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IV.
Quel il eft fur

Stadthouder de trois des fept Provinces- Unies, & dont l'autorité étoit fort bornée. Il ne fervit de rien à ce Seigneur, que les trois Provinces Stadthoudériennes, & même l'une des Villes dévaffelées, comme l'on parle en Hollande, fe fussent oppofées à la définféodation. La Province de Zeelande se déclara quitte envers le Prince de Naffau, moyennant un dédommagement qu'elle arbitra en argent, & qu'elle dépofa dans un lieu public, parce que le Prince de Naffau ne voulut point la recevoir (a). Mais cette Province & toutes les autres ayant nommé le Prince de Naffau pour leur Stadthouder, Capitaine & Amiral-Général avec une autorité très-étendue, par une révolution que je raconte ailleurs (b), la Zeelande le rétablit (c) dans tous les droits patrimoniaux, & dans toutes les prérogatives qui lui appartenoient, comme Marquis de Flessingue & de Terveer.

L'Etat ou le Souverain a ce même droit éminent & fupéleurs perfonnes. rieur fur les perfonnes comme fur les biens des sujets : ainsi le Souverain eft en droit de les envoyer faire la guerre, d'exposer leur vie, & de les employer à tout ce qu'il juge à propos, non en se proposant directement la mort de ses sujets mais dans la vûe de repouffer l'ennemi, de défendre l'Etat, de pourvoir au bien public.

V.

De l'obligation

de fe tenir dans le

pofte où l'on a été

placé, quelque rif

que qu'on y courc.

Pour défendre certains poftes, un Commandant nomme les Officiers & les foldats qu'il juge les plus propres à leur défense ; & s'il y a plusieurs fujets qui en foient également capables, il y envoye qui bon lui femble. Ceux fur qui le choix du Commandant eft.tombé, doivent tenir ferme dans le pofte où il les a placés, duffent-ils périr. Que ne devons-nous

(a) Voyez les Remarques de Temple fur l'état des Provinces-Unies, p. 139. Voyez auffi, dans le Corps Univerfel Diplomatique du Droit des Gens, tout ce qui fe paffa au fujet de cette définféodation, II, Partie du Tom. II, du Supplément depuis la page 340 jufqu'à la page 412.

(b) Dans l'Introduction Chap. VI.
(c) Dans le mois de Mai 1747

fa tau Gouvernement ! Il est juste, dans des cas de nécessité qui n'arrivent que rarement, que nous expofions & que nous facrifiions même notre vie pour le falut de la patrie commune, par l'ordre de ceux qui ont l'autorité du commandement. Il vaut beaucoup mieux que, dans les fociétés civiles, nous courions en certains cas, quelques dangers avec plufieurs de nos concitoyens, que d'être expofés continuellement nous seuls à toutes fortes de périls, comme nous le ferions dans la folitude de l'état naturel. C'eft la condition attachée à la protection que nous recevons du Gouvernement, que tout membre concoure à la défense du corps. C'eft la loi de la guerre que tout Officier obéiffe aux ordres du Commandant. Perfonne ne prend le parti des armes, qu'il ne s'engage de fuivre aveuglément les ordres du Général.

Lorsque l'Etat eft menacé d'un péril imminent, s'il ne se réfout à livrer l'un de fes citoyens, pour appaiser la colere d'un Prince puiffant qui en veut à sa vie, l'Etat doit-il le livrer? Il faut, pour réfoudre cette question, établir différentes hypotheses.

Le citoyen qui eft demandé pour avoir commis un crime particulier, peut employer les voies qu'il a d'échaper aux poursuites de ceux qui le veulent perdre, pourvû qu'il le faffe d'une maniere qui n'attire point de mal fur l'Etat d'où il fort, ni fur celui où il va se réfugier. Mais l'Etat dont il est membre doit, fi le crime eft réel, ou le punir, ou le livrer.

Si, pour tirer vengeance d'un crime réputé commun, on demande quelques particuliers qui n'en ont pas été perfonnellement les auteurs, le fort eft la voie la plus équitable pour décider, entre plufieurs perfonnes égales, quelle eft celle qui doit souffrir la peine qu'aucun citoyen ne mérite plus que l'autre. Le fujet fur qui le fort eft tombé, n'auroit aucune raison de refufer de fe foumettre à cette décision.

