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Le Concile de Trente a décidé suivant (a), la doctrine de l'Evangile & des Apôtres, que le lien du mariage n'est point l'adultère de l'une des Parties.

réfolu par

La fécondité ne dépendant pas des hommes, la stérilité qui prive du fruit qu'on s'eft propofé du Mariage, n'en réfout pas non plus le lien, foit qu'elle vienne du côté de la femme, foit qu'elle vienne du côté du mari.

X VIII.

folu pour fait

Mais l'une des plus conftantes Loix de l'Eglife, est que tout 11 peut être ré. mariage contracté avec celui qui eft véritablement impuiffant d'impuistance. au tems du mariage, foit homme ou femme, mais impuissant d'une impuissance perpétuelle, eft en lui-même nul & invalide. C'est la décision non seulement des Canons (a), de tous les Canonistes, & de tous les Théologiens fans exception, mais encore celle des Loix civiles (b) & des Jurifconfultes qui ont discuté cette matiere (c). La raison en eft évidente, c'eft que la fin du mariage qui eft la procréation des enfans, ne peut être remplie, lorsque l'un des deux Conjoints eft inkabile à l'action du mariage.

Le.Divorce a été long-tems en usage parmi les Chrétiens, & il a encore lieu parmi les Proteftans qui admettent l'adultère & la désertion militaire, parmi les causes de divorce (d). Parmi les Chrétiens, le divorce légitime eft celui qui se fait par un jugement valable de l'Eglife, lorfqu'elle déclare le mariage nul, & permet aux Conjoints de fe marier à d'au

(a) Par le Canon 7. de la Seffion 24.

b) Can. 13 & 14. Cauf. 27. quæft. 2.

(c) En la Novelle 98 de l'Empereur Léon, il eft dit que cette conjonction ne peut être appellée un mariage dans fon principe: Ne ab initio quidem matrimonium vocari poteft.

(d) Haud conceditur divortium nifi ex caufà fornicationis, five adulterii & defertionis malitiofæ. Carpzovius.

(d) Ant. Hotman, de la diffolution du mariage par impuiflance. Opufc. p.191; Dargentré fur l'Art. 450. de la nouvelle Coutume de Bretagne.

Omnes à Juftiniano præfcriptas caufas ad eum numerum reductas, ut earum hodiè duas tantum genuinas in Ecclefiis noftris admittamus, adulterium nempè & malitiofam defertionem. Stikus.

XIX.

Du Divorce auque nous avons

fubftitué la fépa ration de Corps

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de biens.

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tres. Tel a été le divorce de Charlemagne & de Théodore fille de Didier Roi des Lombards; tel, celui de Louis le jeune & d'Alienor d'Aquitaine; tel celui de Henri IV & de la Reine Marguerite.

Le divorce illégitime eft celui qui fe fait ou fans aucune autorité de l'Eglife, ou par la prévarication de quelques-uns de fes Miniftres, condamnés publiquement par leurs Supérieurs. Tels ont été le divorce de Lothaire & de Theutberge, & celui de Henri VIII Roi d'Angleterre & de Catherine d'Arragon.

Les enfans. nés dans la bonne foi du premier mariage, quoique déclaré nul dans la fuite, peuvent être légitimes; ceux qui naiffent du second mariage, contracté en vertu de la liberté que Dieu en a donnée, font légitimes incontestablement; mais ceux qui naiffent d'un mariage fait à la fuite d'un divorce illégitime, font adultérins.

On a considéré qu'il feroit également déshonnête en foi & nuisible aux fociétés civiles; que le mariage pût être résolu, même du confentement des Parties. Ce n'eft que pour des causes très-importantes que les Loix civiles en avoient permis la réfolution. Les Parties elles-mêmes font d'ailleurs, dans le Contrat civil, des conventions qui y mettent empêchement. La licence des divorces feroit une fource féconde d'adultères. Un homme qui, transporté de quelque paffion, auroit répudié sa femme pour un léger sujet, pourroit se réconcilier avec elle après qu'elle auroit vêcu avec un autre mari. Quel jugement les enfans pourroient-ils faire de leur mere; s'ils la voyoient tour-à-tour prife, chaffée, & reprise! L'état de mariage, état digne, état faint, feroit continuellement profané. Il a donc fallu anéantir l'ufage du divorce, & on a substitué la simple séparation.

Y.

Les membres du corps humain font deftinés à lui demeu

rer

rer unis, tant qu'il jouïra de la vie; & cependant, cette union, quoique naturellement indiffoluble n'empêche pas, s'il en eft de gangrénés, qu'on les fépare du tronc. Nous avons fait, nous Catholiques, quelque chofe de pareil au sujet du mariage. Les mariés font liés irrévocablement. Leur union va jusqu'à l'identité, nulle Puiffance ne fçauroit la rompre. Tout cela eft vrai; & c'eft précisément, parce que cela eft vrai, que tout-à-la- fois, à la honte & pour le fecours de l'humanité, il a fallu chercher, trouver le reméde de la féparation du corps & d'habitation, & déterminer en même tems les causes qui feules pourroient l'opérer. Les Loix Civiles (b) & les Loix Canoniques (a) ordonnent la féparation de corps entre les Conjoints, lorfque le mari bat fréquemment fa femme, qu'il la chaffe de chez lui, qu'il l'accuse d'adultère, qu'il lui refuse des alimens, qu'il met fa vie en danger, ou qu'il lui fait quelque outrage fanglant. Pour opérer cette féparation, il faut communément que les Juges ayent lieu de croire que la vie de la femme feroit en danger, fi elle continuoit de demeurer avec fon mari, ou que le mari fe foit livré à une diffamation publique. Les Juges n'autorisent pas facilement une séparation qui offense l'honnêteté publique, & qui préfente à la fociété les exemples les plus dangereux.

