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Les peines temporelles n'étant pas fuffifantes pour détourner les parricides des Rois, dans un tems où l'un des plus grands & des meilleurs Princes qui ayent porté la Couronne, venoit d'être affaffiné à Paris, la Chambre Eccléfiaftique des Etats Généraux de France renouvella & fit publier le Decret que je viens de rapporter (a).

La Faculté de Sorbonne a décidé que ce feroit un crime horible que d'attenter à la vie d'un Roi, se portât-il aux plus étranges excès (d).

En voilà plus qu'il n'en faut pour établir une vérité que la Religion feule rend digne de la vénération de tous les hommes.

(a) Etats Généraux de France convoqués en 1614. La publication que je dis eft de 1615.

(b) Conclufion de la Sorbonne en 1626.

LA SCIENCE

D U

GOUVERNEMENT.

DROIT PUBLIC.

CHAPITRE TROISIÉ ME.
Du Pouvoir Législatif.

SECTION PREMIERE
Origine & caractére des Loix.

I.
Motifs du pon-

ES paffions bien réglées font néceffaires à la con-
servation de l'homme, mais les paffions déréglées voir Législatif.
tendent à fa deftruction totale. La colére en veut

à fa vie, l'ambition à fa liberté, l'avarice à fes biens, l'envie à son mérite ou à fes fuccès, la concupifcence à fon honneur & à fa vertu. Il a donc fallu armer la juftice & la raison contre les paffions déréglées, & c'est ce qu'on a exécuté en leur oppofant l'ordre politique, comme une barriére contre la fureur de leurs attaques. Les hommes avoient besoin d'un frein, & les Loix font venues au fecours de leur foible raison.

L'Etat eft un Corps moral qui n'a qu'une feule volonté ; il eft par conféquent néceffaire qu'il y ait des marques certaines à quoi les êtres phyfiques qui compofent ce Corps moral, qui font partagés en divers fentimens, & qui ont diverfes inclinations, puiffent reconnoître la volonté fuprême du Corps à laquelle ils doivent réunir la leur. L'intérêt public a voulu que le Souverain réglât ce que chaque particulier doit regarder comme fien ou comme appartenant à autrui, ce que chaque Citoyen doit tenir pour jufte ou pour injufte ; jufqu'à quel point il conferve fa liberté naturelle; & comment il doit ufer de fes droits, pour ne pas troubler l'ordre public.

La Majefté fouveraine doit être non feulement ornée de la puiffance des armes, mais armée de la juftice des Loix afin que, dans l'un & dans l'autre tems de la guerre & de la paix, l'Etat foit maintenu dans la fplendeur (a). Il n'eût

pas fuffi que le Prince ou les Magiftrats qu'il établit, déci

daffent les affaires felon l'ufage. Il a fallu que l'Etat eût des regles générales de conduite, afin que le Gouvernement fût conftant & uniforme.

Telle eft l'origine du pouvoir de porter des Loix, d'en faire de nouvelles, & d'abroger les anciennes, c'est une propriété effentiélle à la Souveraineté. Il est également jufte & néceffaire que le Prince en foit le maître, comme le pilote l'est du gouvernail qui deviendroit entiérement inutile, s'il ne lui étoit permis de le tourner fuivant la disposition des vents. S'il falloit chaque fois demander les avis de ceux qui font dans le vaiffeau, il feroit plutôt fubmergé que l'on n'auroit pû les confulter.

(4) Imperatoriam majeftatem non folum armis decoratam ; fed etiam legibus oportet effe armatam " ut utrumque tempus & bellorum & pacis rectè poflit gubernari. Préf. des Inflit, de Juftinien.

Ce

Ce pouvoir Législatif n'exifte que dans la puiffance Souveraine. Si les Coutumes que les befoins établissent infenfiblement dans les différentes parties d'un Etat, peuvent être regardées comme des Loix, ce n'eft que parce que la perpétuité de leur observation fait présumer qu'elles font connues du Souverain, & que n'en ayant pas arrêté le cours, il est cenfé leur avoir imprimé l'autorité de la Loi par un

confentement tacite.

On appelle donc Loix les Ordonnances, par lefquelles le Souverain prescrit à tous les citoyens en général & à chacun d'eux en particulier, la maniére dont ils doivent fe conduire pour l'intérêt du Corps entier, & par conféquent pour celui de chacun de fes membres.

Cicéron dit que de très-fçavans hommes définissoient la Loi une premiere raifon imprimée dans la nature, qui prefcrit les chofes à faire & qui défend celles à éviter; & il ajoute de fon chef, que cette même raison, quand elle a reçu fon accroiffement & fa perfection dans l'efprit de l'homme eft la Loi (a).

Elle eft la regle, cette Loi, de toutes les actions des hommes, elle est inflexible & inéxorable (b), au lieu que les volontés des hommes font variables & incertaines; elle eft fans intérêt comme fans paffion, fans tache & fans corruption; elle parle fans déguisement & fans flatterie; elle raffemble les lumiéres les plus pures de la raifon, elle fuit les principes de l'équité naturelle, elle fait la gloire du Souverain & le bonheur du peuple.

La Loi commande, défend, permet, punit, récompense. Elle commande le bien, elle défend le mal, elle permet ce

(a) Ut iidem (doctiffimi viri) definiunt; Lex eft ratio fumma infita in naturâ ; qua jubet ea quæ facienda funt, prohibetque contraria. Eadem ratio, cum eft in hominis mente confervata & confecta, lex eft. Cicer. de Legib. lib. 1.

(b) Lex furda & inexorabilis magistra.

Tome IV.

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point d'effet ré

roactif.

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