SCENE II. DAMIS, ORGON, CLEANTE. DAMIS. Voi! mon Pere, eft-il vrai qu'un coquin vous Quoi! menace, Qu'il n'eft point de bienfait qu'en fon ame il n'effa ce, Et que fon lâche orgueil, trop digne de courroux, Se fait, de vos bontez, des armes contre vous? ORGON. Oui, mon fils, & j'en ferts des douleurs nompareil les. DAMIS. Laiffez-moi, je lui veux couper les deux oreilles, Contre fon infolence on ne doit point gauchir. C'eft à moi, tout d'un coup, de vous en affranchir, Et pour fortir d'affaire, il faut que je l'affomme. CLEAN TE. Voilà, tout juftement, parler en vrai jeune homme. Moderez, s'il vous plaît, ces transports éclatans; Nous vivons fous un Regne, & fommes dans un temps, Où, par la violence, on fait mal fes affaires, SCENE III. MADAME PERNELLE, MARIANE, ELMIRE, DORINE, DAMIS, ORGON, CLEANTE, M. PERNELLE. Qu'eft ce? j'apprens ici de terribles myfteres, ORGON. Ce font des nouveautez dont mes yeux font témoins, Ten Tente le noir deffein de fuborner ma femme; DORIN E Le pauvre homme! M. PERNELLE. Mon fils, je ne puis du tout croire Qu'il ait voulu commettre une action fi noire. Comment ? ORGON. M. PERNELLE. Les gens de bien font enviez toujours. Que voulez-vous donc dire avec vôtre discours, Ma Mere? M. PERNELLE. Que chez vous on vit d'étrange forte, Et qu'on ne fçait que trop la haine qu'on luy porte, ORGON. Qu'a cette haine à faire avec ce qu'on vous dit è Je vous l'ay dit cent fois, quand vous étiez petit. Mais que fait ce difcours aux chofes d'aujourd'hui ? ORGON. Je vous ait dit déja, que j'ai veu tout moi-même. M. PERNELLE. Des efprits médifans, la malice eft extrême. ORGON. Vous me feriez damner, ma Mere. Je vous dy, M. PERNELLE. Les langues ont toujours du venin à répandre; ORGON. C'eft tenir un propos de fens bien dépourveu ! Mon Dieu, le plus fouvent, l'apparence deçoit, J'enrage. C M. PERNELLE. ORGON. Je dois interpréter à charitable foin, Le defir d'embrafler ma femme? M. PERNELLE. Ileft befoin, Pour accufer les gens, d'avoir de juftes causes, Hédiantre, le moyen de m'en affûrer mieux ? Enfin d'un trop pur zele on voit fon ame éprife, Allez, Je ne fçay pas, fi vous n'étiez ma Mere, Jufte retour, Monfieur, des chofes d'ici-bas, pas. CLEANT E. Nous perdons des momens, en bagatelles pures, Qu'il faudroit employer à prendre des mefures. Aux menaces du fourbe, on doit ne dormir point. DA MIS. Quoy! fon effronterie iroit jufqu'à ce point? ELMIR E. Pour moi, je ne crois pas cette inftance poffible, Et Et fon ingratitude eft ici trop vifible. Ne vous y fiez pas, il aura des refforts, Pour donner, contre vous, raifon à fes efforts;: Ileft vrai, mais qu'y faire? A l'orgueil de ce traître. De mes reffentimens je n'ai pas été maître. CLEAN T E. Je voudrois de bon cœur qu'on pût entre vous deux, De quelque ombre de paix, racommoder les nœuds. Si j'avois fceu qu'en main il a de telles armes; ORGON. Que veut cet homme? Allez-tôt le fçavoir; Je fuis bien en état que l'on me vienne voir. SCENE IV.. MONSIEUR LOYAL, M. PERNELLE, ORGON DAMIS, MARIANE, DORINE, ELMIRE, CLEANTE. M. LOYA L. Bonjour, ma chere Soeur. Faites, je vous supplies, Que je parle à Monfieur. DORIN E. Il est en compagnie, Et je doute qu'il puiffe, à prefent, voir quelqu'un.. M. LOY A L. Je ne fuis pas pour être, en ces lieux, importun. Mon abord n'aura rien, je croi, qui lai déplaise,,' Et je viens pour un fait dont il fera bien-aife. DORINE.. Votre nom? De la part de Monfieur Tartuffe, pour fon bien. DORIN E. C'eft un homme qui vient, avec douce maniere, CLEAN T E. Il vous faut voir Ce que c'est que cet homme, & ce qu'il peut vouloit. Pour nous racommoder, il vient ici, peut-être. རུ་ Salut, Monfieur. Le Ciel perde qui vous veut nuire, Ce doux début s'accorde avec mon jugement,. M. LOYAL. Toute vôtre maison m'a toûjours été chere, Monfieur, j'ay grande honte, & demande pardon, *D'être fans vous connoître, ou fçavoir votre nom. M. LOYAL. Je m'appelle Loyal, natif de Normandie, ORGON. Quoi! vous étes ici... M. LOYAL. Monfieur, fans paffion, Cen'eft rien feulement qu'une fommation, ORGON. Moi, fortir de ceans? M. |