XX.

Des trois espèces

La pluralité des maris & celle des femmes s'appelle Poligamie, & il y a trois efpéces de Poligamies: Poligamie fuccef de Poligamie. five: Poligamie simultanée : Poligamie fucceffive & fimultanée tout ensemble.

(a) Si fuæ vitæ veneno aut gladio aut alio fimili modo infidiantem, fi fe verberibus, quæ ingenuis aliena funt, afficientem maritum probaverit mulier, tunc & repudii beneficio uti quafi neceffario permittunt, & caufas diffidii legibus comprobare. L. 8. au Code. Repudiis.

(b) Si Capitali odio ita mulierem vir perfequatur, quod marito diffidat, fi tanta viri fit fævitia ut mulieri trepidanti non poffit fufficiens fecuritas provideri non folum non debet reftitui, fed ab eo potius amoveri.

Tome IV.

G

La Poligamie fucceffiye réfulte d'un fecond, d'un troisiéme, &c. mariage contracté après que les liens du premier, du fecond, du troifiéme, &c. ont été rompus par la mort de l'un des conjoints. Dans nos mœurs, elle n'a rien d'illégitime.

On appelle Poligamie fimultanée celle du mariage contraЯé par un mari avec deux ou plufieurs femmes, ou par une femme avec deux ou plufieurs maris vivans & liés en même tems. C'est la Poligamie proprement dite, ce qu'on entend ordinairement par le nom de Poligamie. Le Droit Civil & le Droit Canonique condamnent également cette forte de Poligamie.

La Poligamie fucceffive & en même-tems fimultanée est une fuite des divorces. C'eft celle où l'on fe trouve, lorfqu'après avoir été dégagé du lien d'un premier mariage, far les voies Canoniques, on paffe à de fecondes nôces, comme si la premiere femme ou le premier mari qu'on avoit épousé, étoit mort, quoiqu'ils foient encore vivans. Cette troifiéme espèce de Poligamie qui participe de la nature des deux autres, n'est point criminelle, pu que la déclaration que le premier Mariage n'avoit pas été valablement contracté, foit conforme aux Loix établies. Un premier Mariage fe trouvant anéanti, foit avec fondement, foit fans raifon, par le jugement d'un Tribunal légitime, l'autorité de la chofe jugée est un titre fuffifant à l'une & à l'autre des deux Parties, pour paffer à un nouvel engagement. Les enfans nés de ce fecond mariage font légitimes, dans le cas même où l'on parviendroit à rétablir le premier mariage, en faifant rétracter dans la fuite le jugement qui en auroit prononcé la diffolution (a). On en trouve beaucoup d'exemples. (b) J'en rapporterai un très

(4) Le Chapitre Perlatum aux Décrétales Qui filii fint legitimi. Voyez auffi Gonzales & les autres Canoniftes qui ont écrit fur ce chapitre; & Bohemer Tit. Qui filië fint legitim. § 33 & 35.

(b) Voyez Beaumanoir, Coutume de Beauvoifis ch. 18; & Charondas, Ré publique du Droit François, liv. 9 ch. 36.

illuftre, c'eft celui des enfans de Philippe-Augufte & d'Agnès d'Istrie. Ce Prince avoit époufé Infberge fœur de Canut IV Roi de Dannemark. Quelque tems après, il fit rendre par Guillaume, Archevêque de Reims, en qualité de Légat du Saint Siége, une Sentence de divorce pour cause de parenté; & à la faveur de ce divorce irrégulier, il époufa folemnellement Agnès d'Iftrie, fille du Duc de Meranie. Dans la fuite, la Sentence de divorce fut anéantie dans un Concile tenu à Lyon, & Philippe-Auguste ayant repris Infberge fa premiere femme, il fut question de fçavoir si les enfans nés du fecond mariage avec Agnès d'Iftrie étoient légitimes. Malgré la nullité reconnue de la Sentence de divorce, ils furent déclarés tels par le Pape Innocent III, & par les Evêques de France, fur le fondement de la bonne foi de leur mere (a).

Je vais juftifier l'idée que je donne de chacune de ces trois espèces de Poligamie.

X X I. Des fecondes noces ou de la

five.

Chez les Payens, les hommes ni les femmes ne pouvoient paffer à des fecondes nôces, fans fe deshonorer. C'étoit une poligamic fuccefincontinence criminelle, & un défaveu de la foi promise dans les engagemens du premier mariage. La Théologie Payenne ne contribuoit pas peu à accréditer ce préjugé. On s'imaginoit qu'une femme étoit redevable aux manes de fon premier mari, de la fidélité qu'elle lui avoit jurée,

Didon, dans Virgile, laisse entendre que ce feroit un crime contre la foi qu'elle a jurée à fon premier mari, que d'en épouser un autre, & elle paroît difpofée à mourir plutôt que de fe déshonorer par une action si honteuse (b).

(a) Quod juftam credendi caufam habuerit fe juftum iniiffe connubium, quod autore judice Ecclefiaftico initum eft, dit Bohemer in loco citato.

(b)

Ille meos primus qui me fibi junxit amores

Abftulit, ille habeat fecum fervetque fepulchro.

Sans la réfolution que, felon le Poete, Didon avoit prife de ne pas s'affu jettir pour la feconde fois, fous le joug du Mariage, celui d'Enée eût peut-être été, l'unique foibleffe dont fon cœur eût été capable.

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