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XXIX.

La maniére d'ac

veraineté Arif

pas toujours uni

forme.

Il arrive quelquefois que des Sujets révoltés, après avoir chaffé le Prince ou les Sénateurs qui les gouvernoient, établiffent parmi eux un Gouvernement Démocratique; mais il ne fuit pas de-là qu'il y ait une différence physique entre ceux qui commandent & ceux qui obéiffent. On ne peut pas même raisonnablement dire dans ce cas-là, que le Peuple se foit rendu Souverain de lui-même par la force, car cela fuppoferoit que les Sujets refufoient de fe foumettre volontairement, au lieu que le changement dont je parle est l'ouvrage de leur volonté & qu'on ne peut pas fuppofer l'acquifition du Pouvoir fuprême, fans fuppofer que celui qui l'acquiert eft une perfonne différente de celles qui doivent obéir au Souverain. La maniére d'établir une Souveraineté Démocratique eft donc toujours uniforme, quoique ces Etats populaires, une fois formés, puiffent s'aggrandir par les armes auffi-bien que les autres Etats.

Il n'en eft pas de même d'une Souveraineté Ariftocratiquérir une Sou- que, elle s'établit de diverses maniéres. Quelquefois la multocratique n'eft titude confie le Gouvernement à un Confeil Souverain, com pofé d'un certain nombre de Sénateurs choifis à cause de leur extraction ou de leur fortune, ou par quelqu'autre avantage qui les diftingue des autres Citoyens. Quelquefois, ces Sénateurs s'emparent eux-mêmes du Gouvernement par la force. Quelquefois enfin, les places qui viennent à vaquer par la mort de quelques-uns des Sénateurs, font remplies, dans certains Etats, par la voie de l'élection, au lieu qu'en d'autres la naissance feule donne entrée au Confeil.

Quatre voies

XXX. La maniére d'acquérir une Souveraineté Monarchique eft une encore plus diverfifiée. Les Princes montent fur le Trône

d'acquérir Souveraineté Monarchique.

par quatre différentes voies.

I. Par droit de conquête. J'examinerai dans la fuite les effets de ce droit.

II. Par droit d'élection, lorfqu'un peuple défigne un Souverain pour être gouverné. C'est par cette voie que montent fur le Trône les Princes qui tiennent leur autorité du consentement volontaire du peuple.

III. Par droit de fucceffion ou parfaitement héréditaire comme dans un Etat patrimonial, ou improprement héréditaire & fimplement linéal, comme dans un Etat fucceffif & non patrimonial. J'expliquerai dans la Section fuivante la différence qu'il y a entre l'un & l'autre de ces Etats.

IV. Par teftament, donation, vente, ou échange; car ces maniéres de difpofer de la Souveraineté peuvent être légitimes, fuivant la nature de la Souveraineté ; & c'eft auffi ce que j'expliquerai bientôt.

A ces quatre maniéres d'acquérir des Etats. I. Le droit de conquête. II. Le droit d'élection. III. Le droit héréditaire ou fucceffif. IV. Les droits des teftamens, des donations, des ventes ou des échanges, répondent exactement quatre maniéres de les perdre. I. Le droit de la guerre. II. L'abandon volontaire, III. La mort du poffeffeur. IV. Les con

ventions,

XXXI.
II eft quatre ma

niéres de perdre

des Etats, comme

quatre maniéres

d'en acquérir.

SECTION
I ON V I.

Des diverfes fortes de Monarchies ou de Principautés.

XXXII. Trois fortes de

Principautés

L Es Princes poffédent la Souveraineté à un titre plein & entier, qui leur en laiffe la libre difpofition, ou à des Monarchies ou de conditions qui ne leur permettent pas d'en difpofer. Des Rois poffédent leur Royaume à titre d'élection; d'autres, comme un patrimoine dont ils peuvent difpofer. Quelques-uns ne portent la Couronne que comme en ayant l'ufufruit; & leur droit eft borné à leurs perfonnes.

Tome IV.

Bb

XXXIII. Monarchies ou

Ces diverses maniéres de pofféder la Souveraineté suppofent trois fortes de Monarchies ou de Principautés : les électives, les patrimoniales ou parfaitement héréditaires, les fucceffives & linéales ou improprement héréditaires.

On entend que le droit d'élection dans le peuple eft exclufif de tout droit de fucceffion. Quant aux Etats qui ne font pas électifs & qu'on appelle héréditaires, ils font de deux espèces, les uns absolument patrimoniaux & les autres fimplement fucceffifs. Les patrimoniaux ressemblent aux biens libres, aux poffeffions propres des particuliers. Les fucceffifs font semblables à des biens fubftitués (a). Comme il y à deux fortes de Principautés, il y a auffi deux fortes de fucceffions, l'une eft héréditaire, l'autre eft feulement linéale, & c'est ce que je vais expliquer.

Il y a deux fortes d'élections, l'une tout-à-fait libre, l'auPrincipautés élec- tre gênée à certains égards.

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L'élection eft tout-à-fait libre, lorfque les Electeurs peuvent choifir qui ils jugent à propos fans exception.

