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LA PAYSANE.

Mon Pere, Monfieur, eft toûjours malade de plus

en plus.

Ce n'eft pas

1. MEDECIN

ma faute; je luy donne des remedes,

que ne guerit-il? Combien a-t-il été faigné de fois ? LA PAYSANE.

Quinze, Monfieur, depuis vingt jours. 1. MEDECIN.

Quinze fois faigné ?

Oui.

LA PAYSANE.

1. MEDECIN.

Et il ne guerit point?

LA PAYS A NE.

Non, Monfieur.

L MEDECINT

C'eft figne que la maladie n'eft pas dans le fang. Nous le ferons purger autant de fois, pour voir fi elle: n'eft pas dans les humeurs ; & fi rien ne nous reüifit, nous l'envoyerons aux bains.

L'APOTIQUAIRE.

Voilà le fin cela, voilà le fin de la Medecine.
ERAST E.

C'eft moy, Monfieur, qui vous ay'envoyé parler ces jours paffez pour un parent un peu trouble d'efprit, que je veux vous donner chez vous, afin de le guerir avec plus de commodité, & qu'il fuit veu de moins de monde..

I.

MEDECIN.

Ouy, Monfieur, j'ay déja difpofé tout, & promers d'en avoir tous les foins imaginables.

ERASTE

Le voici fort à propos

1. MEDECIN.

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La conjon Aure est tout à fait heureufe, & j'ayich un ancien de mes amis, avec lequel je ferai bien-aife de confulter fa maladie.

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M. DE POURCEAUGNAC, ERASTE, .. MEDECIN, L'APOTIQUAIRE.

ERASTE, à M. de Pourceaugnac. UNe petite affaire m'eft furvenue, qui m'oblige vous quitter; mais voila une perfonne entreles mains de qui je vous laiffe, qui aura foin pour moi de vous traiter du mieux qu'il lui fera poffible. I. MEDECIN.

Le devoir de ma profeffion m'y oblige,& c'eft aflez que vous me chargiez de ce foin.

M. DE POURCEAUGNAC. C'eft fon Maître d'hôtel, & il faut que ce foitun homme de qualité.

I.

MEDECIN.

Oui, je vous affure que je traiteray Monfieur méthodiquement, & dans toutes les regularitez de nôtre art.

M. DE POURCEAUGNAC. Mon Dieu, il ne me faut point tant de ceremonies, & je ne viens pas ici pour incommoder. 1. MEDECIN.

Un tel emploi ne me donne que de la joye.
ERASTE.

Voilà toûjours dix pistoles d'avance,en attendant ce que j'ai promis.

M. DE POUR CEAUGNAC.

Non, s'il vous plait, je n'entens pas que vous faffiez de dépenfe, & que vous envoyiez rien acheter pour moy. ERAST E.

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Mon Dieu, laiffez faire, ce n'eft pas pour ce que Vous pensez.

M. DE POURCEAUGNAC. Je vous demande de ne me traitter qu'en ami. ERASTE.

C'est ce que je veux faire.Bas au Medecin. Je vous recommande fur tout de ne le point laiffer fortir de Yos mains, car par fois il veut s'échaper.

I. ME

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1. MEDECIN.

Ne vous mettez pas en peine.

ERAST E, à M. de Pourc.

Je vous prie de m'excufer de l'incivilité que je

Commets.

M. DE POURCEAUGNAC. Vous vous moquez, & c'est trop de grace que vous me faites.

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PREMIER MEDECIN, 2. MEDECIN, M. DE POURCEAUGNAC, L'APOTIQUAIRE.

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1. MEDECIN.

E m'eft beaucoup d'honneur, Monfieur, d'être choisi pour vous rendre fervice.

M. DE POURCEAUGNA C.

Je fuis vôtre ferviteur.

I.

MEDECIN.

Voici un habile homme mon Confrere, avec lequel je vais confulter la maniere dont nous vous traitterons.

M. DE POURCEAUGNAC.

Il ne faut point tant de façons, vous dis-je, & je fuis homme à me contenter de l'ordinaire.

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Allons, des fieges.

M. DE POURCEAUGNAC. Voila, pour un jeune homme, des domestiques bien lugubres!

1. MEDECIN.

Allons, Monfieur, prenez vôtre place, Mon ficur.