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pas

On demande un citoyen, ou pour lui ôter la vie, ou pour lui faire fouffrir un grand mal, fous quelque mauvais prétexte, & fans qu'il ait commis aucun crime ni commun ni particulier, l'Etat qui n'a pas le pouvoir de réfifter, s'expofera-t-il à périr pour défendre un citoyen? Cela ne mettroit à couvert l'innocent, qui d'ailleurs n'a aucun droit de prétendre que l'Etat s'expofe pour le fauver. Ceux qui gouvernent doivent tendre au bien commun, & ils ont conféquemment le droit de livrer à un ennemi puiffant qui les menace, un citoyen innocent, s'ils peuvent, par cette voie, fauver la Ville & l'Etat qui gouverne, & s'ils jugent à propos de le faire. En ce cas-là, le malheureux perfécuté n'a de reffource que dans la fuite; mais fi tous fes efforts font inutiles, il doit se réfoudre à fupporter patiemment une infortune où il peut conserver sa conscience pure. Pour ce qui eft de l'Etat, après avoir fait tout fon poffible, pour se garantir du malheur qui le menace, en continuant de protéger le citoyen, ou pour fauver cet innocent en facilitant fa fuite, il peut l'abandonner parce que l'intérêt de ce particulier doit céder à l'intérêt commun de l'Etat, que le Souverain ne doit jamais perdre de vûe. Il est souvent néceffaire de donner des ôtages pour la sûreté peut forcer fes Su- de l'exécution d'un Traité public. Le Souverain pout contraindre quelques-uns de fes sujets à fe mettre, pour cette raison, entre les mains du Prince avec qui il traite, s'il ne se présente perfonne qui offre d'y aller volontairement. Lorfqu'on a affaire à un ennemi dont la puiffance eft fupérieure, qui demande pour ôtages précisément certaines perfonnes, il ne femble pas qu'elles puiffent éluder légitimement cette poursuite; mais s'il eft indifférent & à l'Etat & au Prince avec qui il traite, que les ôtages qu'on donne foient choifis entre plufieurs citoyens d'un même ordre, l'expédient le plus naturel eft encore de les faire tirer au fort. Que files ôtages font donnés pour un espace

VII.

Le Souverain

jets à fe mettre en

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de tems confidérable, il eft jufte de les faire relever par d'autres. L'Etat doit indemnifer les ôtages des pertes & de la dépense extraordinaire qu'ils font, pour être involontairement absent de chez eux; & c'est ce qu'on ne manque jamais de faire.

Voilà ce que je puis dire ici des ôtages relativement au Droit Public. J'ajouterai ce qui a rapport au Droit des Gens dans le Traité particulier de ce Droit.

VIII. Comment les Ci

Outre le pouvoir indirect dont j'ai parlé, que l'on appelle droit éminent & fupérieur de l'Etat, le Souverain a un pou- toyens ont pû convoir direct fur la vie & fur les biens de ses sujets, pour la le droit de vie ou punition des crimes & des délits que troublent la fociété civile. C'est ce qu'on appelle proprement droit de vie & de mort.

Il convient d'entendre d'abord comment les particuliers ont pû, par les conventions qui ont formé les fociétés civiles, conférer au Souverain ce droit de vie ou de mort fur

eux.

La peine est un mal qu'on fait fouffrir à quelqu'un malgré lui, on ne fe punit pas foi-même ; & il femble par conféquent qu'on ne puiffe pas transférer à d'autres un droit que l'on n'a pas. Mais cette difficulté difparoît, fi l'on considére que de même qu'un corps naturel compofé peut avoir des qualités qui ne fe trouvoient dans aucun des corps fimples dont il eft formé, un corps moral peut, en vertu de l'union des perfonnes qui le compofent, avoir certains droits dont aucun des particuliers n'étoit formellement revêtu; & ce font des droits qu'il n'appartient qu'aux Conducteurs de l'Etat d'exercer.

Toute Loi fuppofe un fupérieur qui la fait, & un inférieur qui doit l'exécuter; & néanmoins, auffi-tôt que plůfieurs perfonnes ont foumis leur volonté à celle d'un feul, celui-ci acquiert le droit de prefcrire des Loix à chacune de ces perfonnes: ainfi, bien qu'aucun des membres dont une

de mort.

société se forme, n'ait le droit de s'infliger des peines à luimême; le Souverain le pofféde très-justement sur tous les fujets, par la volonté même de ces fujets.

Tous les hommes font naturellement égaux; & dans l'état de nature, chaque homme eft revêtu du droit de la propre défense, qui consiste à conserver sa vie & ses biens ; de forte qu'il peut résister à un aggreffeur injuste, le forcer à réparer le dommage qu'il a fait, le mettre dans l'impuiffance de nuire, s'il y est disposé. Le droit que chacun a dans le fimple état de nature, par rapport à foi, il l'a auffi par rapport aux autres, autant que cela eft néceffaire pour la fûreté commune des hommes & pour la manutention des Loix naturelles. Lorfqu'un homme en tue un autre, de propos délibéré il mérite d'être détruit. Quiconque me rencontrera me tuera. C'est la voix de la nature que les remords de la conscience arrachoient à Caïn après qu'il eut tué Abel. Chaque homme peut punir un autre homme de l'infraction des Loix naturelles, autant que cela eft néceffaire pour le but qu'on doit se proposer en infligeant des peines. Les Loix même de la nature qui défendent le crime, prescrivent la maniere & le dégré de la punition, & ces Loix font auffi intelligibles & aussi évidentes à quiconque confulte les lumieres de la raison, que les Loix pofitives qui n'ont d'autre fondement que les idées particuliéres des Légiflateurs de la terre.

Dans les fociétés civiles, ce n'eft qu'aux Souverains & aux Magiftrats dépofitaires de fon autorité, qu'il appartient de décerner des peines foit afflictives, foit pécuniaires, contre ceux qui violent les Loix. La confervation du genre humain á demandé qu'on abolît l'égalité de l'état naturel, par l'établissement de la Souveraineté. Chaque membre a renoncé au droit de la propre défense & l'a tranfporté au corps, il s'eft privé de la liberté de défendre ceux que le corps auroit con

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