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Commiffaires de France & ceux de Modène. La dot conftituée par le Roi fut payée, celle conftituée par le Régent ne le fut qu'en partie. La Princeffe de Modène prétendit que toute renonciation faite par une fille, lors de fon mariage, aux fucceffions directes & collatérales, devient fans effet & est radicalement nulle, lorsque la dot en considération & fous la condition de laquelle la renonciation a été faite, n'a pas été payée avant la mort du pere donateur. Elle demanda d'être admife au partage des biens des fucceffions, tant du Duc d'Orléans fon pere, que de la Princesse de Beaujolois sa fœur. On lui oppofa que c'étoit le Roi qui avoit disposé de la Princeffe, & qui avoit dicté la loi fous laquelle il avoit voulu que le Mariage fût contracté, ce qui tiroit ce Contrat de la claffe des Mariages ordinaires ; & par Arrêt de la Grand', Chambre du Parlement de Paris (a), il fut donné Acte au Duc d'Orléans de l'offre qu'il avoit fait de payer ce qui reftoit à payer de la dot de la Princeffe de Modène; il fut condamné, de fon confentement, à payer ce fupplément, & la Princeffe de Modène fut déclarée non recevable dans fa demande.

Enfin, dans le Contrat de Mariage de Louise - Elizabeth 'd'Orléans, fille du même Prince Philippe, Duc d'Orléans, Régent de France, qui épousa (b) Louis premier; alors Prince des Afturies & depuis Roi d'Espagne; le Roi feul difpofe encore de fa perfonne & des conditions fous lesquelles il la marie. Le Roi lui conftitue en dot la fomme de soo mille écus d'or, & ce pour lui tenir lieu de tous droits paternels maternels, & autres qui pourroient lui écheoir, auxquels elle a renoncé & renonce en faveur du Duc de Chartres fon frere, enfuite Duc d'Orléans. Le Régent vient à la fuite & lui fait un don de 40 mille écus de pierreries qui devoient lui être déli

a) Du 5 de Septembre 1737. (b) Le 16 de Novembre 1721.

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vrées lors de fon passage en Espagne, mais qui font également étrangeres & à la dot & à la renonciation.

Dans quelques-uns de ces Mariages, la renonciation eft faite aux droits échus, comme aux droits à écheoir; dans d'autres, la renonciation est faite, même aux droits à écheoir, non au profit des defcendans de ceux aux fucceffions defquelles il eft renoncé, mais au profit du Roi. Dans prefque tous, c'est le Roi qui dote feul, & c'eft uniquement en confidération de la dot conftituée par le Roi, que la renonciation aux fucceffions directes & collatérales fe trouve faite. Quel eft le principe de ces difpofitions? Il n'a rien que de jufte & qui ne foit conforme à l'ordre public. Ce n'eft pas que, dans les cas ordinaires & entre particuliers, fi qualifiés qu'ils peuvent être d'ailleurs, il fut permis de confondre, dans une renonciation, des droits échus & à écheoir; ce n'est pas qu'un collatéral ou un étranger pût, au moyen d'une dot par lui conftituée, ftipuler une renonciation à fon profit, ce n'est pas qu'il pût même la faire valoir en faveur des freres de l'épouse qui n'auroit point été dotée par fes pere & mere. C'est que le Roi n'eft, à l'égard d'une Princeffe de fon fang, ni un étranger ni un collatéral; c'eft que, comme Souverain, il eft le pere de tous fes Sujets; c'est que, comme Chef de la Maison Royale, il en eft la fource, auffi bien que de tous les Domaines & effets qui composent le patrimoine des Princes du Sang Royal; c'eft que, comme Roi, il eft en droit, disons plus, il est obligé d'ordonner, dans les conventions qui regardent les Princes & Princeffes du Sang, de tout ce qui intéresse le bien de fon Etat, auquel ces conventions ne peuvent jamais être étrangeres.

Voilà les renonciations hors d'atteinte dans notre Droit public. Examinons-les dans les principes du Droit des gens, qui font les feuls qui puiffent-être admis dans la queftion que nous allons traiter..

Les Loix qui relevent les enfans des renonciations faites à leur préjudice par leurs peres & meres dans le pays où il y en a de telles, ne font que des régles pour les particuliers, citoyens dans un Etat où les loix ont été faites ou adoptées; mais les Princes Souverains font eux-mêmes légiflateurs & s'engagent à l'obfervation des loix qu'ils font. Une renonciation entre des Souverains eft irrévocable dans tous les lieux. Il n'en eft pas des Princes comme des particuliers qui font fujets aux Loix obfervées dans les pays où ils vivent. Les Souverains au-deffus des Loix Civiles peuvent les changer, ils n'y font pas aftreints après qu'ils ont changé ou qu'ils ont fait des Contrats contraires qui leur tiennent lieu de Loix. L'intérêt public a des régles différentes de l'intérêt particulier, & il n'est point de lieu en Europe où une renonciation qui entre dans le Droit des gens ne foit hors d'atteinte. La fureté de l'Europe eft une Loi Souveraine & fans replique fous laquelle les intérêts les plus importans des Princes plient. Il y a un Droit étroit & privé qui fonde les diftinctions du tien & du mien, & donne aux particuliers la faculté, le domaine la propriété de tout ce qu'ils poffédent; mais il y a un autre Droit principal & fupérieur, qui est la fource, la régle & l'interprète infaillible du Droit des particuliers & de toutes les Loix qui l'ont pour objet. Ce Droit éminent dont je traiterai par la fuite de cet Ouvrage, réside dans la communauté ou dans le Prince qui la représente & qui agit en fon nom. Il régle toujours & abforbe quelquefois le Droit privé & commun des particuliers, lorsqu'il est nécessaire pour le bien du tout. De-là l'axiôme; que le falut public foit la Loi fuprême. Cette Loi fuprême juftifie d'ailleurs des difpofitions contraires à la difpofition de toutes les loix particulieres ; il eft bien jufte qu'une partie qui dépend du tout céde fon propre bien au bien de

