Page images
PDF
EPUB

SCENE XVI.

MONSIEUR JOURDAIN, DORIMENE,
DORANTE, LAQUAIS.

M. JOURDAIN aprés avoir fait deux reverences,
Je trouvant trop prés de Derimene.

UN peu plus loin, Madame.

Comment?

DORIMENE.

M. JOURDAIN.

Un pas, s'il vous plaît.

Quoy donc?

DORIME NE..

M. JOURDAIN.

Reculez un peu, pour la troifiéme.
DORANT E.

Madame, Monfieur Jourdain fçait fon monde.
M. JOURDAIN.

Madame, ce m'eft une gloire bien grande, de me voir affez fortuné, pour être fi heureux, que d'avoir le bonheur, que vous ayez eu la bonté de m'accorder la grace, de me faire l'honneur,de m'honorer de la faveur de vôtre prefence: Etfi j'avois auffi le merite, pour meriter un merite comme le vôtre, & que le Ciel.... envieux de mon bien... m'eût accor dé... l'avantage de me voir digne... des...

DORAN TE.

Monfieur Jourdain, en voilà affez, Madame n'aime pas les grands complimens, & elle fçait que vous étes homme d'efprit. bas à Dorimene. C'est un bon Bourgeois affez ridicule, comme vous voyez dans toutes les manieres.

DORIM EN E.
Il n'eft pas malaifé de s'en appercevoir.
DORANT E.

Madame, voilà le meilleur de mes amis.
M JOURDAIN.
C'eft trop d'honneur que vous me faites.
DORANTE.

Galant homme tout-à-fait.

DORIMENE.

J'ay beaucoup d'estime pour luy.

M.

M. JOURDAIN.

Je n'ay rien fait encore, Madame, pour meriter

cette grace.

DORANTE, bas à M. Jourdain. Prenez bien garde au moins, à ne luy point parler du Diamant que vous luy avez donné.

M. JOURDAIN.

Ne pourrois-je pas feulement luy demander comnent elle le trouve?

DORANT E.

Comment? gardez-vous en bien. Cela feroit viain à vous, & pour agir en galant homme, il faut que vous faffiez comme fi ce n'étoit pas vous qui uy cuffiez fait ce prefent. Monfieur Jourdain, Ma lame, dit qu'il eft ravi de vous voir chez luy..

DORIM EN E..

Il m'honore beaucoup.

M. JOURDAIN.

Que je vous fuis obligé, Monfieur, de luy parler infi pour moy!

DORANT E.

J'ay eu une peine effroyable à la faire venir ici.
M. JOURDAIN.
Je ne fçay quelles graces vous en rendre.

DORANT E.

Il dit, Madame, qu'il vous trouve la plus belle. perfonne du monde.

DORIM.EN E.

C'est bien de la grace qu'il me fait.

M. JOURDAIN.

Madame, c'eft vous qui faites les graces, &...

DORAN T E.

Sóngeons à manger.

LAQUA I S.

Tout eft preft, Monfieur.

DORANTE.

Allons donc nous mettre à table, & qu'on faffe. venir les Muficiens.

Six Caifiniers,qui ont preparé le Festin,dancent ensemble, font le troifiéme Intermede;aprés quoy ils apportent une table couverte de plufieurs mets.

Fin du traifiéme. Alle.

[ocr errors][merged small]

ACTE QUATRIE ME.

SCENE I.

DORANTE, DORIMENE, MONSIEUR JOURDAIN, DEUX MUSICIENS, UNE MUSICIENNE, LAQUAIS.

C

DORIMENE.

Omment, Dorante, voilà un repas tout-àfait magnifique!

M. JOURDAIN.

Vous vous moquez, Madame, & je voudrois qu'il fût plus digne de vous être offert. Tous fe mettent à table.

DORANTE.

