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fpirituelle de Jefus - Chrift, par la défaite du Démon, par prédication de la parole, par les combats de la patience contre les péchés & contre la puiffance du fiécle, &c. Tout cela montre que Dieu procéde dans la Religion Chrétienne, tout autrement que dans la Juive; que les manieres extérieures & temporelles de l'une répugnent à la nature de l'autre; & qu'ainfi la résistance faite aux Princes, par voie de fait, pour le Judaïfme, bien loin d'être imitable fous le Christianisme, en renverferoit le but & le grand deffein } qui eft de vaincre le mal par le bien, de gagner l'efprit & le cœur, & de fouffrir tout pour Jefus-Chrift, fans attacher fa confcience ni fon falut à aucune chofe fenfible.

Dans la nouvelle Loi, Jefus-Chrift commande de rendre à Céfar ce qui appartient à Céfar; & à Dieu ce qui appartient à Dieu (a); & c'eft fous Tibère; non feulement înfidéle, mais méchant, qu'il donna cette inftruction aux Juifs: paroles qui font affez entendre que les Chrétiens doivent aux Princes une entiere obéiffance, quand même ils en fouffri roient toutes fortes de mauvais traitemens.

St. Paul, expliquant plus au long, la pensée de fon Maître, ordonne à tous les fidéles Chrétiens de rendre l'obéiffance à ceux à qui ils la doivent, le tribut à celui à qui le tribut est dû, la foumiffion à qui la foumiffion est dûe (b). Les principes dont il tire cette conclufion, font que toutes les Puiffances ont été établies par l'ordre de Dieu; que quiconque réfifte aux Puiffances réfifte à l'ordre de Dieu; que ceux qui résistent à cet ordre, fe rendent sujets à la condamnation; que les Rois font les Miniftres de Dieu; & qu'on doit leur être foumis, non feulement par néceffité ou par

(a) Matth. 22. verf. 21. Reddite ergo quæ funt Cæfaris, Cæfari; & quæ funt Dei, Deo.

(b) Rom. 13. Reddite omnibus debita, cui vectigal, vectigal; cui timorem, timorem; cui honorem, honorem. crainte,

crainte, mais auffi par devoir & par confcience, non seulement par la crainte des hommes, mais encore par la crainte de Dieu en forte qu'il renferme dans la foumiffion qui est dûe aux Puissances, l'obligation de ne jamais leur résister. Le même Apôtre, dans l'Epître à Tite (a), recommande à cet Evêque d'apprendre aux Chrétiens à être foumis aux Princes & aux Puiffances..

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L'Apôtre Saint Pierre ordonne aux Chrétiens d'être foumis (b) en vue de Dieu, à tous ceux qui ont l'autorité en main; au Roi, comme à celui qui eft au-dessus de tous les autres; aux Gouverneurs & aux Magiftrats qu'il envoye & qu'il établit, parce que telle eft la volonté de Dieu. Le même Apôtre, en commandant d'honorer les Rois, avertit les efclaves d'obéir à leurs maîtres non feulement à ceux qui font bons & doux, mais aussi à ceux qui font de mauvaife humeur (c). Car, dit-il, on mérite en fouffrant injustement de mauvais traitemens pour fatisfaire à fa con» science & à l'ordre de Dieu. Quelle gloire y a-t-il à les » fouffrir, quand on a mal fait? Mais fi en faisant bien, » vous les fouffrez patiemment, c'eft là véritablement un » mérite devant Dieu.

