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II.
De quels mem-

Public regle la maniere dont nos Rois font appellés au Trône, les Priviléges des Corps, les diftinctions & les fonctions des Charges, des Offices, & des emplois publics, les droits, les domaines, les revenus du Souverain, & la police du Royaume. Dans tous les Etats de l'Europe, les Loix fondamentales nommées de l'Etat par excellence, les obligations refpectives des Rois & des Peuples, les regles de la fucceffion à la fouveraineté, & les principes généraux du Gouvernement fe rappor tent au Droit Public.

Toute fociété civile comprend des villes, des bourgs, des sique eft formé; villages, un peuple; elle eft compofée d'un Chef & de plufieurs

bres le Corps Poli

de la double puif

fance & des di- membres, dont les fonctions, les devoirs, & les intérêts font

verfes Sociétés qui

'y trouvent; de différens, mais réunis par le même lien. C'eft le noeud de la

l'harmonie de

entre elles; & de

leur fubordina

tion à la Puiffance publique.

toutes ces parties fociété au bien de laquelle tous doivent également tendre autant que le rang qu'ils y tiennent le demande, & de la maniere qu'il l'exige. L'idée d'un Etat renferme nécessairement celle d'un Souverain qui y commande, d'une nation qui obéit à fes Loix, d'un Confeil que le Prince confulte, d'un ou de plufieurs Miniftres fur lefquels il fe décharge du détail des affaires, & d'une multitude d'Officiers d'épée ou de robe aufquels il confie le commandement des troupes & l'administration de la Juftice. Tout corps de peuple a des Loix, & par conféquent un Législateur qui les fait, des Jurifconfultes qui les expliquent, des Magiftrats qui les font observer, & qui veillent à la manutention d'un ordre qui auroit été établi envain, fi les Officiers ne s'occupoient du foin de le conferver & de travailler de concert au bonheur du peuple, fous l'autorité & les ordres du Prince suprême Légiflateur.

De cette idée générale, il faut defcendre dans le détail. Il y a dans chaque Corps politique deux fortes de Puiffances; l'une domestique, l'autre publique.

La puiffance domeftique eft celle des maris fur les fem

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mes, (a) des peres fur les enfans, (b) des Maîtres fur les domeftiques. Cette autorité refferrée dans les familles, eft foumise à la Puissance Publique dont elle est le premier fondement; & elle en dépend comme la partie, du tout; & elle n'a d'étendue qu'autant que le permet la dépendance où les chefs & les membres des familles font du pouvoir fuprême. C'est au Souverain à maintenir dans de juftes proportions les engagemens qui lient les hommes les uns aux autres; & ceux qui ont une autorité domeftique, lui font comptables de l'empire qu'ils exercent fur des perfonnes qui font elles-mêmes des portions de l'Etat.

La Puiffance Publique eft celle du Souverain fur les Sujets: · (c) Plus générale & plus abfoluë que la domestique, elle pose les fondemens de la fociété, & en regle l'ordre universel. Elle fait les Réglemens néceffaires, & détermine l'ufage des forces, des finances, & du commerce de l'Etat. Elle limite de diverses manieres les droits naturels ou acquis de chaque citoyen, accorde des récompenfes, impofe des peines, & pourvoit à l'administration de la Juftice. Elle partage à diverfes perfonnes les détails du Gouvernement, maintient la paix au dedans de l'Etat, & le défend au dehors des infultes qui en pouroient troubler la tranquillité.

De même que le corps humain à divers membres dont chacun forme en particulier une espèce de corps féparé, la fociété civile renferme auffi plufieurs petites fociétés qui forment chacune comme un état particulier dans l'Etat. De ces fociétés qui font toutes dans la dépendance de la Puiffance Publique,

(a). Vir caput eft mulieris. Ephef. 5. 22. Cor. XI. Sub viti poteftate eris. Genef. III. 16.

(b) Filii obedite parentibus veftris in Domino. Ephe. VI. 1. Qui timet Dominum honorat parentes, & quasi dominis ferviet his qui fe genuerunt. Eccl III. 8.

(c) In unam quamque gentem præpofuit Re&torem. Ecclef. XVII. 14.

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les unes font fimples & primitives, les autres compofées & dérivées.

Dans la fociété civile, il y a trois fortes de fociétés fimples & primitives, celle du mari & de la femme, celle du pere & des enfans, celle du maître & des domeftiques. On appelle ces fociétés simples, parce qu'elles ne font pas compofées d'autres fociétés plus petites. On les appelle primitives, parce qu'elles ont précédé l'origine de l'Etat civil, & qu'on ne sçauroit concevoir aucune forte de Gouvernement civil, qu'on n'ait conçû auparavant ces fociétés fimples & primitives qui ont précédé la formation des Etats dont elles font la fource. Le Droit économique & domeftique des maris fur leurs femmes, des peres fur leurs enfans, des maîtres fur leurs domeftiques, ne vient donc point de la Puiffance Publique, quoiqu'il lui foit foumis; il l'a précédée, & l'unité du peuple s'eft formée de la renonciation que chaque homme a fait de sa propre volonté qu'il a réunie à celle du Souverain.