Monfieur Jourdain a raison, Madame, de parler de la forte, & il m'oblige de vous faire fi bien les honneurs de chez luy. Je demeure d'accord avec luy, que le repas n'eft pas digne de vous. Comme c'eft moy qui l'ay ordonné,& que je n'ay pas fur cette matiere les lumieres de nos amis, vous n'avez pas iciun repas fort fçavant,& vous y trouverez des incongrui tez de bonne chere, & des barbarifmes de bon goût. Si Damis nôtre ami s'en étoit mêlé, tout feroit dans les regles; il y auroit par tout de l'élegance & de l'érudition, & il ne manqueroit pas de vous exageret luy-même toutes les pieces du repas qu'il vous donneroit, & de vous faire tomber d'accord de fa haute capacité dans la fcience des bons morceaux; de vous parler d'un pain de rive à bizeau doré, relevé de croûte par tout, croquant tendrement fous la dent; d'un vin à feve veloutée, armé d'un vert qui n'eft point trop commandant; d'un carré de mouton gourmandé de perfil; d'une longe de veau de riviere, longue comme cela, blanche, délicate, & qui fous les dents eft une vraye pafte d'amande; de perdrix relevées d'un fumet furprenant; & pour fon Opera, d'une foupe à bouillon perlé, foûtenuë d'un jeune gros dindon, cantonnée de pigeonneaux, & couron

née

née d'oignons blancs, mariez avec la chicorée. Mais pour moy, je vous avouë mon ignorance; & comme Monfieur Jourdain a fort bien dit, je voudrois que le repas fût plus digne de vous être offert.

DORIMENE.

Je ne répons à ce compliment, qu'en mangeant comme je fais.

M. JOURDAIN. Ah que voilà de belles mains!

DORIMENE.

Les mains font mediocres, Monfieur Jourdain; mais vous voulez parler du Diamant qui eft fort beau. M. JOURDAIN.

Moy, Madame! Dieu me garde d'en vouloir parler; ce ne feroit pas agir en galant homme, & le Diamant eft fort peu de chose.

DORIMENE.

Vous etes bien dégoûté.

M. JOURDAIN.

Vous avez trop de bonté....

DORANTE, aprés avoir fait figne à M. Jourdain. Allons, qu'on donne du vin à Monfieur Jourdain, & à ces Meffieurs qui nous feront la grace de nous chanter un air à boire.

DORIMEN E.

C'eft merveilleufement affaifonner la bonne chere, que d'y mêler la Musique ; & je me vois icy admirablement regalée.

M. JOURDAIN.

Madame, ce n'eft pas...

T

DORANTE

Monfieur Jourdain, preftons filence à ces Meffieurs; ce qu'ils nous diront vaudra mieux que tout ce que nous pourrions dire.

Les Muficiens & la Muficienne prennent des verres, chantent deux Chansons à boire, & font fontenus de tonte la Simphonie.

PREMIERE CHANSON A BOIRE.

UN petit doigt, Philis, pour commencer le tour: Ah! qu'un verre en vos mains a d'agreables charmes!

Vous, & le vin, vous vous prêtez des armes ›
Et je fens pour tous deux redoubler mon amour :
Entre luy, vous & moy, jurons jurons ma belle ̧.
Une ardeur eternelle.

Qu'en mouillant vôtre bouche il en reçoit d'attraits!"
Et que l'on voit par lay vôtre bouche embellie!
Et l'un de l'autre ils me donnent envie,

Ab de vous & de luy je m'enyvre à longs traits :-
Entre luy, vous & moy, jurons, jurons ma belle,
Une ardeur eternelle.

SECONDE CHANSON A BOIRE..

BUvons, chers Amis, buvons,

Le temps qui fuit nous y convie:
Profitons de la vie,

Autant que nous pouvons:
Quand on a paffé l'onde noire,
Adien le bon vin, nos amours;
Dépêchons nous de boire,
On ne boit pas tokjours.

Laiffons raifonner les fots
Sur le vray bonheur de la vie ;
Notre Philofophie

Le met parmy les pots:

Les biens, le fçavoir, & la gloire,
N'otent point les foucis fâcheux;
Et ce n'eft qu'a bien boire
Que l'on peut être heureux.

Sus, fus du vin, par tout verfez, garçons verfiz,,
Verfez, verfez tokjours, tant qu'on vous dife affez
DORIMENE.

Je ne croy pas qu'on puiffe mieux chanter, & cela eft tout-à-fait beau.

M. JOURDAIN.

Je vois encore ici, Madame, quelque chofe de plus bean.

DORIM'EN E.

Ouais, Monfieur Jourdain eft galant plus que je ne penfois.

« PreviousContinue »