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(a) Rom. 13. Omnis anima poteftatibus fublimioribus fubdita fit. Non eft enim poteftas nifi à Deo; quæ autem funt à Deo, ordinata funt. Itaque qui refiftit poteftati, Dei ordinationi refiftit. Qui autem refiftunt nifi fibi damnationem acquirunt, nam Principes non funt, timori boni operis fed mali. Vis autem non timere poteftatem, bonum fac & habebis laudem ex illà. Dei enim Minifter eft tibi in bonum. Si autem malum feceris, time, non enim fine causâ gladium portat. Dei enim Minister eft, vindex in iram ei qui malum agit. Ideò neceffitate fubditi estote non folum propter iram, fed etiam propter conscientiam. Ideò enim & tributa præftatis: Miniftri enim Dei funt, in hoc ipfum fervientes. (b) Petr. Ep. 1. C. 2. verf. 13. Subjecti eftote omni creaturæ humanæ propter Deum five Regi quafi præcellenti: five ducibus, tanquam ab eo miffis ad vin dictam malefactorum, laudem verò bonorum, quia fic voluntas Dei.

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(d) B. Petri, Ep. 1. C. 2. verf. 17. Omnes honorate, fraternitatem diligite, Deum timete, Regem honorificate: fervi fubditi eftote, in omni timore, Dominis non tantum bonis & modeftis, fed etiam dyfcolis. Hæc eft enim gratia, fi propter Dei confcientiam fuftinet quis triftitias, patiens injuftè. Quæ eft glorias peccantes & colaphifati fuffertis fed fi benè facientes patienter fuftinetis, hæc aft enim gratia apud Deum,

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CIII. Par la Tradition des Chrétiens,

La Tradition des anciens Chrétiens, prouvée par la pratique, eft conforme à ces maximes.

Quoique les Empereurs Romains fuffent les ennemis du Chriftianifme & le perfécutaffent injuftement, jamais les Chrétiens, quelque puiffans qu'ils fuffent par leur multitude, n'ont rien entrepris & ne fe font joints à ceux qui fe révoltoient contre ces Princes Payens.

L'Empereur Commode fut tué par la conjuration de Martia sa maîtresse, de Lætus Capitaine de ses Gardes, & d'Electus fon Chambellan, Parthenius maffacra Domitien; Plautius, Préfet du Prétoire, attenta fur la vie de Sévère, contre qui Pefcennius Niger & Claudius Albinus fe révoltérent auffi. Toutes ces perfidies, toutes ces cruautés, quoique commifes contre des Empereurs indignes de ce nom & ennemis de l'Eglife, furent détestées par les Chrétiens. » On nous décrie (dit Tertullien) comme fi nous étions ennemis de l'Empereur, & toutefois on n'a pû encore trouver un feul » Chrétien dans le parti ni d'Albin, ni de Niger, ni de Caffius (a). » D'où viennent (ajoute ce Pere)` (b) les Caf» fius, les Nigers, les Albins, & les autres ennemis des » Céfars? Ce font des Romains, mais ce ne font pas des >> Chrétiens. »

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Qu'on ne croie pas que les Chrétiens de ce tems-là manquaffent de force pour résister aux violences qu'on exerçoit contr'eux, & que c'eft la raifon pour laquelle ils étoient obligés de les fouffrir patiemment. Ecoutons ce que remarque là-dessus Tertullien. » Les forces des Chrétiens font fi grandes ( dit-il ) » qu'en une feule nuit ils pourroient avec de fimples flam» beaux, tirer une vengeance complette de leurs ennemis

(a) Circa majeftatem Imperatoris infamamur, tamen numquam Albiniani, vel Nigriniani, vel Caffiani inveniri potuerunt Chriftiani. Tertull. ad Scapul (b) Dans l'Apologetique.

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s'il leur étoit permis de rendre le mal pour le mal; mais » à Dieu ne plaise que cette fecte toute divine foit vengée

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par un feu humain, ou qu'elle fe repente de fouffrir celui qui l'éprouve. Quant au lieu de nous venger fecrettement, » nous voudrions ( ajoute-t-il ) nous découvrir pour ennemis déclarés, manquerions-nous de troupes nombreuses. Eft» ce que les Maures, les Marcomans, les Parthes même, & » tous les autres ennemis font plus puiffans que nous? Ce font des Nations & des peuples renfermés dans leur pays, & nous fommes par tout au milieu de vous, dans vos villes, dans vos ifles, dans vos Châteaux, dans vos camps, dans vos armées, » dans le Palais de l'Empereur, dans le Sénat, dans le barreau. Il n'y a que les Temples qui ne nous foient pas communs » avec vous. Quelles guerres ne ferions nous pas en état de foutenir, quand même nous ne ferions pas égaux en nombre, nous qui nous laiffons tuer avec tant de courage, fi » notre Religion ne nous apprenoit à nous laiffer tuer plutôr que de tuer (a).

