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pletore obturante, & à cette cacochimie luxurian➡ te par tout le corps, je fuis d'avis qu'il foit phiebotomifé liberalement ; c'eft-à-dire que les fai ne gnées foient frequentes & plantureufes: En premier lieu de la bafilique, puis de la cephaliques & même fi le mal eft opiniâtre, de lui ouvrir la veine du front, & que l'ouverture foit large, afin que le gros fang puiffe fortir; & en même temps, de le purger, defopiler, & evacuer par purgats propres & convenables; c'est-à-dire par cholago gues, melanagogues, & catera; & comme la vo sitable fource de tout le mal, eft ou une humeur craffe & feculente, ou une vapeur noire & groffere qui obfcurcit, infecte & falit les efprits animaux, il eft à propos enfuite qu'il prenne un bain d'eau pure & nette, avec force petit lait clair, pour purifer par l'eau la feculence de l'humeur craffe, & éclaire cir par le lait clairs la inoirceur de cette vapeur mais avant toute chofe, je trouve qu'il eft bonde le réjouir par agreables converfations, chants & inftrumens de Mufique, à quoy il n'y a pas d'inconvenient de joindre des Danfeurs, afin que leurs mouvemens, difpofition & agilité puiflent exciter & réveiller la pareffe de fes efprits engourdis, qui occafionne l'épaiffeur de fon fang, d'où procede la ma ladie. Voilà les remedes que j'imagine, aufqueis pourront être ajoûtez beaucoup d'autres meilleur par Monfieur nôtre Maître & Ancien, fuivant l'expe rience, jugement, lumiere & fuffifance qu'il s'eft acquife dans nôtre Art Dixi:

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2

A Dien ne plaife, Monfieur, qu'il me tombe en penfée d'ajoûter rien à ce que vous venez de dire: vous avez fi bien difcouru fur tous les fignes, les fymptomes & les caufes de la maladie de Monfieur; le raifonnement que vous en avez fair eft fi do&te & fi beau, qu'il eft impoffible qu'il ne foit pas fou, & mélancolique hypocondriaque; & quand il ne le feroit pas, il faudroit qu'il le devint, pour la beauté des chofes que vous avez dites, & la jufteffe du raifonnement que vous avez fait. Ouy, Monfieur, Vous avez depeint fort graphiquement, graphic depinxifti, tout ce qui appartient à cette maladie;

,

ne fe peut rien de plus doctement, fagement, genieusement conceu, penfé, imaginé, que ce ie vous avez prononcé au fujet de ce mal, foit our la diagnofe, ou la prognofe, ou la therapie; il ne me reste rien ici, que de feliciter Monfieur, être tombé entre vos mains, & de lui dire qu'il eft >p heureux d'être fou, pour éprouver l'efficace & douceur des remedes que vous avez fi judicieuseent propofez: Je les approuve tous manibus & dibus defcendo in tuam fententiam. Tout ce que j'y udrois ajoûter, c'eft de faire les faignées & les rgations en nombre impair, Numero Deus impari det: de prendre le lait clair avant le bain; de luy mpofer un fronteau où il entre du fel; le fel est mbole de la fageffe; de faire blanchir les murailles fa chambre, pour diffiper les tenebres de fes efits, Album eft disgregativum vifus, & de lui donr tout à l'heure un petit lavement, pour fervir de élude & d'introduction à ces judicieux remedes, nt, s'il a à guerir, il doit recevoir du foulagement. iffe le Ciel, que ces remedes, Monfieur, qui font les Stres, réuffiffent au malade felon nôtre intention. M. DE POURCEAUGNAC. Meffieurs, il y a une heure que je vous écoute. ft-ce que nous jouons ici une Comedie ?

I.

MEDECIN.

Non, Monfieur, nous ne joüons point.

M. DE POURCEAUGNAC. Qu'est-ce que tout ceci? & que voulez-vous dire vec vôtre galimatias & vos fottifes?

I. MEDECIN.

T

Bon, dire des injures. Voilà un diagnostique qui ous manquoit pour la confirmation de fon mal, & eci pourroit bien tourner en manie.

