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XXIX. Exception tirée

Rien ne paroît fi vicieux à Céfar Albrige, que certaines Confréries de gens où il fuppofe que, fous prétexte d'exercice de piété, on s'affemble pour traiter des matiéres d'Etat (a).

Les affemblées même qui auroient une caufe légitime, ne peuvent fe former fans une approbation expreffe du Souverain, fur la connoiffance de l'utilité qui peut s'y trouver; & cela, à caufe du danger de celles qui pourroient avoir pour fin quelque entreprise contre le public (6).

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L'Eglife universelle a toujours refpecté le droit des Princes fur la convocation des Conciles, Elle ne s'eft jamais affemblée fans leur confentement, & fouvent elle l'a fait par leur ordre (c).

Les affemblées néceffaires à l'exercice de la Religion dodu cours ordinaire minante ou de celle dont l'exercice eft permis, font autorisées les Loix du pays.

des affaires,

par

Celles qui font indispensables pour le commerce mutuel & pour remplir les devoirs & les engagemens de la fociété civile, font dans l'ordre ordinaire de la fociété, elles ne fe convoquent pas, elles fe forment naturellement d'elles-mêmes. Les Compagnies de Judicature, les Communautés qui

(a) Inf. polit. de la République de Gènes.

(b) Mandatis principalibus præcipitur Præfidibus Provinciarum, ne patiantur effe (Collegia, Sodalitia) neve milites Collegia in caftris habeant. L. 1. ff. de Colleg. & Corp.

In fummâ autem: nifi ex Senatufconfulto autoritate, vel Cæfaris, Collegium vel quodcumque tale corpus coïerit: contra Senatufconfultum & mandata & conftitutiones Collegium celebrat. L. 3. §. 1. Cod.

Neque Societas neque Collegium, neque hujufmodi corpus paffim omnibus habere conceditur. Nam & Legibus & Senatufconfultis & principalibus Constitutionibus ea res coërcetur. Paucis admodum in caufis conceffa funt hujufmodi corpora, ut ecce vectigalium publicorum fociis permiffum eft corpus habere, vel aurifodinarum vel argentifodinarum & falinarum. Item Collegia Romæ certa funt quorum corpus Senatufconfultis atque Conftitutionibus principalibus confirmatum eft, veluti Piftorum & quorumdam aliorum & naviculariorum. L. 1. ff. Quod cuj. un. nom. (c) Principes ab omnibus cœtibus admodum numerofis quieti & propriæ digni tati finiftrum aliquod metuentes, Epifcopos quorum magna erat in plebem potef fine fuo confenfu convenire non permififfent. Charlas, de Libert. Eccl. Gall. lib. 5. Ch. 4. N. 13.

tas,

forment

forment un Corps toujours fubfiftant dans le même lieu, ont auffi une permiffion naturelle de s'affembler pour faire leurs fonctions ordinaires, fous l'autorité du Souverain.

Mais toutes les affemblées qui ne font pas dans le cours ordinaire de la fociété civile, font illicites. Les membres d'un Corps difperfé ne peuvent s'affembler fans la permiffion du

Prince.

On peut faire entendre & la regle & l'exception à la regle par des exemples pris du Royaume où j'écris.

En France, les Compagnies qui forment un Corps toujours fubfiftant dans l'Etat, telles que les Parlemens, les autres Tribunaux de Judicature, les Univerfités, les Chapitres, les Aca'démies, ont un pouvoir naturel & ordinaire de s'affembler. Ces Corps peuvent ufer de ce pouvoir, à moins que, dans certaines circonftances, le Roi ne juge à propos d'en fufpendre l'usage. Mais ni le Clergé, ni la Nobleffe, ni le Tiers Etat ne peu-" vent s'affembler fans la permiffion du Roi, parce que ce font des Corps dont les membres font difperfés, & que c'est au Roi à juger s'il n'y a aucun inconvénient pour l'Etat que ces membres dispersés se réuniffent.

De là vient que l'Eglife de France ne célébre jamais de Concile national ou provincial, & ne tient jamais d'affemblées, que par l'ordre ou par la permiffion du Roi.

De là vient que les Prêtres de l'Oratoire, les Benedictins, les Feuillans, les Capucins, & les autres Ordres Religieux ou les autres Congrégations de France ne s'affemblent jamais dans ce Royaume, fans la permiffion du Roi. Le Roi envoye même fouvent un ou plufieurs Commiffaires à leurs assemblées.

De là vient auffi que, dans les Provinces qui ont encore des Etats (a), les trois Ordres (Clergé, Noblesse, Peuple) ne (a) Telles que la Bretagne, le Languedoc, la Provence, la Bourgogne, l'Artois & la Flandre, qu'on appelle par cette raifon Pays d'Etats, pour les diftinguer des Pays d'Election.

Tome IV

Ttt

XXX:

Exemple de la

regle & de l'exception à la regle,

par Pufage établi

en France.

XXXI Néceffité de ce

pouvoir,

XXXII. Quelle idée l'on doit avoir des

questions de préléance,

tiennent jamais d'affemblée qu'en vertu d'une Lettre de Cachet, & en préfence de deux Commiffaires du Roi.

Quelques Gentilshommes furent mis à la Bastille, sous la Régence de Philippe Duc d'Orléans, pour avoir écrit une Lettre à ce Prince au nom de la Nobleffe, quoique la Noblesse ne fasse point Corps en France.

