Page images
PDF
EPUB

XXV.

Dieu a exercé

fible l'autorité du

Monarque y paffoient pour des termes fynonimes, & qu'on y regardoit les perfonnes qui avoient d'autres idées comme des Sujets mécontens & des Chrétiens peu orthodoxes (a).

Quelques Auteurs foutiennent que l'autorité des Souverains tire fon origine du peuple, & de ce que chaque particulier a cedé à une feule perfonne ou à plufieurs le droit qu'il avoit de régler fes propres actions à fon gré, & le pouvoir qui étoit en lui de se défendre contre tous ceux qui l'attaqueroient en fa perfonne ou en fes biens (b).

D'autres en plus grand nombre prétendent enfin que les Souverains reçoivent leur autorité de Dieu même (c). Je vais essayer d'établir cette dernière opinion, car c'est celle à laquelle je me range.

Dieu donna un précepte à Adam, lui déclara fous quelle d'une maniere vi- peine il vouloit que ce premier homme le pratiquât, lui déGouvernement. nonça qu'il avoit encouru la peine de mort, & le bannit. Il fe déclara visiblement en faveur du Sacrifice d'Abel contre celui de Caïn, qu'il reprit de fa jalousie (d). Dès que ce malheureux a tué fon frere, il l'appelle en jugement; il l'interroge & le convainc de fon crime; il s'en réserve la vengeance; il donne à Caïn une espèce de fauve-garde, un figne pour empêcher qu'aucun homme n'attente fur lui (e). Ce font là autant de fonctions de la puiffance publique.

Il donne enfuite des Loix à Noë & à tous fes enfans. Il leur défend le fang & les meurtres, & leur ordonne de peupler la terre.

il

Il conduit de la même forte Abraham, Ifaac, & Jacob (f) gouverne lui-même fon peuple dans le défert, il en eft

(a) Le Chevalier Blakmore, dans fon Effai fur la Loi Naturelle,

b) Sidney & plufieurs autres.

Grotius, Puffendorff, Boffuet, Blakmore, Pelz-hoffer, Ramfay, & mille autres Auteurs.

[blocks in formation]

!

le Roi, le Légiflateur, le Conducteur. Il donne le fignal pour camper & pour décamper, & régle ce qui concerne & la guerre & la paix.

Il affemble fon Peuple, il lui fait propofer la loi par laquelle il établissoit le droit facré & profane, public & particulier de la Nation, & l'en fait convenir en fa présence. Moyfe convoque tout le Peuple, & comme il lui avoit déja lû tous les articles de cette Loi, il lui dit: » Gardez les paro» les de ce pace & les accompliffez, afin que vous entendiez » ce que vous avez à faire. Vous êtes tous ici devant le

Seigneur votre Dieu; vos Chefs, vos Tribus, vos Séna»teurs, vos Docteurs, tout le peuple d'Ifraël, vos enfans » & vos femmes, & l'étranger qui fe trouve mêlé avec vous » dans le camp, afin que tous ensemble vous vous obligiez à » l'alliance du Seigneur & au ferment qu'il fait avec vous, » que vous foyez fon Peuple, & qu'il foit votre Dieu, & » il ne fait pas ce Traité avec vous feul, mais il le fait pour » tous préfens & abfens ». Moyse reçoit ce Traité au nom de tout le Peuple qui lui avoit donné fon confentement. J'ai été (dit-il) le Médiateur entre Dieu & vous, & le Dépofitaire des paroles qu'il vous donnoit, & vous à lui. Tout le Peuple confent expreffément au Traité. Les Lévites difent à haute voix: Maudit celui qui ne demeurera pas ferme dans toutes les paroles de cette Loi & ne les accomplira pas. Tout le Peuple répond : Qu'il foit ainfi. Dieu n'avoit pas befoin du confentement des hommes pour autorifer fa Loi, puifqu'il eft leur Créateur, & qu'il peut les obliger à ce qu'il lui plaît; & néanmoins, pour rendre la Loi plus folemnelle & plus ferme il les oblige par un Traité exprès & volontaire. Ce traité avoit un double effet, il uniffoit le peuple à Dieu, & il l'unissoit en foi. Le Peuple ne pouvoit s'unir par une fociété inviolable, fi le Traité n'étoit fait en présence d'une puiffance Supérieure,

XXV.
Dieu a établi

des Rois.

telle que celle de Dieu protecteur naturel de la fociété humaine, inévitable vengeur de toute contravention à la Loi; mais lorsque les hommes s'obligent à Dieu, lui promettant de garder, tant envers lui qu'entre eux tous, les articles de la Loi qu'il leur propofe, la convention autorisée par une Puiffance à laquelle tout eft foumis, & inviolable.

Ce Gouvernement Théocratique dont j'ai parlé ailleurs (a), continua fous Jofué & fous les Juges. Dieu les envoye, Dieu les établit. Delà vient que le Peuple difant à Gédéon : Vous régnerez sur nous, vous & votre fils & le fils de votre fils; Gédéon répond: Nous ne régnerons pas fur vous ni moi, ni mon fils; mais le Seigneur régnera fur vous,

Dieu a établi immédiatement des Rois (b). Il fit facrer immédiatement Saul & David par Samuel. Il affermit la Poyauté dans la Maifon de David, & lui ordonna de faire régner à fa place Salomon fon fils. C'eft pourquoi le Trône d'Ifrael eft appellé le Trône de Dieu. Salomon s'affit fur le Trône du Seigneur, & il plut à tous, & tout Ifraël lui obéit (c & tout Ifraël lui obéit (c). Et encore: Beni foit le Seigneur votre Dieu (dit la Reine de Saba à Salomon) qui a voulu vous faire feoir fur fon Trône, & vous établir Roi pour tenir la place du Seigneur votre Dieu (d).

