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GARCON TAILLEUR.

Monfeigneur, nous allons boire tous à la fanté,de ôtre Grandeur.

M. JOURDAIN.

Vôtre Grandeur, oh, oh, oh! Attendez, ne vous allez pas. A moy, vôtre Grandeur! Ma foy, s'il jusqu'à l'Alteffe, il aura toute la bourse. Tenez, ›ilà pour ma grandeur.

GARCON TAILLEUR. Monfeigneur, nous la remercions trés-humbleent de fes liberalitez.

M. JOURDAIN.
Il a bien fait, je luy allois tout donner.

Les quatre Garçons Tailleurs fe réjouissent par une
dance, qui fait le fecond Interméde

Fin du fecond Acte.

ACTE III.

SCENE I.

MONSIEUR JOURDAIN, & fes deux L AQUAIS.

S

M. JOURDAIN.

Vivez-moy, que j'aille un peu montrer mon habit par la ville, & fur tout, ayez foin tous deux de marcher immédiatement fur mes pas, afin qu'on voye bien que vous étes à moi.

LA QUAI S.

Ouy, Monfieur.

M. JOURDAIN.

Appellez-moy Nicole, que je luy donne quel ques ordres. Ne bougez, la voilà.

SCE

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Qu'as-tu à rire?

NICOLE.

Hi, hi, hi, hi, hi, hi.

M. JOURDAIN.

Que veut dire cette coquine-là?

NICOLE.

Hi, hi, hi. Comme vous voilà bâti! Hi,hi, hi.
M.. JOURDAIN.

Comment donc ?

NICOL E.

Ah, ah, inon Dieu, Hi, hi, hi, hi, hi.

M. JOURDAIN.

Quelle friponne eft-ce là? Te moques-tu

moy?

NICOLE.

Nenny, Monfieur, j'en ferois bien fâchée. Hi, hi, hi, hi, hi, hi.

M. JOURDAIN.
Je te bailleray fur le nez, fi tu ris davantage.

NICOL E.

Monfieur, je ne puis pas m'en empêcher. Hi, hi,

hi, hi, hi, hi.

M. JOURDAIN.

Tu ne t'arrêteras pas?

NICOL E.

Monfieur, je vous demande pardon; mais vous étes fi plaifant, que je ne fçaurois me tenir de rire Hi, hi, hi.

M. JOUR

M. JOURDAIN.

Mais voyez quelle infolence.

NICOL E.

Vous étes tout-à-fait drôle comme cela. Hi, hi
M. JOURDAIN,

Je te...

NICOLE.

Je vous prie de m'excufer. Hi, hi, hi, hi.

M. JOURDAIN.

Tien,fi tu ris encore le moins du monde, je te jure ne je t'appliqueray fur la jouë le plus grand foufflet i fe foit jamais donné.

NICOL E.

Hé bien, Monfieur, voilà qui eft fait, je ne riray

us.

M. JOURDAIN

Prens-y bien gårde. Il faut que pour tantôt tu ttoyes...

NICOL E.

Hi, hi.

M. JOURDAIN,

Que tu nettoyes comme il faut...

- Hi, hi.

NICOL E.

M. JOURDAIN.

Il faut, dis-je, que tu nettoyes la Salle, &...

Hi, hi

Encore ?

NICOLE.

M. JOURDAIN.

NICOLE.

Tenez, Monfieur, battez-moy plûtôt, & me aiffez rire tout mon faoul; cela me fera plus de bien. Hi, hi, hi, hi hi.

J'enrage.

M. JOURDAIN.

NICOLE.

De grace, Monfieur, je vous prie de me laiffer rire. Hi, hi, hi.

M. JOURDAIN.

Si je te prens...

NICOL E.

Monfieur, eur, je creveray, ay, fi je ne ri. Hi, hi, hi.

M.

M. JOURDAIN.

Mais a-t-on jamais veu une Pendarde comme ce le-là, qui me vient rire infolemment au nez, lieu de recevoir mes ordres?

NICOLE.

Que voulez-vous que je faffe, Monfieur?
M. JOURDAIN.

Que tu fonges, Coquine, à préparer ma maion pour la compagnie qui doit venir tantôt. NICOL E.

Ah, par ma foy, je n'ay plus envie de rire; & tes vos compagnies font tant de défordre céans, q ce mot eft aflez pour me mettre en mauvaile

meur.

M. JOURDAIN. Ne dois-je point pour toy fermer ma porte le monde?

NICOLE.

à tout

Vous devriez au moins la fermer à certaines

gens.

SCENE III.

MADAME JOURDAIN, MONSIEUR JOURDAIN, NICOLE, LAQUAIS.

Me. JOURDAIN.

AH,ah; voici une nouvelle hiftoire. Qu'est-ce que c'eft donc mon Mary, que cet équipage-la! Vous moquez-vous du monde, de vous étre fait enhamna cher de la forte? & avez-vous envie qu'on fe ralle par tout de vous?

M. JOURDAIN.

Il n'y a que des Sots, & des Sottes, ma Femme, qui fe railleront de moy.

Me. JOURDAIN.

Vrayment on n'a pas attendu jufqu'à cette heure, & il y a long-temps que vos façons de faire donnent à rire à tout le monde.

M. JOURDAIN.

Qui eft donc tout ce monde-là, s'il vous plait?

Me.

JOURDAIN. Tout ce monde-là cft un monde qui a raison, &

qui eft plus fage que vous. Pour moy, je fuis fcandalifée de la vie que vous menez. Je ne fçay plus ce que c'eft que nôtre maison. On diroit qu'il eft ceans Carême prenant tous les jours; Et dés le matin, de peur d'y manquer, on y entend des vacarmes de Violons & de Chanteurs, dont tout le voisinage se trouve incommodé.

NICOL E.

Madame parle bien. Je ne fçaurois plus voir mon nénage propre, avec cet attirail de gens que vous Faites venir chez vous. Ils ont des pieds qui vont chercher de la boue dans tous les quartiers de la ville, pour l'apporter ici; & la pauvre Françoise eft prefque fur les dents, à frotter les planchers que vos biaux Maîtres viennent crotter regulierement tous les jours.

M. JOURDAIN.

Oûais, nôtre Servante Nicole, vous avez le caquet sien affilé pour une païfanne.

Me.

JOURDAIN. Nicole a raison, & fon fens eft meilleur que le vôtre. Je voudrois bien fçavoir ce que vous penfez faire d'un Maître à dancer à l'âge que vous avez?

NICOLE.

I

Et d'un graud Maître Tireur d'armes, qui vient, avec fes battemens de pied, ébranler toute la maison, & nous deraciner tous les carriaux de nôtre Salle ? M. JOURDAIN. Taifez-vous, ma fervante, & ma femme. Me. JOURDAIN.

Eft ce que vous voulez apprendre à dancer, pour quand vous n'aurez plus de jambes?

NICOL E.

Eft-ce que vous avez envie de tuër quelqu'un ?
M. JOURDAIN.

Taifez-vous, vous dis-je, vous étes des ignorantes f'une & l'autre, & vous ne fçavez pas les prerogatives de tout cela.

3

Me. JOURDAIN. Vous devriez bien plûtôt fonger à marier vôtre fille, qui eft en âge d'être pourveuë.

M. JOURDAIN.

Je fongeray à marier ma fille, quand il fe presen-
Tome 111.

Mmm

tera

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