tout.

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LXV.

L'autorité du

Il eft indubitable que l'autorité du Prince, celle des Etats, Prince, celle des & celle des Princes étrangers, rendent valable dans tous les Princes étrangers, cas & dans toutes les circonftances une renonciation au pré dans tous les cas la judice des defcendans de celui qui a renoncé, quand même

Eta's, & celle des

rendent valable

Jenonciation au

péjudice def

Pélice des de cette renonciation feroit condamnée entre les particuliers par les Loix Civiles du pays.

cendans celui qui a renoncé.

Je fçai que l'on peut dire que le Prince n'a point de Jurifdiction contre le droit de fon Succeffeur, & qu'il ne peut par conféquent l'en priver. Je fçais que l'on peut fuppofer que l'autorité des Etats est également impuiffante, & qu'une fois que le peuple a transporté fon droit au Prince & à la Famille Royale, il n'a plus le pouvoir de difpofer d'une Couronne fucceffive, tant que la Famille Royale fubfifte; que la voix de la Nation ne doit être écoutée que quand on veut lui donner un maître qu'elle ne doit pas avoir, fuivant les Loix fondamentales de l'Etat, ou qu'on veut lui en ôter un que les mêmes Loix appellent au Trône, même que fon fuffrage ne fçauroit fervir de regle quand fa voix s'éleve au-deffus des Loix je fçais enfin que l'on peut prétendre que l'intervention des Princes étrangers ne fçauroit non plus rendre la renonciation valable, & que le concours des Puiffances étrangeres peut bien être la marque de l'intérêt des Etats voisins, mais qu'il ne fçauroit être la regle du droit d'un Souverain qui eft indépendant de ces Etats.

Ces propofitions prifes féparément font vraies jufqu'à un certain point dans le Droit privé d'un Etat. Un Prince ne peut, de fon autorité, priver fon Succeffeur de fes droits, La Nation, liée à tous les Membres de la Famille Royale, ne le peut pas non plus toute feule indépendamment du Prince; mais fi l'on rapproche ces trois faits, concours du Prince, concours du Peuple, concours des Puiffances étrangeres, il fera impoffible de douter qu'une renonciation où

ces trois circonftances auront concouru, ne puiffe juftement être opposée à tous les descendans de celui qui l'a faite. C'est une propofition inconteftable, non feulement dans le Droit 'des Gens, mais dans le Droit Public de chaque Etat. L'autorité du Prince, l'approbation du peuple, l'intérêt des autres Etats rendent valable entre les Souverains & chez toutes les Nations, un acte même qui ne le feroit point entre des particuliers. Loin d'être foumis à aucune Loi particuliere, ces fortes de Contrats font eux-mêmes des Loix générales. II faut rappeller ici ce que je dirai dans la Section fuivante fur l'autorité de la Nation, & les principes du Droit des Gens que j'établirai dans mon fixiéme Volume.

N'eft-ce pas pour le peuple que toutes les Loix ont été faites? N'eft-ce pas l'intérêt public qui en doit déterminer ou la durée ou l'abolition? Il eft fouvent de l'intérêt d'un Etat que les Loix fondamentales en foient changées. Par quelle voie le feront- elles, fi celles où font réunis l'autorité du Souverain, le concours du peuple, & l'intervention des Puiffances étrangères eft impuiffante.

Pour compter le fuffrage des Puiffances étrangeres, je ne perds pas de vue que c'eft un traité de Droit, & non pas un ouvrage politique que je compofe; mais c'est que je parle d'un cas où ces Puiffances font devenues Parties interéffées au jugement qu'il faut faire des renonciations.

Que fi l'on dit qu'il n'eft pas question ici de fçavoir ce qui convient ou ne convient pas à l'intérêt de l'Europe en général, ou de quelque Prince en particulier, & qu'il ne s'y agit que de connoître à qui une Souverainteté appartient en confultant la regle & la raison, la réponse sera simple. La vraie regle, c'est le bien public univerfel, c'est l'intérêt des peuples. La vraie raison, c'eft la paix à laquelle tous les Etats font intéreffés, c'eft l'execution des engagemens

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