L'élection est gênée à certains égards, lorfque les Electeurs doivent fixer leur choix fur des perfonnes d'une certaine Nation, d'une certaine Religion, d'une certaine Famille, ou qui ayent certaines qualités particuliéres. Le peuple confére quelquefois le droit d'élire à un petit nombre de gens de la Nation aufquels il prefcrit quelques regles. En ce cas-là, l'élection n'est pas entiérement libre, par rapport à ceux qui la font immédiatement. En d'autres lieux, le droit de fucceffion entre pour quelque chofe dans l'élec

(a) Sicut rerum quædam poffidentur patrimonialiter, ut domus......... quæ dam nullatenus, ut dignitates, Imperium. Ita duplex fucceffio, una patrimonialis per tranfmiffionem data...... alia fimplex, nullatenùs patrimonialis nec hæredi taria, fed per remotionem alterius à re vel loco. Proindè dicitur fucceffio alterius id eft fucceffiva poffeffio, & hæc habet locum in dignitatibus, Imperio. Hine notandum aliud effe fuccedere in regno & Principatu hæreditario, aliud jure Legis, proximitatis, vel primogenituræ. Joann. de Terra rubea, Traftat, contr. rebe!. Tom. I.

tion, puifque la Couronne y paffe ordinairement aux héritiers du Prince décédé, de telle forte néanmoins que le confentement du peuple ou des Grands du Royaume intervient dans l'élevation du Succeffeur, non pas comme une fimple inauguration ou un fimple hommage, mais comme une dé→ claration qu'ils ne trouvent rien dans le fils qui le rende indigne de fuccéder à fon pere. Au refte, fi l'on considére le droit d'élection comme originairement attaché à un peuple, toute élection par elle-même eft entiérement libre, parce que le même peuple qui exclud certain ordre de personnes de la Souveraineté, peut dans la fuite en faire des Sujets éligibles, en changeant fon premier Réglement.

Dans l'une & dans l'autre forte d'élection, dès que la délibération du peuple ou de ceux qui le repréfentent a été annoncée au Prince élu & qu'elle en a été acceptée, l'autorité Souveraine lui eft dévolue, & le peuple eft tenu de lui obéir dans l'étendue qu'on a donnée à l'élection qui fait tout fon droit.

L'élection se fait ou par un peuple naiffant ou par un peuple déja formé. Dans le premier cas, après la convention originaire & la délibération prife fur la forme de Gouvernement, le peuple procéde à l'élection en Corps ou par Députés en forte qu'auffitôt que la convention entre le peuple & le Roi élu eft arrêtée, il en résulte une Monarchie parfaite. Mais dans une Monarchie déja formée, il peut arriver que le Roi meure fans qu'on ait nommé son Succeffeur, & alors il y a interregne.

:

Le terme de Patrimoine ne fignifie pas tant les biens dont on a hérité de ses peres, que ceux qu'on pofféde avec un plein droit de propriété. C'eft ce que je vais faire entendre. Ce droit a précifément & originairement les chofes pour objet. Elles compoférent d'abord les biens patrimoniaux, &

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de-là vient qu'encore aujourd'hui on regarde ce que chacun pofféde comme fon patrimoine, parce qu'en effet rien n'empêche que celui à qui quelque chofe appartient ne s'en ferve & ne le confume même à fon gré. Par fucceffion de tems, ́on en vint peu-à-peu à mettre les efclaves au nombre des biens patrimoniaux, parce que les maîtres s'étoient approprié leurs perfonnes. L'on regardoit le bien & le mal qui arrivoient à un esclave, comme tournant à l'avantage ou au préjudice de fon maître plutôt qu'au fien. Les peres de famille ne mirent pas au nombre de leurs biens, leurs femmes & leurs enfans, parce que le pouvoir qu'ils avoient fur eux fe rapportoit à l'avantage des femmes & des enfans, & non à celui des peres de famille. Dans la fuite, l'attrait du commandement fit compter parmi les biens patrimoniaux le droit de commander aux hommes, & l'on commença à regarder comme tels les Royaumes qui avoient été poffédés avec un plein pouvoir de les aliéner.

Le pouvoir d'aliéner qui paroît le caractére le plus effentiel d'une véritable propriété, fe trouve rarement dans les Souverainetés. Il eft en effet peu convenable que les grandes Principautés & les Royaumes, ces Corps nobles & auguftes qui doivent durer éternellement, dépendent de la disposition variable d'un homme mortel & fragile.

Un Etat et patrimonial dans trois cas. I. Lorfqu'il eft la conquête de celui qui le pofféde. II. Lorsque les peuples qui ont choisi un Souverain, ont confenti qu'il pût aliéner la Couronne. III. Lorsqu'un Prince n'a confenti à recevoir un peuple fous fa domination, qu'à condition qu'il pourroit difpofer de la Souveraineté.

Que le vainqueur ait droit de difpofer de fa conquête fupposée légitime, cela ne peut être l'objet d'un doute raifonnable. Il est également certain que fi la convention entre le Prince

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