Il y a auffi dans la fociété civile plusieurs fociétés compofées & dérivées. On divife communément les personnes qui compofent une fociété civile en trois ordres, que dans chaque pays on appelle les Trois Etats. Ces trois ordres font le Clergé, la Nobleffe, & le Tiers-Etat. Le Clergé forme ordinairement le premier ordre; Et c'eft le respect pour la Religion qui a placé fes Miniftres dans le premier rang. La Nobleffe y forme le fecond, & les Gentilshommes font regardés dans tous les pays comme la partie illuftre de l'Etat. Tel eft l'usage de France, imité de celui qui s'obfervoit dans les Gaules dont les habitans étoient diftingués en Druides, gens de cheval, & menu peuple. Les trois Etats de Venise font les Nobles, les Citadins, & la populace. Mais il y a des pays où les paysans, portion du peuple injuftement méprisée ailleurs, font un quatriéme ordre; telle eft l'Autriche fupérieure, telle eft la Suede où lą

Nobleffe forme le premier ordre, & où le Clergé ne fait que le second. Il est encore d'autres peuples qui font divifés en quatre ordres; telle eft la Bohème, où le premier ordre eft celui des Prélats & Capitulaires de la Métropolitaine; le second eft compofé des Princes, Comtes, & Seigneurs. Dans le troifiéme entrent les Chevaliers ; & ce font les Députés des Villes qui compofent le quatrième. En Angleterre, le Clergé n'eft point féparé de la Nobleffe, & ne fait point un corps qui en foit diftingué dans les Etats généraux du Royaume; les Evêques & les Pairs y forment la chambre haute ; Et les députés du peuple, la chambre baffe. Ces diverfes Sociétés, on les appelle compofées, , parce qu'il y en a un grand nombre & que les espèces en font différentes. On les appelle dérivées, parce qu'elles découlent de l'établissement de l'Etat civil, & qu'elles ne l'ont pas précédé, mais fuivi. Ces fociétés compofées & dérivées viennent donc de la Puiffance Publique qui les gouverne.

Ces divers Ordres se subdivisent en Corps, Communautés, Colléges, & Compagnies.

Le Clergé général se subdivise dans les Etats Catholiques, en Chapitres, Colléges, & Monaftères, en Archevêques Evêques, & Curés, Prêtres & Religieux; & les Eccléfiaftiques, qui ont presque partout de grands priviléges, font diftingués entre eux fuivant le titre de leur dignité & felon l'ufage de chaque pays.

Les Gentilshommes jouiffent des diverfes diftinctions qu'ils tiennent de la conceffion du Prince, des priviléges de leur naissance, ou des droits attachés à leurs terres & à leurs emplois. Ils forment différens Corps, felon les divers usages des Provinces & les diverfes formes de Gouvernement.

Les Officiers de Judicature, de Police, & de Finance, les 'Avocats, les Médecins, les Notaires, les Procureurs, les Bourgeois, les gens de commerce & de métier, & les Labou

III. Partage des ma

entrer dans la

Traité.

reurs forment le troisième ordre qu'on appelle le Tiers-Etat. On range fous cet ordre tous ceux qui ne font ni Eccléfiaftiques ni Gentilshommes ; & comme en France, les Magiftrats font tirés tant du Clergé & de la Nobleffe que du TiersEtat, fans faire un quatriéme ordre, nous regardons les Tribunaux qu'ils compofent, comme des Corps mixtes qui ont leurs diftinctions particulieres, & qui participent aux distinctions & aux Charges des trois Ordres. Le Tiers-Etat fe fubdivise auffi en plufieurs corps, comme les Compagnies de Juftice, les Communautés des Villes, les Facultés de Droit & de Médecine, les Corps de métier, & plufieurs autres qui font tous gouvernés par les loix que la Puiffance Publique a ou établies ou autorisées.

Après ces premiéres notions fur la forme des Sociétés Civitières qui doivent les, pour expliquer le Droit Public, je diviferai ce Volume en compofition de ce neuf Chapitres. Dans le premier, je traiterai du Gouvernement Economique; dans le fecond, de la Souveraineté considérée en général, par rapport à fon origine, à fes objets, à fes modifications, à fes effets. Dans le troisième, de la Souveraineté confidérée en particulier par rapport au Pouvoir légiflatif. Dans le quatrième, du Pouvoir Judiciaire. Dans le cinquième, du Pouvoir coactif. Dans le fixième, de tous les autres Pouvoirs de la Souveraineté. Dans le féptième, de la Sujettion & des Droits des Citoyens aufquels un étranger ne participe pas. Dans le huitième, du Sacre & du Couronnement des Rois, de leur minorité & de leur majorité, des Tuteurs des Rois & des Régens des Royaumes. Dans le dernier, des devoirs des Sou verains & des Sujets.

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