Douze Evêques ayant fait au Roi, par une Lettre, de très-humbles Remontrances (a) fur la condamnation que le Concile d'Embrun avoit prononcée l'année précedente, contre l'Evêque de Senez, la lettre fut renvoyée aux Evêques, & ces Evêques furent repris d'avoir écrit en Corps au Roi fans la permiffion de Sa Majefté.

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Pouvoir de regler les rangs entre les Citoyens.

'ORDRE public demande enfin que le Souverain ait le

pouvoir de régler le degré de confidération où doit être extérieurement chaque citoyen. La Hierarchie Politique a un ordre qui lui eft aussi naturel qu'à l'Eccléfiaftique le fien & le Réglement des rangs eft une marque fenfible de cet ordre. Il n'eft ni poffible ni néceffaire de diftinguer les hommes par des qualités intérieures. La distinction des rangs, les marques d'honneur, les places que chaque particulier doit occuper tout cela dépend du Souverain.

De particulier à particulier, rien n'eft plus convenable que ces combats de civilité où chacun s'empreffe de marquer du respect aux autres, & rien n'eft fi méprifable, que de contester fur un honneur ftérile. Que la plus folle des deux påsse la premiere (dit Charles-Quint, au fujet d'une difpute que deux (a) Dans le commencement de 1728.

Dames de la Cour eurent pour le pas dans une Eglife) mais les démarches de ceux qui rempliffent les emplois publics, doivent être plus mefurées, & il est d'ailleurs jufte, à parler en général, que chacun conserve son rang dans la fociété. Un Concile général (a) ne fut pas scandalisé de voir des Religieux, combattre pour de vaines prérogatives d'honneur, après avoir folemnellement renoncé aux frivolles vanités du monde, des Cardinaux voulurent bien s'en inftruire, & un Pape ne dédaigna pas d'en être le Juge.

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XXXIII:

Quoiqu'on ne puiffe imaginer aucune concurrence entre le De la préémi Souverain & les fujets, il faut pourtant le dire. De toutes les nence du Souvepréféances, celle du Souverain fur les fujets eft la moins équivoque, parce que la Souveraineté donne, par elle-même, celui qui en eft revêtu, une prééminence de plein droit fur fes fujets. C'eft fans doute une condition plus relevée de commander que d'obéir; de difpofer de la volonté des autres, que d'en dépendre foi-même ; d'être dans la situation de diftribuer des graces, que dans celle d'en folliciter.

Il est évident auffi qu'on eft obligé de marquer un profond refpect pour celui fous les loix de qui l'on vit, & qui tient dans fes mains le pouvoir de contraindre à l'obéiffance ; & il est également manifefte que plus le pouvoir des Souverains est` grand, plus ils font dignes de vénération. L'ancienneté de la Maison régnante & la durée même de fon Empire, quoiqu'elles n'augmentent pas la puissance, ne laiffent pas d'accroître confidérablement l'éclat de la Souveraineté ; mais comme le mérite particulier des Princes peut leur concilier un nouveau dégré de vénération & augmenter celle qui eft dûe à la fplendeur de leur rang, auffi un fujet peut-il être audessus de fon Prince, quant aux qualités du cœur & de l'efprit qui ne donne qu'un droit imparfait à l'honneur.

(4) Celui de Trente.

XXXIV.

Dla proléance des Princes du fang

autres Sujets.

Le Chancelier Bacon remarque qu'il y a divers degrés d'honneur affectés aux feuls Souverains. Premierement, d'être fondateurs de Royaumes, ou de Républiques, comme Romulus, Cyrus, Céfar, Ottoman, Ifmaël. Secondement, les Légiflateurs qu'on appelle auffi feconds fondateurs ou Princes perpétuels, parce qu'ils gouvernent par leurs Loix & par leurs Ordonnances, même après leur mort, tels que Licurgues, Solon, Juftinien, Edgar, Alphonfe de Caftille qui a fait les fept Partitions (a). Dans le troisième rang, les Libérateurs ou ceux qui ont fauvé leur patrie, comme Augufte, Vespafien, Aurélien, Théodoric, Henri VII, Roi d'Angleterre, Henri IV, Roi de France. Enfuite, ceux qui, par de glorieufes guerres, ont augmenté leurs Etats ou qui les ont défendus généreufement contre leurs ennemis. Enfin les Peres de la Justice, c'est-à-dire ceux qui gouvernent avec équité & avec douceur, & qui rende leur fiecle heureux. Il y en a un fi grand nombre dans ces deux derniers rangs ajoute ce Chancelier) qu'il feroit trop long de les nommer (b).

Après le Souverain, il faut mettre fans doute au premier Royal fur tous les rang les Princes de fon fang. Ils font nos fuperieurs & peuvent devenir nos maîtres. On ne peut mieux marquer fon respect au Souverain, qu'en le communiquant à ceux qui ont l'honneur de lui appartenir. Toutes les perfonnes de la famille regnante, placées près du Trône & qui peuvent y monter, participent à fon Etat, & forment un rang fort fupérieur à celui des autres citoyens, en quelques dignités que ceux-ci foient conftitués. I e Roi ayant nommé M. le Duc de Berry à la grande Maîtrise de l'Ordre de S. Lazare, on a fait venir les Bulles de Rome qui prescrivent un ferment au Pape. Ce motif détermina le Grand Confeil à recevoir appellant comme

(a) Las fiete Partidas.

(b) Bacon, dans fes Efsais de Politique & de Morale

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