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la

guerre, par

perte

patrimoine ! Combien d'autres qui perdent tout ce qu'ils ont par un incendie, par un naufrage, par des événemens qu'ils n'ont pû prévoir ni prévenir ! Le mal ou la que des fujets, par exemple, fouffrent à cause des crimes de leurs Princes, font à leur égard, comme les incommodités corporelles, les infirmités de la vieilleffe, le défordre des faifons, la ftérilité, & les autres malheurs, fuites inévitables de la conftitution des chofes humaines.

Il eft des dommages caufés directement, il en eft d'autres qui ne le font qu'accidentellement. L'exemple des premiers, c'est lorsqu'on dépouille quelqu'un d'une chofe à laquelle il avoit déja un droit proprement ainsi nommé. L'exemple des feconds, c'eft lorfque, par accident, l'on prive quelqu'un d'une chofe fur laquelle il ne pouvoit acquérir aucun droit, fans une certaine condition qui vient à manquer. Le premier cas arrive lorfque quelqu'un, creufant un puits dans fon fonds, il y attire les veines d'eau qui fans cela auroient coulé dans la terre de fon voifin. Le fecond, lorfqu'on confifque les biens d'un homme; fes enfans en fouffrent à la vérité, mais ce n'eft pas proprement une peine par rapport à eux, puifque ces biens ne devoient leur appartenir qu'en fuppofant que leur pere les confervât jufqu'à fa mort.

On fait quelquefois fouffrir un mal ou perdre un bien, à l'occafion d'une faute d'autrui, ou en conféquence de ce qu'une autre perfonne n'a pas fatisfait à fes engagemens ; en forte néanmoins que cette faute & ce manque de parole ne font pas la caufe prochaine & véritable de ce que fouffre celui qui n'y avoit point de part, & qu'ils ne donnent pas droit directement de le lui faire fouffrir. C'eft ainfi qu'une caution est souvent condamnée à quelque chofe, lorsque le débiteur pour qui elle a répondu ne tient pas fa parole; mais la cause prochaine & immédiate, pourquoi elle eft obligée de payer

c'est parce qu'elle l'avoit promis. Un homme qui a répondu pour un acquéreur, n'eft pas proprement obligé de payer en vertu du Contrat de vente, mais en vertu de l'engagement volontaire où il eft entré.

Celui qui a cautionné un criminel n'eft pas non plus tenu du fait d'autrui, mais de fa propre promeffe. De là il fuit que le mal qu'on peut légitimement faire fouffrir à un tel répondant, doit être proportionné, non au crime de celui pour qui il a cautionné, mais au pouvoir qu'il avoit lui-même de promettre lorfque le criminel s'eft évadé, il ne faut par conféquent pas faire fouffrir au répondant autant de mal que le criminel méritoit d'en fouffrir, mais feulement autant que le répondant a pû s'engager d'en fouffrir pour l'autre. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un crime capital on ne fçauroit rien exiger d'un répondant, fi ce n'eft qu'il répare le dommage qui en provient, ou qu'il repréfente l'accufé en temps & lieu. Le répondant ne peut jamais s'engager à fubir la peine de mort, parce que perfonne n'a droit de difpofer de fa propre vie. Il n'a pas commis lui-même le crime, & il ne s'en eft pas non plus rendu complice par fon cautionnement. Quel ma y a-t-il ? à vouloir qu'une accufé plaide fa caufe dans un lieu plus commode, qu'il foit traité plus doucement, en attendant qu'on lui prononce fa fentence, ou à promettre de payer l'amende que les Juges lui imposeront, & l'eftimation de ce à quoi le Magiftrat fera monter le préjudice que l'Etat peut avoit reçu, fi le criminel vient à fe dérober par la fuite aux peines portées par les Loix. D'ailleurs, en puniffant de mort le répondant, on ne détourneroit perfonne des crimes femblables à celui de l'accufé, on ne feroit que rendre les hommes plus circonfpects, lorfqu'il s'agiroit de répondre pour un

ami.

Il eft jufte au contraire de punir féverement ceux qui étant

chargés de garder un criminel, le laiffent fauver, ou par un effet de leur négligence, ou parce qu'ils s'entendent avec lui, On ne les punit pas pour le crime d'autrui, mais pour le leur propre.

› par exem

Il est encore d'autres cas où nous fouffrons quelque chofe à l'occafion des crimes ou des délits d'autrui. Si ple, un homme me loge pour me faire plaifir, & qu'on confifque fa maison pour le punir de quelque crime, je fais une perte, parce que mon ami eft mis hors d'état de continuer de m'obliger, & que je fuis forcé de chercher un autre logement dont il me faudra payer le loyer. Ce n'est pas néanmoins pour moi une punition, puifque le Souverain qui a acquis la propriété de la maison, ne fait qu'ufer de fon droit en m'ordonnant d'en fortir,

De même, lorsque les enfans d'un criminel d'Etat font exclus des charges, le pere eft puni par là, & il est la cause que des perfonnes qui lui font cheres font réduites à vivre dans l'obfcurité ; mais ce n'eft pas une peine par rapport aux enfans, puisque les Souverains ayant le pouvoir de donner les emplois de leurs Etats à qui bon leur femble, peuvent, lorfque le bien public le demande, en exclure des gens qu'il en juge indignes. (a).