Lors qu'ils font affis, les deux Medecins luy prennent
chacun ane main, pour luy tater le poulx.
M. DE POURCEAUGNAC

prefentant fes mains.

Vôtre trés-humble valet. Voyant qu'ils luy tâtent le ponlx. Que veut dire cela?

I. MEDECIN..

Mangez-vous bien, Monfieur ?

M. DE

M. DE POURCEAUGNAC. Ouy, & bois encore mieux.

I.

MEDECIN.

Tant pis; cette grande appetition du froid, & de l'humide, eft une indication de la chaleur & feichereffe qui eft au dedans. Dormez-vous fort?

M. DE POURCEAUGNAC.

Ouy, quand j'ay bien foupé.

I. MEDECIN.

Faites-vous des fonges?

M. DE POURCEAUGNAC.

Quelquefois.

'

1. MEDECIN.

De quelle nature font-ils ?

M. DE POURCEAUGNAC.

De la nature des fonges. Quelle diable de converfation eft-ce là P

1.

MEDECIN.

Vos dejections, comment font-elles?

M. DE POURCEAUGNAC. Ma foy je ne comprens rien à toutes ces questions, je veux plûtôt boire un coup.

1. MEDECIN.

Un peu de patience, nous allons raifonner fur vôtre affaire devant vous, & nous le ferons en Fran"gois, pour être plus intelligibles.

M. DE POURCEAUGNAC.

Quel grand raifonnement faut-il pour manger un

morceau?

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Comme ainfi foit qu'on ne puiffe guerir une maladie, qu'on ne la connoifle parfaitement, & qu'on ne la puifle parfaitement connoître, fans en bien établir Pidée particuliere & la veritable efpecc, par fes fignes diagnoftiques & prognoftiques; vous me permettrez, Monfieur nôtre Ancien, d'entrer en confideration de la maladie dont il s'agit, avant que de toucher à la therapeutique & aux remedes qu'il nous conviendra faire pour la parfaite curation d'icelle. Je dis donc, Monfieur, avec votre permiffion, que nôtre Malade ici prefent, eft malheu reufement attaqué, affecté, poffedé, travaillé de sette forte de folie que nous nommons fort bien,

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lancolie hypocondriaque, efpece de folie tréscheufe, & qui ne demande pas moins qu'un culape comme vous, confommé dans nôtre art; ous, dis-je, qui avez blanchi, comme on dit, us le harnois, & auquel il en a tant paffé par les ains de toutes les façons. Je l'appelle mélancolie ypocondriaque, pour la diftinguer des deux aus es; car le colebre Galien établit doctement à fon dinaire trois efpeces de cette maladie que nous ommons mélancolie, ainfi appellée non feule ient par les Latins, mais encore par les Grecs ; e qui eft bien à remarquer pour notre affaire: La remiere, qui vient du propre vice du cerveau; la conde, qui vient de tout le fang, fait & rendu rabilaire; da troifiéme, appellée hypocondriaques ui eft la nôtre, laquelle procede du vice de quel ue partie du bas ventre, & de la region inferieus e: mais particulierement de la ratte, dont la cha eur & l'inflammation porte au cerveau de nôtre halade beaucoup de fuligines épaiffes & craffes, ont la vapeur noire & maligne caúfe déprava ion aux fonctions de la faculté Princefle, & fait i maladie dont par nôtre raisonnement il eft ma fifeftement atteint & convaincu. Qu'ainfi në foit, your diagnostique inconteftable de ce que je dis, rous n'avez qu'à confiderer ce grand ferieux qué Vous voyez cette trifteffe accompagnée de crain e & de defiance, fignes pathognomoniques & individuels de cette maladie, fi bien marquée chez le divin vieillard Hipocrate: cette phyfionomie, ces yeux rouges & hagards, cette grande barbe, cette habitude du corps ménue, grefle, noire & veluë; lefquels fignes le denotent trés-affecté de cette maladie, procedante du vice des hypocondres; laquelle maladie par laps de temps naturalisée, envieillie, habituée, & ayant pris droit de bourgeoifie chez lui, pourroit bien degenerer, ou en manie, ou en phrifie, ou en apoplexie, ou même en fine phrenefic & fureur. Tout ceci fuppofé, puis qu'unè maladie bien connue est à demi guerie, car ignoti nulla eft curatis morbi, il ne vous fera pas difficile de convenir des remedes que nous devons faire à Monfieur. Premierement, pour remedier à cette

ple

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