XXVI. L'origine du Droit fuprême de législation, a tou

divine par

tous les peuples;

Tous les Peuples ont confidéré la Loi dans fa fource comme émanée de la Divinité. Les fauffes Religions ont voulu jours été répu- imiter la véritable, & celles qui n'ont pas une origine divine, & les fauffes Re- réfervée à la feule Religion Chrétienne, ont feint de l'avoir. point cette origi- Chaque Législateur a crû que fes Loix, pour être invlolables feint de l'avoir. devoient être affermies par une autorité facrée. Le plus grand obstacle que les Fondateurs des Empires & des Sectes ayent trouvé à leurs deffeins, ç'a été l'éloignement que les hommes

ligions qui n'ont

ne divine, ont

(a) Dans l'Introduction Ch. II.

(b) Genef. 8. 22. 23.

(c) 1. Paral. 29:23, (d) 2. Par. 9. 8,

ont à se soumettre les uns aux autres, & à reconnoître quelque fupériorité de mérite & de lumiéres. L'artifice le plus puiffant qu'ils ayent employé, pour ne pas irriter l'orgueil des hommes qu'ils vouloient affujettir, & pour ne pas choquer leur goût pour cette liberté dont ils les vouloient priver, ç'a été d'attribuer ce qu'il y avoit en eux d'excellent, à une communication fecrette avec les Dieux. Cette idée ayant été une fois reçue, ce qu'il y avoit de grand dans l'homme ambitieux, n'a plus été regardé comme un mérite perfonnel qui dût humilier ceux en qui il ne fe trouvoit pas, mais comme une faveur divine. Zoroaftre se vantoit d'avoir reçu de la Divinité dans fes retraites myftérieuses les Loix qu'il donnoit aux Crétois; Licurgue intéreffa Apollon à l'observation de ses Loix; Platon (a) n'en propofa aucune, qu'il ne voulût la faire confirmer par l'Oracle avant qu'elle fût reçue. C'eft ainfi Numa fit entendre aux Romains, que la Nymphe Egérie lui dictoit les Loix dont il étoit lui-même l'auteur, & que Manco Capac fit entendre aux anciens habitans du Perou, qu'il avoit reçu du Soleil fon pere les Loix qu'il leur donnoit. C'eft ainfi qu'Alexandre, pour étonner les Nations par des prestiges & répandre la terreur de fon nom se déclara fils de Jupiter, & fe déifia ensuite, non que las de n'être qu'un homme, il voulût & crût pouvoir être un Dieu; mais parce que cette qualité infpiroit plus de respect, facilitoit fes conquêtes & retenoit le peuple dans la foumiffion.

[ocr errors]

que

Un Ancien (b) parmi les Payens a défini la Loi un Don de Dieu.

Un grand Philofophe Payen (c) penfe que tout ce que la

(a) Dans fa République & dans fon Livre des Loix.

b Chryfippe.

(c) Ariftot. L, 3. Polit. C. 2,

Tome IV.

A a

Loi commande doit être regardé comme un ordre des Dieux parce qu'elle eft l'image de la Divinité, une raison pure & de paffion.

exempte

Un Poëte Tragique qui a auffi vêcu dans le Paganisme (a), dit que la nature mortelle n'a point engendré les Loix, qu'elles viennent d'en-haut, qu'elles defcendent du Ciel même; que Jupiter Olympien en eft le feul pere.

دو

» Nos plus grands Philofophes (dit Ciceron parlant à son » frere Quintus & à fon ami Atticus) ont jugé que la Loi » n'eft point une invention de l'efprit des hommes, ni rien d'approchant des Réglemens ordinaires mais quelque » chose d'éternel qui regle l'Univers par la fageffe de ses » Commandemens & de fes défenfes. Selon eux, cette pre» miere & derniere Loi eft l'efprit de Dieu même, dont la » Souveraine raison fait ou empêche qu'on ne faffe tout ce qui » fe fait ou ne fe fait pas. C'eft de cette Loi que tire fa nobleffe, celle que les Dieux ont donnée au genre humain, laquelle n'eft autre chofe que la pensée du Sage, qui sçait » commander le bien & défendre ce qui y eft contraire (b). Sans les Loix, le monde feroit rempli de défordres; la de tout Gouverne- cruauté & l'injuftice, l'avarice & l'ambition y cauferoient des maux continuels, perfonne ne pourroit être en sûreté, & chacun feroit tous les jours expɔfé à la violence du plus fort. C'est pour prévenir tous ces maux, que Dieu qui fouhaite le bonheur de fes Créatures, a voulu que les hommes: formaffent des fociétés civiles.

XXVII.

Dieu cit auteur

incut.

[ocr errors]

Un Auteur célébre, qui a vêcu dans un Etat Républicain & qui a employé fa plume pour les Peuples contre les Rois (c), en foutenant que l'autorité des Rois vient des

(a) Sophocle.

(b) Cicer. de Legib. lib. 2.

(c) Abbadie, dans fon Livre intitulé: Défenfe de la Nation Britannique. La Haye, in-12. 1693. p. 211. Voyez fon article dans mon Examen.

T

« PreviousContinue »