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voir point où l'eft fty Gironte que moi cherchair? Non, Monfieur, je ne fçay point où eft Geronte. Dites-moi le vous frenchemente, moi ly fouloir pas grande chofe à lui. L'eft feulement pour ly donnair un petite régale fur le dos d'un douzaine de coups de baftonne, & de trois ou quatre petites coups d'épée au trafers de fon poitrine. Je vous affure, Monfieur, que je ne fçai pas où il eft. Il me femble que j'y foi remuair quelque chofe dans sty fac. Pardonnez-moi, Monfieur. Ly eft affurémente quelque histoire là-tetans. Point du tour, Monfieur. Moi l'afoir enfie de tonner ain coup d'épée dans fty fac. Ah, Monfieur, gardez-vous en bien. Montre le moi un peu fous, ce que c'eftre-là. Toutbeau, Monfieur. Quement, tout-beau. Vous n'avez que faire de vouloir voir ce que je porte. Et moi je le fouloir foir, moi. Vous ne le verrez

point. Ah! que de badinemente. Ce font hardes qui m'apartiennent. Montre-moi fous, te dy je. Je n'en ferai rien. Toi ne faire rien? Non, Moi pailler de fte baftonne deffus les épaules de toi. Je me moque de cela. Ah! toi faire le trole. Ahi, ahi, ahi; Ah, Monfieur, ah, ah, ah, ah. Jufqu'au refoir; l'eftre-là un petit leçon pour ly apprendre à toi à parlair infolentemente. Ah! pefte foit du Baragouineux. Ah!

GERONTE fortant fa tête du fac.
Ah! je fuis roué.

SCA PIN.

Ah! je fuis mort.

GERONTE.

Pourquoi diantre faut-il qu'ils frappent fur mon

dos?

SCAPIN, luy remettant fa tête

dans le fac.

Prenez garde, voici une demi douzaine de foldats tout enfemble. Il contrefait plusieurs personnes enfemble. Allons, tâchons à trouver ce Geronte, cherchons par tout. N'épargnons point nos pas. Courons toute la ville. N'oublions aucun lieu. Vi fitons tout. Furetons de tous les côtez Par où ironsnous? Tournons par là. Non, paricy. A gauche. A droite. Nenny. Si fait. Cachez-vous bien. Ah,

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camarades, voici fon valet. Allons, coquin, il faut que tu nous enfeignes où eft ton Maître. Eh, Meffieurs, ne me maltraittez point. Allons, di nous où il eft? Parke. Hâte-toi. Expedions. Dépêche vite. Tôt. Eh, Meffieurs, doucement. Geronte met doucement la tête hors du fac, & apperçoit la fourberie de Scapin. Si tu ne nous fais trouver ton Maître tout-à-l'heure, nous allons faire pleuvoir fur toi une ondée de coups de bâton.J'aime mieux fouffrir toute chofe, que de vous découvrir mon Maître.Nous allons t'affommer. Faites tout ce qu'il vous plaira. Tu as envie d'être battu. Je ne trahirai point mon Maître. Ah tu en veux tấter? Voilà.... Oh!

Comme il est prêt de frapper »Geronte fort du fac, & Scapin s'enfuit.

GERONTE.

Ah infame! ah traître !. ah fcelerat! C'est ainfi que tu m'affaffines..

SCENE III.

ZERBINETTE, GERONTE.

ZERBINETTE.

AH, ah, je veux prendre un peu l'air.

GERONTĒ.

Tu me le payeras, je te jure.

ZERBINETTE.

Ah, ah, ah, ah, la plaifaute hiftoire, & la bonne dupe que ce vieillard!

GERONTE.

Il n'y a rien de plaifant à cela, & vous n'avez que faire d'en rire.

ZER BINETTE.

Quoi? que voulez-vous dire, Monfieur ?

GERONTE.

Je veux dire que vous ne devez pas vous moquer

ZERBINETTE

de moi.

De vous ?

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ZERBINETTE.

Comment? Qui fonge à fe moquer de vous ?
GERONTE.

Pourquoi venez-vous ici me rire au nez?
ZERBINETTE.

Cela ne vous regarde point, & je ris toute feule d'un conte qu'on vient de me faire, le plus plaifant qu'on puiffe entendre. Je ne fçai pas fi c'eft parce que je fuis intereffée dans la chofe; mais je n'ai jamais trouvé rien de fi drôle qu'un tour qui vient d'être joué par un fils à fon pere, pour en attraper de l'argent.

GERONT E.
Par un fils à fon pere,pour en attraper de l'argent?
ZERBINETTE.

Oui. Pour peu que vous me prefficz, vous me trouverez affez difpofée à vous dire l'affaire, & j'ay une démangeaifon naturelle à faire part des contes que je fçai,

GERONTE.
Je vous prie de me dire cette hiftoire..

ZERBINETTE.