M. DE FOURCEAUGNAC..

Avec qui m'a-t-on mis ici?

Il crache deux ou trois fois.

1. MEDECIN.

Autre diagnoftique: La fputation frequente.
M. DE POURCEAUGNAC.

Laiffons cela, & fortons d'ici.

.I.

MEDECIN.

Autre encor: L'inquietude de changer de place.

M. DE

M. DE POURCEAUGNAC. Qu'eft-ce donc que toute cette affaire? & que me voulez-vous?

t

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1. MEDECIN,

Vous guerir, felon l'ordre qui nous a été donné.
M. DE POURCEAUGNAC.

>. Me guerit?

མ་

Ouy

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M. DE POURCEAUGNAC.

Parbleu je ne fuis pas malade.

1. MEDECIN

Mauvais figne, lors qu'un malade ne fent pas fon mal M. DE POURCEAUGNAC.

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Je vous dis que je me porte bien.

1. MEDE CIN...

Nous fçavons mieux que vous comment vou Vous portez, & nous fommes Medecins, qui voyon clair dans votre conftitution.

M. DE POURCEAUGNAC.

Si vous étes Medecins, je n'ay que faire de vous, & je me moque de la Medecine.

1. MEDECIN.

Hon, hon; voici un homme plus fou que nous ne penfons.

M. DE POURCEAUGNAC.

Mon Pere & ma Mere n'ont jamais voulu de re medes, & ils font morts tous deux fans l'affittance des Medecins.

T. MEDECIN,

Je ne m'étonné pas s'ils ont engendré un Fils qui eft infenfé. Allons, procedons à la curation, & par la douceur exhilarante de l'harmonie, adoucifions, lenifions & accoifons l'aigreur de fes efprits, que je voy prêts à s'enflammer.

SCENE IX.

M. DE POURCEAUGNAC.

Ue Diable eft cela? Les gens de ce pais-ci fontQils infenfez? Je n'ay jamais rien veu de tel,

je n'y comprens rien du tout.

&

SCE

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EUX MUSICIENS Italiens, en Medecins crotefques, fuivis de HUIT MATASSINS, chantent ces paroles, foutenues de la Symphonie d'un mélange d'inftrumens,

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Che malinconia.

2. Muficien.

Si cantate, ballate, ridete
E fe far meglio volete.

Quando fentite il deliro vicino,
Pigliate del vino,

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E qualche volta un poco di tabacv-ssA
Allegramente Mons Pourceangnac.

SCENE XI.

PAPOTIQUAIRE, M. DE POUR

Mo

CEAUGNAC.

L'APOTIQUAIRE.

Onfieur, voici un petit remede, un petit remeIde, qu'il vous faut prendre, s'il vous plaift, s'il vous plaift.

M. DE

M. DE POURCEAUGNAC.

Comment? Je n'ay que faire de cela.

L'APOTIQUAIRE

Il a été ordonné, Monfieur, il a été ordonné.
M. DE POURCEAUGNAC.

Ah, que de bruit.

L'APOTIQUAIRE.

Prenez le, Moufieur, prenez-le: Il ne vous fera point de mal, il ne vous fera point de mal. M. DE POURCEAUGNAC.

Ah.

3

L'APOTIQUAIRE.

C'est un petit Clyftere, un petit Clyftere, benin, benin; il eft benin, benin: là, prenez, prenez, Monfieur; c'est pour déterger, pour déterger, déterger.

Les deux Muficiens accompagnez des Matassins & des Inftrumens, dancent à l'entour de M. de l'ourceaugnat, s'arrêtant devant lui, chantent:

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Piglia-lo, piglia-lo, piglia-lo sù.

M. DE POURCEAUGNAC fuyant,

Allez-vous en au diable.

L'Apotiquaire, les deux Musiciens, & les Matassins le fuivant, tous une seringue à la main.

Fin du premier Acte.

ACTE

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