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juge à propos; mais s'il n'en a point difpofé, il faut suivre la regle ordinaire de la Souveraineté dont il est question, fans que le droit d'aîneffe puiffe recevoir aucune atteinte de la diftinction entre la vie privée du pere & fa vie publique. Il faut dire la même chofe pour les Couronnes héréditaires & fucceffives, c'eft la Loi faite pour ces Couronnes qu'il faut fuivre, fans avoir aucun égard à cette diftinction de la vie privée & de la vie publique du pere. Elle est frivole: Les enfans, en venant au monde, acquiérent tous le droit d'hériter des biens que leur pere aura au tems de fa mort; & il feroit fingulier qu'ils n'en héritaffent pas pour être nés de bonne heure.

XLVIII. Si le Souverain peut exhéréder fon

Pour finir cette Section, il ne reste plus qu'à examiner fi le Souverain peut exhéréder celui qui doit lui fuccéder, & héritier. cette question fe décide en un mot, par la distinction que je viens de faire entre les Etats patrimoniaux & les fucceffifs. Il n'est pas douteux qu'un Souverain ne puisse priver fon héritier d'un Etat patrimonial, puisque tout Etat patrimonial est aliénable, mais il ne peut le priver des Etats qui ne font pas patrimoniaux, parce que les Etats fucceffifs font inaliénables.

Un fils aîné ne peut être deshérité par le Roi fon pere, parce qu'il ne tient pas la Couronne de lui, mais du fang & de la Coutume (a).

XLIX. Pour affurer la

aux

Couronnes, il faut

que les Reines ac

couchent comme en public, & que

Les Registres de Baptême font destinés chez la plupart des peuples à former les titres de l'état des hommes, & fucceffion c'est la possession publique où chaque individu eft de la place qu'il occupe dans fa famille & dans la fociété, qui foutient & qui confirme ce titre. Si cela est néceffaire pour les particuliers, à combien plus forte raison pour les Princes!

(a Filius major non capit regnum à patre, fed à genere & primis inftituentibus regnum, feu confuetudine, ex que infertur quod non poffit à patre exhære dari quoad fucceffionem regni. Lopez

la

mort des Prin

ces foit constatée par des monumens dont la vérité ne puiffe être contredite.

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Il est d'une extrême conféquence pour le bien des Royaumes, que l'on connoisse avec la plus grande certitude qu'il foit poffible d'avoir en ce genre, fi ceux qui fe préfentent à ces auguftes fucceffions, font véritablement les enfans des Princes qu'ils appellent leurs peres. Le droit d'hériter d'une Couronne étant attaché à la naiffance, il eft néceffaire que l'état du Prince qui veut l'exercer foit conftant, autant qu'il peut l'être. On ne fçauroit trop prendre de précautions pour l'affurer. Combien de fois n'a-t-on pas voulu faire paffer pour fuppofés les enfans des Souverains?

Baudouin Bellebarbe, Comte de Flandres, qui avoit fçu qu'on répandoit parmi le peuple que la groffeffe d'Ogine de Luxembourg fa femme étoit fausse, fit publier que l'accouchement de la Comtesse se feroit en public, & que toutes les Dames qui voudroient y affifter en auroient la liberté & il fit dreffer au milieu de la place d'Arras un lit fous un pavillon où la Princeffe accoucha publiquement, à la vue d'un très-grand nombre de femmes.

Dans un pareil cas, l'Empereur Henri fit (a) accoucher publiquement Conftance Reine de Sicile, son épouse, dans la plaine de Palerme.

Philippe V, Roi d'Espagne prit une pareille précaution, à la naissance du Prince des Afturies (b). Tous les Miniftres étrangers furent admis dans la chambre de la Reine.

C'est l'usage de prefque toutes les Cours de l'Europe, de prendre des précautions qui afsûrent la vérité contre les artifices des ufurpateurs. Tous les Princes du Sang & tous les Grands Officiers de la Couronne font appellés à l'accouchement qui fe fait en public.

La mort des Princes ne doit pas être conftatée moins

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autentiquement que leur naissance, parce que les ufurpateurs fuppofent quelquefois que des Princes morts font vivans. Il a paru en Macédoine un Philippe, en Judée un Alexandre, en Turquie un Muftapha, en Mofcovie quatre Démétrius & ailleurs mille autres impofteurs qui, à la faveur de quelque ressemblance de taille & de vifage, ont troublé la paix des Etats.

SECTION

VIII.

Si le Souverain peut aliéner fes Etats en tout

D

ou en partie.

Es principes que je viens d'établir, il fuit que le Souverain peut aliéner le Royaume patrimonial, dans fon tout comme dans fes parties.

L.