Je le veux bien. Je ne rifquerai pas grand' chofe à vous la dire, & c'eft une avanture qui n'eft pas pour être long-temps fecrette. La Deitinée a voulu que je me trouvaffe parmi une bande de ces perfonnes qu'on appelle Egyptiens, & qui rodant de Province en Province, fe mêlent de dire la bonne fortune, & quelquefois de beaucoup d'autres chofes. En arrivant dans cette ville, un jeune homme me vit, & conceût pour moi de l'amour. Dés ce moment il s'attache à mes pas, & le voilà d'abord, comme tous les jeunes gens, qui croyent qu'il n'y a qu'à parler, & qu'au moindre mot qu'ils nous difent, leurs affaires font faites mais il trouva une fierté qui luy fit un peu corriger fes premieres pensées. Il fit connoître fa paffion aux gens qui me tenoient, & il les trouva difpofez à me laiffer à luy, moyennant quelque fomme. Mais le mal de l'affaire étoit, que mon amant fe trouvoit dans l'état où l'on voit trésfouvent la plupart des fils de famille, c'est-à-dire qu'il étoit un peu dénué d'argent; & il a un

pere,

pere, qui, quoi que riche, eft un avaricieux fieffé, le plus vilain homme du monde. Attendez.Ne me fçaurois-je fouvenir de fon nom? Haye. Aidez-moi un peu. Ne pouvez-vous me nommer quelqu'un de cette ville qui foit connu pour être avare au dernier point?

Non.

GERONTE.

ZERBINETTE.

Il y a à fon nom du ron... ronte. Or... Oronte. Non. Ge... Geronte; oui Geronte justement; voilà mon vilain, je l'ai trouvé, c'eft ce ladre-là que je dis. Pour venir à nôtre conte, nos gens ont vouJu aujourd'huy partir de cette ville; & mon amant m'alloit perdre faute d'argent, fi pour en tirer de fon pere, il n'avoit trouvé du fecours dans l'induftrie d'un ferviteur qu'ila. Pour le nom du fervi teur, je le fçais à merveille. Il s'appelle Scapin; c'eft un homme incomparable, & il merite toutes les louanges qu'on peut donner.

GERONT E.
Ah, coquin que tu es !

ZERBINETTE.

Voici le ftratagême dont il s'eft fervy pour at traper fa dupe, Ah, ah, ah, ah. Je ne sçaurois m'en fouvenir, que je ne rie de tout mon cœur, Ah, ah, ah. Il est allé trouver ce chien d'avare, Ah, ah, ah; & lui a dit, qu'en fe promenant fur le port, avec fon fils, hi, hi, ils avoient vû une galere Turque où on les avoit invitez d'entrer. Qu'un jeune Turc leur y avoit donné la collation. Ah.Que tandis qu'ils mangeoient, on avoit mis la galere en mer; & que le Turc l'avoit renvoyé luy feul à terre dans un efquif, avec ordre de dire au pere de fon Maître, qu'il emmenoit fon fils en Alger s'il ne luy envoyoit tout-à-l'heure cinq cens écus, Ah, ah, ah. Voilà mon ladre, mon vilain, dans de furieufes angoiffes; & la tendreffe qu'il a pour fon fils, fait un combat étrange avec fon avarice. Cinq cens écus qu'on luy demande, font juftement cinq cens coups de poignard qu'on luy don ne, Ah, ah, ah. Il ne peut fe refoudre à tirer cette fomme de fes entrailles; & la peine qu'il fouf

fre

fre, luy fait trouver cent moyens ridicules pour ravoir fon fils, Ah, ah, ah. Il veut envoyer la Juftice en mer aprés la galere du Turc, ah, ah. Il follicite fon valet de s'aller offrir à tenir la place de fon fils, jufqu'à ce qu'il ait amaflé l'argent qu'il n'a pas envie de donner, Ah, ah, ah. Ilabandonne, pour faire les cinq cens écus, quatre ou cinq vieux habits, qui n'en valent pas trente, Ah, ah, ah. Le valet lui fait comprendre à tous coups l'impertinence de fes propofitions, & chaque reflexion eft douloureusement accompagnée d'un, Mais que diable alloit-il faire à cette galere? Ah maudite galere! Traître de Turc! Enfin aprés plufieurs détours, aprés avoir long-temps gemi & foûpiré.... Mais il me femble que vous ne riez point de mon conte. Qu'en dites-vous ?

GERONT E.

Je dis que le jeune homme eft un pendard, un infolent, qui fera puni par fon pere, du tour qu'il lui a fait. Que l'Egyptienne eft une mal-avifée,une impertinente, de dire des injures à un homme d'honneur qui fçaura luy apprendre à venir ici dé baucher les enfans de famille; Et que le valet eft un fcelerat, qui fera par Geronte envoyé au gibet avant qu'il foit demain.

SCENE IV.

SILVESTRE, ZERBINETTE.

SILVESTRE.

U eft-ce donc que vous vous échappez? Sça

pere de vôtre amant?

ZERBINETTE.

Je viens de m'en douter, & je me fuis adreffée à lui-même fans y penfer, pour luy conter fon hiftoire.

SILVESTRE.

Comment, fon hiftoire?

ZERBINETTE.

Oui, j'étois toute remplie du conte, & je brûlois de le redire. Mais qu'importe? tant-pis pour lui.

Je

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