(4) Voyez, dans la Section fuivante; au Sommaire: Crime de Félonie com ment puni fur le Vaal, ce que je dis de la confifcation des Fiefs.

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Du crime de Lèze-Majefté, de Félonie,& de Péculat.

Fter

XXXIII: Caractére des

AIRE quelque entreprise contre la vie du Prince, traiter avec les ennemis de l'Etat, lever des troupes fabri crimes d'Etave quer de la faufse monnoye, exciter le peuple à la révolte, voilà quels font les crimes de lèze-majefté parmi nous.

Comme nos devoirs envers la patrie renferment tous les autres devoirs, un crime qui attaque ou le Souverain ou l'Etat, a l'atrocité de tous les crimes particuliers. L'ordre des fociétés civiles eft de Dieu même qui veut que les hommes foient gouvernés: ainsi, une confpiration contre l'Etat ou contre le Prince, eft une efpece de facrilége (a). Plufieurs peuples, les Perfes, les Macédoniens, les Carthaginois, vengeoient, par la mort des enfans, les crimes d'Etat commis par les peres (b). C'est à cet ufage que Platon fait allusion dans fon Criton. C'est encore à cet ufage que fe rapporte ce que dit à Priam dans Troye, Sinon, qui se fuppofoit transfuge de l'armée des Grecs. Peut-être hélas ! fera-t-on expier à mes enfans ma fuite de leur fang, & payer mon évafion de leur tête (c).

C'étoit une févérité injufte. Les enfans ne doivent pas être punis perfonnellement les crimes de leurs peres (d),

pour

(4) Proximum facrilegio crimen eft quod Majeftatis dicitur. Leg. 1. in princip. f. ad Leg. Juliam Majeft.

(b) Pour les Perfes, voyez Ammian Marcellin, liv. 23. Ch. 6; Herodot. l. 3; Juftin. L. 10. Ch. 2. Pour les Macédoniens. Quinte-Curce, L. 6. Cap. 11 ; L. 8. C. 6. Pour les Carthaginois, Juftin. L. 21. C. 4.

(c) Quos illi fors ad poenas, ob noftra repofcent

Effugia, & culpam hanc miferorum morte piabunt. Virgil. 2. lib. Æneid. (d) Crimen vel poena paterna nullam maculam filio infligere poteft. Namque anufquifque ex fuo admiffo forti fubjicitur, nec alieni criminis fucceffor conftituitur; idque Divi fratres Hierapolitanis refcripferunt. Digeft. l. 48..Tit. 19. de pa nis, leg. 26. Voyez auffi le Code, lib. 19. Tit. 47. de panis, lege 22.

X XXIV. Comment les cri

mes d'Etat étoient fes, chez les Ma

punis chez les ter

cédoniens, chez les

Carthaginois, chez

les Grecs.

XXXV.

Loi de Majesté

parce que perfonne ne doit l'être pour les crimes d'autrui. A la bonne heure qu'on prive les enfans des biens & des honneurs dont ils auroient hérité, fi leurs peres n'avoient pas été coupables. La crainte de faire ce préjudice à leurs enfans fuffit pour détourner les peres des voies du crime. Pourquoi aller au-delà?

Il y avoit à Rome une Loi de Majefté, contre ceux dont chez les Romains.; la trahison avoit caufé la perte de l'armée, qui avoient excité des féditions parmi le peuple, qui avoient adminiftré infidelement les affaires de la République, ou qui, dans l'exercice de leurs Magiftratures, avoient terni la Majesté du nom Romain. On puniffoit les actions, mais on faifoit peu d'attention aux paroles injurieufes. Augufte fut le premier qui comprit les libelles fous la Loi de Majesté, & Tibère lui donna beaucoup plus d'étendue qu'elle n'en avoit jamais eu (a). C'eft un grand crime fans doute que d'attaquer l'honneur des Citoyens; mais pour en faire un crime d'Etat il falloit établir que c'en étoit un contre le public, & c'est ce qu'Augufte fit pour ôter au peuple la liberté dont il jouiffoit fous l'ancien Gouvernement. Si les injures contre de fimples particuliers étoient des crimes d'Etat, à combien plus forte raifon celles qui attaquoient la perfonne de l'Empereur ! Cette loi qui ne punifsoit auparavant que les actions, Tibère l'étendit aux paroles, & même à des paroles qui n'attaquoient ņi Tibére ni Livie fa mere (b). Ce ne furent donc plus feu lement les actions qui tomberent dans le cas de cette Loi, mais des paroles, des fignes, & des penfées même, car ce

(4) Legem Majeftatis reduxerat (Tiberius) cui nomen apud veteres, idem, fed alia in judicium veniebant. Si quis proditione exercitum aut plebem feditionibus; denique malè geftâ Republicâ majeftatem populi Romani minuiffet. Facta arguebantur, dicta impunè erant. Primus Auguftus cognitionem de famofis libellis, fpecia legis ejus tractavit. Tacit. Annal. lib. 1.

b Sed neque hæc in Principem aut Principis parentem quos lex Majeftatis amplectitur. Tacit. Ann, lib, 4.

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