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Peuples, a été forcé d'ajouter ces mots : mais elle vient aussi de Dieu, lequel fe fert du confentement des Peuples, comme d'un moyen très-légitime pour la communiquer aux Rois.

On doit rapporter à Dieu non feulement les établissemens faits immédiatement par fon ordre, fans l'intervention d'aucun acte humain, mais encore ceux que les hommes ont inventé eux-mêmes par les lumiéres de la droite raison, felon que les circonftances des tems & des lieux le demandoient, pour s'acquitter des obligations qui leur font impofées par la Loi divine. Or, fans le Gouvernement civil, on n'auroit pû commodément pratiquer les devoirs de la Loi naturelle, depuis la multiplication du genre humain. De cela feul que la lumiére naturelle a montré aux hommes que l'établissement des fociétés civiles étoit néceffaire à la confervation, à l'ordre, & au repos du genre humain, il fuit que Dieu, en tant qu'auteur de la Loi naturelle, doit être regardé comme auteur des Loix civiles, & par conféquent du pouvoir Souverain, fans lequel elles ne fçauroient être

conçues.

Toute puiffance vient de Dieu, la Puiffance civile tire par conféquent fon origine de la Divinité comme de la fource d'où découle toute Puiffance. » Que toute ame soit fou» mise aux Puiffances Souveraines ( dit l'Apôtre ), car il n'y » a point de Puiffance qui ne foit de Dieu; toutes celles qui » font, c'est Dieu qui les a établies: ainfi qui résiste à la » Puiffance résiste à l'ordre de Dieu (a).

L'Apôtre n'appelle point les Princes Miniftres du Peuple, mais Ministrés de Dieu, parce qu'ils ne tiennent leur puiffance que de Dieu,

Il n'y a point de Commandement divin qui prescrive une Conflitution d'Etat plutôt qu'une autre. Les hommes peu

(a) Rom, XIII, 1, 2,

vent, à leur gré, choisir entre la Monarchie, l'Aristocratie, & la Démocratie, felon qu'ils le jugent plus convenable à l'Etat où ils fe trouvent. Mais c'est Dieu, fuprême modérateur des Empires, qui donne aux Souverains le droit de légiflation pour gouverner leurs Sujets : ainsi tout Gouvernement eft ordonné de Dieu, quoique la forme foit du choix des hommes.

Comme le choix de ceux qui élifent l'Evêque n'eft pas ce qui le fait Evêque, & qu'il faut que l'autorité Pastorale de Jefus-Chrift lui foit communiquée par fon ordination, ce n'eft pas auffi le confentement des peuples qui fait les Rois, c'est la communication que Dieu leur donne de fa Puiffance, qui les établit Rois légitimes, & qui leur acquiert un droit véritable fur leurs Sujets. Le Pape inftitue les Evêques en leur donnant des Bulles, comme le Métropolitain les établissoit autrefois; mais le Pape ne donne pas la Jurifdiction à l'Evêque; & le Métropolitain ne la lui donnoit pas non plus. Ce n'eft jamais celui qui établit quelqu'un dans un Office en titre qui lui donne fon pouvoir. C'eft celui qui a attaché à ce titre le pouvoir qui lui eft propre. Ainfi, c'est des Rois que les Officiers de Judicature & de Guerre reçoivent ce qu'ils ont de pouvoir, parce que ce n'eft qu'aux Rois qu'appartient le droit de vie & de mort, & ils l'exercent par ceux qui rempliffent les Charges aufquelles les Rois l'ont attaché. Ainfi, c'eft de Dieu, Monarque du Monde, que les Souverains reçoivent leur autorité, comme les Magiftrats & les autres Officiers reçoivent la leur des Souverains. Ainfi, ceux qui élifent le Pape, qui l'ordonnent, & qui l'établiffent fur la Chaire de St. Pierre, ne lui donnent pas fon pouvoir. Quand ce feroit un Concile Général qui établiroit un Pape, le Pape tiendroit fon pouvoir de Jefus-Chrift qui a attaché au Siége de St. Pierre les droits effentiels dont ce Siége jouit.

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Le confentement libre ou forcé, exprès ou tacite d'un Peuple à la domination d'un ou de plusieurs, peut bien être un canal par où découle l'autorité fuprême; mais il n'en est pas la fource. Ce confentement n'eft qu'une fimple déclaration de la volonté de Dieu, qui manifefte par-là à qui il veut que fon autorité foit confiée.

Toutes les voies par lefquelles les hommes parviennent à la Puissance fuprême, droit héréditaire, droit d'élection, droit de conquête, ne font que les causes occafionnelles, pour parler comme la Philosophie moderne. Dieu feul dépofe l'un & éleve l'autre ; il influe, par fa Providence fouveraine & univerfelle, fur tous les confeils des hommes, & fait ou avorter ou réuffir leurs entreprises, felon fes deffeins éternels. Toutes les Puissances qui font fur la Terre, c'eft Dieu qui les a établies, quoique tout ufage de la puiffance & toute voie qui y conduit ne foient pas de lui. Si l'on voit le Gouvernement dégénérer en tyrannie, en factions, ce n'est qu'aux paffions des hommes qu'il faut attribuer ces défordres, qui font directement contraires à l'inftitution primitive des Etats. Une Sageffe fupérieure fçait tout faire rentrer dans l'ordre, & faire fervir les paffions même des hommes à l'exécution de fes deffeins toujours pleins d'équité & de juftice.