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Ce ne fut donc pas par impuiffance ou par foibleffe que les premiers Chrétiens fouffrirent avec patience les perfécutions des Empereurs. Ce ne fut pas parce qu'ils étoient hors d'état de fe défendre & de réfifter, qu'ils ne fe révoltérent pas. Ce fut parce qu'ils étoient perfuadés qu'un point effentiel de leur Religion les obligeoit de fouffrir plutôt que de se révolter

(a) Vires nobis funt tantæ ut una nox, pauculis faculis, largitatem ultionis potuiffet operari, fi malum malo disjungi per nos licuiffet; fed abfit ut aut igne humano vindicetur divina fecta, aut doleat pati in quo probatur. Si enim hoftes & apertos non tantum vindices occultos agere vellemus, deeffet nobis vis numerorum & copiarum? plures nimirùm Mauri & Marcomani, ipfique Parthi, vel quantumcumque unius tamen loci & fuorum finium gentes quam totius orbis hoftem fuum & veftra omnia implevimus, urbes, infulas, caftella, municipia, Conciliabula, caftra ipfa, Tribus, Decurias, Palatium, Senatum, forum. Sola vobis relinquimus Templa cui bello non idonei, non prompti fuiffemus, etiam copiis impares, qui tam libenter trucidamur, fi non apud iftam difciplinam magis occidi liceret quam occidere. Tertull. in Apologet.

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contre les Puiffances, imitant en cela Jefus-Chrift qui, pouvant faire venir, comme il le dit, des Légions d'Anges à fon fecours, aima mieux fouffrir le fupplice de la Croix, pour nous donner un exemple de patience

» Si quelqu'un de nous (dit Grégoire de Tours parlant à » l'un de nos Rois) blesse la justice, vous pouvez l'en punir; » mais fi c'est vous qui la violez, perfonne ne peut vous reprendre. Nous pouvons vous faire des Remontrances, vous » nous écoutez fi vous le voulez; mais si vous ne voulez pas y avoir égard, qui vous condamnera, fi ce n'eft celui qui eft la justice même (a)?

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Le Concile de Conftance a fait un Decret exprès fur le fujet que je difcute. Le voici: » Le Saint Concile convoqué » pour l'extirpation des héréfies, y pouryoyant, averti qu'au préjudice de notre fainte foi, des bonnes mœurs, & de lạ tranquillité des Etats & au fcandale du public, aucuns dogmatifent qu'il eft non- feulement loisible, mais méri»toire à tout vaffal & fujet d'ôter la vie d'un Tyran par tra» hison, entreprise, ou en quelque forte & maniére que ce foit, nonobftant quelque obligation ou ferment de fidélité » par lui jurée, & fans qu'il foit befoin fur ce attendre déclara» tion mandement, ni ordre de justice, désirant abolir de fond » en comble telles maximes, l'affaire mise en délibération, déclare telle doctrine pleine d'erreur en la foi & ès mœurs; » la condamne comme hérétique, scandaleuse, & introductive de trahison, féditions, & perfidies, tous ceux qui opi» niatrément la foutiennent hérétiques, & comme tels punis fables fuivant les Saints Décrets (b),

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(a). Si quis ex nobis, ô Rex, juftitiæ tramitem tranfcendere voluerit, à te corripi poteft; fi verò tu excefferis, quis te corripiet? loquimur enim tibi, fed fi volueris, audis ; fi autem nolueris, quis te damnabit, nifi is qui fe pronuntia vit effe juftitiam ?

(b) XV. Seffion du Concile de Conftance

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