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ARGAN TE.

Mon Dieu, tien.

SCAPIN.

Non, vous dis-je, ne vous fiez point à moi. Que fçait-on, fi je ne veux point vous attraper vôtre argent?

ARGANTE.

Tien, te dis-je, ne me fais point contefter davantage. Mais fonge à bien prendre tes fùretez avec

lui.

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SCAPIN.

Laiffez-moi faire, il n'a pas à faire à un fot.
ARGANTE.

Je vais t'attendre chez moi.

SCAPI N.

Je ne manquerai pas d'y aller. Et un. Je n'ai qu'à chercher l'autre. Ah, ma foi, le voici. Il femble que le Ciel, l'un aprés l'autre,les amene dans mes filets.

SCENE VII.

GERONTE, SCAPIN. SCAPIN, faisant semblant de ne pas voir Geronte.

Ciel! ô difgrace imprévue! ô miferable pe

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GERONTE.

Que dit-il là de moi, avec ce vifage affligé!
SCAPIN.

N'y a-t-il perfonne qui puiffe me dire où eft le Seigneur Geronte ?

GERONTE.

Qu'y a-t-il, Scapin?

SCAPIN.

Où pourrai-je le rencontrer, pour lui dire cette infortune?

GERONTE:

Qu'est-ce que c'est donc ?

SCAPIN.

En vain je cours de tous côtez pour le pouvoir

ouver.

GE

Me voici.

GERONT E.

SCAPIN.

Il faut qu'il foit caché en quelque endroit qu'on ne puiffe point deviner.

GERONTE.

Hola, es-tu aveugle, que tu ne me vois pas ? SCAPIN.

Ah, Monfieur, il n'y a pas moyen de vous rex

contrer.

GERONTE.

Il y a une heure que je fuis devant toi. Qu'est-ce que c'eft donc qu'il y a?

SCAPIN.

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Eft tombé dans une difgrace la plus étrange du monde.

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Je l'ay trouvé tantôt, tout trifte, de je ne fçai quoi que vous lui avez dit, où vous m'avez mêlé affez mal à propos; & cherchant à divertir cette trifteffe, nous nous fommes allez promener fur le port. Là, entr'autres plufieurs chofes, nous avons arrêté nos yeux fur une galere Turque affez bien équipée. Un jeune Turc de bonne mine, nous a invitez d'y entrer, & nous a prefenté la main. Nous y avons paffé, il nous a fait mille civilitez. nous a donné la collation, où nous avons mangé des fruits les plus excellens qui fe puiffent voir, & beu du vin que nous avons trouvé le meilleur du monde.

GERONT E. Qu'y a-t-il de fi affligeant à tout cela?

Tom. III.

Ttt

SCA

SCAPIN.

Attendez, Monfieur, nous y voici. Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galere en mer, & fe voyant éloigné du port,il m'a fait mettre dans un efquif, & m'envoye vous dire,que fi vous ne lui envoyez par moi tout-à-l'heure cinq cens écus, il va vous emmener vôtre fils en Alger.

GERONT E.

Comment, diantre, cinq cens écus?
SCAPIN.

Oui, Monfieur; & de plus, il ne m'a donné pour cela que deux heures.

GERONTE.

Ah le pendard de Turc, m'aflatliner de la façon !

SCAPIN.

C'eft à vous, Monfieur, d'avifer promptement aux moyens de fauver des fers un fils que vous aimez avec tant de tendreffe.

GERONT E.

Que diable alloit-il faire dans cette galere?

SCAPIN.

Il ne fongeoit pas à ce qui eft arrivé.

GERONTE.

Va-t-en, Scapin, va-t-en vîte dire à ce Turc, que je vais envoyer la Juftice aprés lui.

SCAPIN.

La Justice en pleine mer ! Vous moquez-vous des

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Que diable alloit-il faire dans cette galere?

SCAPIN.

Une méchante deftinée conduit quelquefois les perfonnes.

GERONTE.

Il faut, Scapin, il faut que tu faffes icy l'action d'un ferviteur fidelle,

SCAPIN.

Quoi, Monfieur ?

GERONTE.

Que tu ailles dire à ce Turc, qu'il me renvoye mon fils, & que tu te mets à fa place, jusqu'à ce que j'aye amaffé la fomme qu'il demande.

SCA

SCAPIN.

Eh, Monfieur, fongez-vous à ce que vous dites? & vous figurez-vous que ce Turc ait fi peu de fens, que d'aller recevoir un miferable comme moi, à la place de vôtre fils?

GERONT E.

Que diable alloit-il faire dans cette galere?

SCAPIN.

Il ne devinoit pas ce malheur. Songez, Monfieur, qu'il ne m'a donné que deux heures.

GERONTE.

Tu dis qu'il demande..

SCAPIN.

Cinq cens écus.

GERONTE.

Cinq cens écus ! N'a-t-il point de confcience?

SCAPIN.

Vrayment oui, de la confcience à un Turc.

GERONTE.

Sçait-il bien ce que c'eft que cinq cens écus?
SCAPIN.

Oui, Monfieur, il fçait que c'est mil cinq cens livres.

GERONTE.

Croit-il, le traître, que mil cinq cens livres fe trouvent dans le pas d'un cheval?

SCAPIN.

Ce font des gens qui n'entendent point de rai

fon.

GERONTE.

Mais que diable alloit-il faire à cette galere?

SCAPIN.

Il eft vrai; mais quoi? on ne prévoyoit pas les chofes. De grace, Monfieur, dépêchez.

GERONTE. Tien, voila la clef de mon armoire.

SCAPIN.

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GERONT E.

Tu trouveras une groffe clef du côté gauche, qui eft celle de mon grenier.

Oui.

SCAPIN.

GERONT E.

Tu iras prendre toutes les hardes qui font dans cette grande mane, &tu les vendras aux fripiers, pour aller racheter mon fils.

SCAPIN, en luy rendant la clef.

Eh, Monfieur, rêvez-vous? Je n'aurois pas cent francs de tout ce que vous dites: & de plus, vous fçavez le peu de temps qu'on m'a donné.

GERONT E.

Mais que diable alloit-il faire à cette galere?
SCAPIN.

Oh que de paroles perduës! Laiflez-là cette galere, & fongez que le temps preffe, & que vous courez rifque de perdre vôtre fils. Helas! mon pauvre Maître, peut-être que je ne te verrai de ma vie, & qu'à l'heure que je parle on t'emmene efclave en Alger. Mais le Cicl me fera témoin que j'ai fait pour toi tout ce que j'ay pû; & que fi tu manques à être racheté, il n'en faut accuser que le peu d'amitié d'un pere.

GERON TE.
Atten, Scapin, je m'en vai querir cette fomme.
SCAPIN.

Dépêchez donc vîte, Monfieur, je tremble que l'heure ne fonne.

GERONTE.

N'eft-ce pas quatre cens écus que tu dis?

SCAPIN.

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GERONTE.

Que diable alloit-il faire à cette galere?

SCAPIN.

Vous avez raifon, mais hâtez-vous.

GE

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