Nous refpectons l'Empereur, difoit Tertullien, comme celui qui eft le second après Dieu, qui tient de Dieu tout ce qu'il eft, & qui n'eft inférieur qu'à Dieu feul (a).

Le Sacerdoce & l'Empire, ces dons fi excellens que Dieu a faits aux hommes, procédent d'un feul & même principe, dit un Empereur Romain (b). Dieu n'eft pas moins le For

(a) Colimus Imperatorem..... ut hominem à Deo fecundum, & quidquid eft à Deo confecutum & folo Deo minorem. Tertull. ad fcapul. N. 2.

(b) Maxima quidem in hominibus funt dona Dei à fupremâ collata clementiâ, Sacerdotium & Imperium, & illud quidem divinis miniftrans, hoc autem humanis> præfidens...... ex uno eodemque principio utraque procedentia. Juft. Nov. 6.

dateur des fociétés civiles, que le Créateur de notre être il les a formées & les maintient fous fa protection, en forte que ceux qui en rompent les liens ne font pas moins criminels de léze-Majefté divine, que de léze-Majefté humaine, ni moins expofés à la juftice du Ciel, qu'à la vengeance des

hommes.

Un Jurifconfulte François (a) nous apprend qu'un Avocat du Parlement de Paris ayant dit en plaidant, que le peuple de Françe avoit transféré en la perfonne de fon Roi toute fa puiffance, de même que le peuple Romain avoit dépofé toute la fienne à fes Empereurs (b), les Gens du Roi fe levérent & demandérent au Parlement que ces termes fuffent fupprimés, remontrant que jamais les Rois de France n'ont tenu leur puiffance du peuple. Le Parlement défendit à cet Avocat d'ufer de telles paroles, & il ne lui fut plus permis de plaider aucune cause.

Quelque jaloufe que foit la Nation Polonoife du droit d'élire fes Rois, elle n'en pense pas moins que c'est de Dieu qu'ils tiennent leur autorité. C'est en ces termes remarqua¬ bles que fe fait, par l'Archevêque de Gnefne Primat du Royaume, la proclamation du Roi élû : » Au nom du Sei»gneur, je nomme N. N. pour Roi de Pologne & Grand» Duc de Lithuanie, & je supplie le Roi céleste de vouloir bien foutenir par fa grace, dans l'exercice de cette haute dignité, celui que de toute éternité il a destiné pour ré»gner fur cette Nation, & qu'il lui plaise de rendre cette élection heureuse & favorable à la République & falutaire » à la Religion Catholique.

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La Nation Suédoife qui élit auffi fes Rois, a, fur ce fujet,

(a) Bodin, de la République, lib. 6. p. 748.

(b) Alléguant la loi de Conftitution. Principum ff. où il eft dit : Lege regiá que de ejus imperio lata eft, populus ei & in eum omnem fuam poteftatem contulit.

les mêmes idées que la Polonoise. Dès que le Roi de Suéde a été facré, il eft élevé fur un Trône, pour recevoir les hommages de fon Peuple, & l'Archevêque d'Upfal l'y plaçant, lui adreffe ces paroles: Soyez affis fur le Trône, & rempliTez la place où Dieu vous appelle (a).

C'est l'intérêt du repos public, c'est la néceffité d'un frein pour arrêter la licence des crimes, c'est la raifon qui a établi la distinction des Domaines & fondé les Sociétés. Dieu à qui rien n'eft caché, avoit prévu, on ne dit pas qu'un Etat, qu'une ville, qu'un bourg, qu'un village, mais qu'une feule maison ne pourroit fubfifter fans gouvernement. De-là, l'Empire qu'il donna, lors de la création du Monde, fur tous les animaux, à l'homme fait à fon image. De-là, l'empire Dieu lui-même a exercé visiblement. De-là, l'empire les Puiffances humaines exercent en fon nom fur toutes les Nations.

que

que

SECTION V.

A quels titres la Souveraineté peut être établie, acquife, & poffédée; & comment on peut la perdre.

L

XXVIII.
La maniere

veraineté Démo.

cratique et tou

jours la même,

A maniéré d'établir une Souveraineté Démocratique est toujours uniforme. C'est toujours une multitude de per- d'ét blir une Sou fonnes libres, qui, affemblées pour former un Etat, foumettent à la pluralité des voix, le droit de regler toutes les affaires qui regardent l'intérêt commun. Dans ces Etats populaires, ceux qui commandent & ceux qui obéifsent ne différent que par une relation morale. Ce font phyfiquement les mêmes perfonnes.

(a) Sta & retine locum tibi à Deo delegatum

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