujets naturels, nés hors de l'obéiffance de la Reine d'Anglede ses hoirs & fucceffeurs, feront réputés & cenfés (a) Le VII. Chap. V

terre,

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