Le Souverain Royaume patri

aliéner le fuccef

Mais il ne peut, de fon autorité, céder le Royaume établi par un confentement volontaire du Peuple. L'aliénabilité peut aliener le entraîneroit avec foi la vénalité, & l'autorité fouveraine s'aché- monial. Il ne peut teroit à prix d'argent. Quel avilissemeut pour les peuples! Ils fif. n'ont promis l'obéiffance qu'à un tel maître dont ils connoiffoient l'affection & la puiffance, & l'on ne peut, par conféquent les foumettre à une autre, fi leur volonté ne concourt avec celle du maître qu'ils s'étoient donnés. Les Etats ne peuvent se transporter fans l'aveu des peuples, & les Sujets ne font point des efclaves dont on puiffe faire un commerce. Cette puissance fouveraine que les Princes ont fur leurs Sujets, & l'obligation réciproque du Seigneur & du Vassal qui en eft la fuite, ne peuvent fe réfoudre que par un mutuel confentement. Par la même raison que les fujets ne peuvent dépouiller le Roi malgré lui de la Couronne, lorfqu'ils la lui ont une fois donnée, les Sujets, lorfque le Souverain aliéne fa

LI. L'intervention

Souveraineté, fans le concours du peuple, ne font pas tenus de se soumettre à la domination du Prince à qui il la céde, Ils ne font pas obligés de garder à celui qui acquiert le Royaume par cette voie, une foi qu'ils ne lui ont pas donnée.

Un Jurifconfulte célèbre a dit, qu'il n'est pas permis à perfonne de céder un droit que les Loix lui donnent, autant pour la considération d'un tiers que pour la fienne (a). L'aliénation ou la diminution de la Couronne eft réprouvée par les Loix de prefque tous les Etats du Monde. La dot ne peut être aliénée par le mari (b), & la Couronne eft comme une dot indivisible que la République a portée au Prince pour lui aider à en fupporter les charges. De même qu'un mari n'a pas le droit de diffiper la dot de fa femme, un Souverain n'a pas celui d'aliéner ni de démembrer fa Couronne.

Il faut voir les principes que j'ai établis & les exemples que j'ai rapportés à ce fujet dans la fixième fection de ce Chapitre.

Şi l'aliénation n'eft que d'une partie du Royaume, il faut du peuple eft né- que le confentement de la Nation concoure avec celui du Roi, aliénation, & que le peuple du pays qu'on veut aliéner, y confente lui

ceffaire à toute

même.

Ce dernier confentement eft même plus néceffaire que les deux autres, parce que ceux qui ont formé les fociétés civiles ou qui font entrés volontairement dans quelque état déjà formé, fe font engagés les uns envers les autres à ne reconnoître qu'un feul & même Gouvernement, tant qu'ils voudroient demeurer dans les terres de l'Etat qu'ils ont formé. En vertu d'une telle convention, chacun a acquis le droit de n'être ni banni, ni foumis à une domination étrangère, à moins

(a) Quod Lex mihi dedit, non tam meâ causâ quam alienâ, & fruftra renùng cio. Cujas.

(b) Lex Julia de fundo dotali,

qu'il ne vint à y être juftement condamné en punition de quelque crime. D'autre part, tous les citoyens en général ont auffi acquis, par cette même convention, un droit sur chaque particulier, en vertu duquel personne ne peut se soumettre à un Gouvernement étranger, ni se souftraire à celui de l'Etat, tant qu'il demeure dans les terres de fon obéiffance.

Les Corps moraux étant formés par le confentement des membres qui les compofent, c'est par l'intention de ceux qui les ont fondés, qu'il faut juger du pouvoir qu'a tout le corps fur chacune de ses parties: or on ne sçauroit raisonnablement préfumer que les fondateurs des fociétés civiles ayent prétendu que le corps eût droit de retrancher, à son gré, quelques-unes de fes parties, & de les transporter & de les transporter à une autre

Maître.

LII. L'intervention

rain y eft également néceffaire.

Le changement de domination dans un Etat feudataire ne peut fe faire que les droits du Seigneur Suzerain n'y foient du Seigneur Suzeintéreffés, puifqu'on y change l'ordre de fucceffion réglé par la premiere inveftiture. Ce changement ne fçauroit par conféquent être valable, fi le Seigneur Suzerain ne l'a autorifé.

Aucune partie de l'Etat ne peut donc fe détacher du corps, & aucune partie du peuple ne peut paffer fous la domination du Vainqueur; mais quelle régle fuivre, fi l'on eft preffé par un péril extrême, & s'il eft impoffible qu'on fe conferve fans fe foumettre à une nouvelle domination? Il n'y en a d'autre que de fuivre la Loi que la néceffité impose. Dans toutes les conventions, on excepte toujours, finon expreffément; au moins tacitement, le cas d'une extrême néceffité qui donne droit à chacun de se tirer d'affaire comme il peut. Blâme-t-on une Ville qui, après s'être défendue, autant qu'il a été pofsible, se rend à l'ennemi plutôt que de fe laiffer faccager. Ceux qui ont formé les fociétés civiles, avoient, avant que Tome IV. Hh

LIII.
La néceffité ré-

fultant de la guer

re peut autorifer

une partie du peudomination du

la

ple, à paffer fous Vainqueur

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